• Episode 13 - La vie est un long flot tranquille

     

    Episode 13

     

     La vie reprit son cour. Mais elle n'était pas des plus roses pour autant. Loin d'être de la même teinte que le ciel où le soleil s'éclipse afin de laisser sa place à la lune. L'horizon pâlissait et disparaissait au loin. Ce couchant, Angéline aurait pu l'apprécier, la semaine dernière. Mais pas ce soir... Non, ce soir, elle était au plus mal.

     Elle s'était fait violence et était allée travailler, malgré le désaccord de Jolan. Mais leurs finances ne pouvaient souffrir de plus de jour non-travaillé par Angéline. Ils frôlaient le rouge, et c'était une situation critique pour le couple. Même si le jeune homme ne semblait s'en soucier, habitué à vivre de façon indépendante et loin du système, il n'arrivait pas à comprendre ce besoin de tout payer. Alors Angéline endossait tous les tracas et les soucis de cet ordre-là. Sortant du travail, qui portant n'était pas si épuisant que cela d'ordinaire, elle vomit sur le pas de la porte. Elle entendit les petites clochettes de la porte de la librairie teinter derrière elle. Son patron la fixait, soupirant et inquiet.

     - Tu ferais mieux d'aller à l'hôpital.

     Mais Angéline refusa. Elle ne voulait avoir de frais supplémentaire, elle ne voulait pas avoir une réponse négative. Une réponse potentiellement "fatale" sur sa santé.

     Mais elle n'eut son mot à dire. Son employeur la prit par le bras et la traina à l'hôpital. Ce n'était qu'à deux pas de la librairie. Elle protesta bien sûr, cherchant mille prétexte pour se désister. Mais le vieil homme lui souri et lui assura que tout irait bien. Et il eut raison. Ses peurs étaient infondées. Au contraire, c'était une nouvelle réjouissante. Le ciel s'était légèrement débarrassé de sa teinte rosée, laissant place au orange du couchant. Assise sur son scooter, la belle Angéline savourait la bise du vent sur ses joues blanches et creuses. Mais un immense sourire ourlait ses lèvres.

     

    Elle arriva chez elle et une angoisse terrible lui noua l'estomac. Elle était heureuse mais lui, le serait-il ? Elle déglutit et franchit enfin le seuil de la porte. Jolan était là, en train de s'essuyer les mains après avoir laver la vaisselle. Elle ne dit mot et resta un petit moment à le fixer. Il dû sentir la fraîcheur de l'extérieur, car il leva la tête et découvrit avec joie sa petite amie. Mais la mine inquiète qu'elle arborait le fit perdre son sourire et il se précipita vers elle. Elle lui fit signe que tu allais bien et lui proposa de s'installer sur le banc de paille. Il le fit, sans un mot mais ne cessa de la fixer avec inquiétude.

     Cette pression qu'il exerçait sur elle, serra la gorge d'Angéline. Etait-elle finalement prête à lui annoncer la nouvelle ? Ses mains tremblaient. Elle inspira et expira longuement, sous la mine curieuse de son amant. Leurs mains se frôlaient, tout comme leurs cuisses. Ce contact rassura quelque peu la demoiselle mais pas assez pour qu'elle puisse parler.

     

     - Angéline ?

     Il lui parla enfin, alors qu'elle avait posé sa tête contre son épaule. Elle était bien, callée contre l'homme qu'elle aime, à ne rien faire. Simplement à profiter de sa présence, sa chaleur et de son amour. Il avait cette habitude, inconsciente, de toujours saisir sa main lorsqu'ils étaient installés ainsi, côte à côte. Cela amena un sourire à la demoiselle qui lui rendit son étreinte. Elle n'avait jamais su apprécier le contact humain, et bien que Jolan était un homme peu bavard, il était tactile. Le geste remplacait les mots et cela touchait toujours profondément le coeur de la belle.

     - Tout va bien ?

     Oh oui... On ne pouvait faire mieux. La belle frotta sa joue contre l'épaule de son amant, comme un chat le ferait contre une jambe. Elle ronronnerait si elle le pouvait. Cela fit sourire Jolan qui passa un bras derrière elle. Elle avait besoin de parler et il voyait bien qu'elle hésitait.  

     - Tu sais que tu peux tout me dire.

     Oui, tout... Mais tout n'était pas nécessairement avouable. Elle baissa la tête un instant puis prit une grande inspiration. Elle fixa son petit-ami, et d'une petite voix annonça enfin la nouvelle.

     - Je suis enceinte.

     Elle baissa de nouveau la tête. Voilà, la bombe était lâchée. Quel dégât allait-elle faire ? Des larmes, des rires, un rupture, des cris ? Rien ne vint. Cela l'intrigua. Elle releva la tête et découvrit avec émotion un Jolan au bord des larmes. Ses yeux verts et tendre étaient humides. Elle eut un hoquet de surprise et un vent de panique l'innonda. Elle voulut se lever afin d'aller chercher des mouchoirs mais le jeune la captura dans ses bras et lui baisa la main. Il n'avait jamais fait preuve d'autant de tendresse et de douceur dans ses gestes -bien qu'il le soit toujours. Cela détasbilisa Angéline qui bafouilla silencieusement.

     

    Il n'y eut aucun mot. Aucun son, aucun pleur. Une simple larme orpheline osa s'échapper du regard verdâtre du jeune homme, s'écrasant sur la paume de la belle. Touchée, Angéline s'approcha de lui et lui captura les lèvres. Un baiser simple, tendre et éternel. Il n'y avait besoin de mot entre eux. Leur joie était palpable et communiquante. Jolan était heureux, tout comme elle l'était. Cette réjouissance d'un enfant futur ne sera pas un fardeau qu'elle devra porter seule. Elle sera soutenue, aimée, choyée et protégée. Et plus important encore, cet enfant aura un père aimant et protecteur.

    Quelques semaines passèrent et le ventre de notre chère Angéline s'arrondissait à vue d’œil. Pour son plus grand plaisir et celui de Jolan. Les nausées épouvantables qu'elle subissaient depuis le début de sa grossesse n'étaient qu'un lointain souvenir. Elle se sentait mieux et savourait enfin les joies d'une grossesse. Son petit ventre plat s'étirait avec joie et elle s'épanouissait tout autant que lui. Elle avait toujours au peur d'être mère un jour, pourtant chacune de ses sœurs avaient procrée. Aslinn eut trois enfants, tout comme Aurélianne et Alix. C'était drôle en y repensant, cette espèce de "malédiction". Toute sa fratrie, à l'exception de Cyprien, n'avait eu que 3 enfants. Etait-elle destinée à suivre cet exemple ?

    En fait, peu importait le nombre. Tant que l'enfant ou les enfants étaient en bonne santé, le reste ne lui importait peu. Même les soucis d'argent. Etrangement, depuis l'annonce de cette grossesse, Jolan avait mis les bouchée double dans son travail et obtint un interêt soudain pour son art auprès du public. Il était donc fort occupé et Angéline se sentait légèrement mise de côté. Alors elle s'occupait également, peignant aussi longtemps que ses jambes le lui permettaient. Rester debout était épuisant à force. Et elle n'en était qu'au début... Elle soupira et fixa le dos de son amant. Un mélange de tristesse et d'amour lui étreignit le coeur. Elle allait bientôt devoir le partager. Et cela la rendait malheureuse. Elle était égoïste dans le fond et c'était cela qui l'énervait le plus.

    Un jour, alors qu'elle portait quelques papiers à la mairie, elle tomba nez à nez avec son grand-frère Cyprien. Elle fut choquée de le voir ainsi, adulte et ridé. Elle ne l'avait vu depuis son retour et elle comprit que le temps avait bien filé pendant qu'elle se lamentait sur son état vampirique. Elle pensait que cette page était parfaitement tournée, mais un simple coup de vent la rouvrait sans aucune peine.

    Elle s'approcha de lui, le sourire crispé. Elle n'avait pas réellement donné signe de vie aurpès de ses frères et soeurs, chacun vivant dans son coin. Portant Meadow Glen était une petite ville et il était facile de se croiser, et les ragots allaient bon train. Mais sa peur était futile, car son grand-frère lui offrit son éternel sourire lorsqu'il l'aperçut.

    - Apolline ?

    - C'est Angéline maintenant.

    Sa réponse, elle fut timide, comme une petite fille aurait pu répondre. Cela accentua le sourire de Cyprien, mais également la tendresse se peignit sur son visage ridé.  Cette timidé était un trait de caractère qui avait accompagné la jeune femme toute son enfance et que Cyprien retrouvait avec une nostalgie touchante et prenante.

    - Oui, désolé. Mais pour moi, tu restes Apolline. Tes cheveux sont de nouveaux vert-bleu.

     La jeune femme hocha la tête et touche timidement sa chevelure naturelle. C'était une couleur un peu hors du commun mais étrangement elle n'avait jamais subi de brimade par rapport à cela. Cela la fit sourire légèrement. C'était la couleur de leur famille. Combien d'enfant Vauganne sur combien de génération avait hérité de cette chevelure étrange ?

    - Je me teintais les cheveux tu sais ?

    Ce blanc était loin d'être naturel. Rien de surnaturel non plus, plus une touche de coquetterie de la part de la demoiselle. Un style décalé qui lui permettait d'être une autre. Comme une perruque ou un masque qui dissimulait la véritable Angéline. A ce compte là, elle devrait recouvrir son véritable prénom mais Angéline lui parlait plus. C'était ainsi qu'elle s'était présentée à Jolan et elle ne se voyait pas apparaître en tant qu'Apolline l'effacée et la dernière-née de cette si grande famille.

    Le regard de Cyprien, bienveillant, se baladait sans impunité sur le corps de sa soeur. Elle aurait pu paraître gênée mais la belle en faisait autant. C'était étrange de s'apercevoir qu'avec les années passantes, son aîné ressemblait de plus en plus à leur père, Eloi. Ou alors il n'y avait qu'elle pour le voir. Au moins, avec l'âge, il ne s'était pas dégarni. La calvitie n'était pas un mal qui touchait les hommes chez les Vaugannes. Cela rassura légèrement la future mère qu'elle était. Bien qu'elle ignorait toujours le sexe de l'enfant à venir, elle ne lui souhaitait que tout le bonheur du monde. Cyprien se permit de toucher son ventre rond avec un sourire chaleureux. Il s'était spécialisé dans l'obstétrique mais Angéline avait fait attention à ce ne soit pas lui qui la suit. Elle se souvenait des problèmes qu'elle avait pu lui créer.

    Ils discutèrent un petit moment sur le parvis de la mairie, parlant de leur vie respective. Angéline ne fit pas mention de son combat et de sa lutte contre le vampirisme et Lennart. Non, il n'avait pas besoin de savoir cela. Il était plus qu'assez impliqué dans cette macabre histoire. Elle s'excusa également du tort qu'elle lui causa. La seule réponse de son frère fut :

     " Rien n'est à pardonner car aucune faute ne fut commise. Apolline, tu es ma petite soeur, et quelques furent tes erreurs, tu as mûri et est devenue une magnifique future maman qui saura combler son enfant d'amour."

     

    Ces simples mots firent monter les larmes aux yeux de la demoiselle qui quitta son frère avec un sourire. Elle se croyait responsable de tous les maux de sa famille, de cette déchirure entre les frères et les sœurs. Mais non. Il n'en était rien. Ce n'était qu'un hasard, un simple mouvement, comme une vague qui ballait la plage. A force de passage, elle emporte des grains de sables. La vague fut le temps, et le grain de sable un membre de la famille. Le temps les avait éloigné, prenant chacun un chemin différent. Cyprien coordonnait sa vie de famille et son travail. Aslinn perçait dans le journalisme, travaillant énormément de paire avec leur regrettée tante Azilis, élevant ses trois enfants. Adam voyageait par mont et par vaux grâce à son emploi chez les militaires. Il gravit les échelons avec aisance et se retrouva à la tête de la caserne de la ville. Aurélianne vivait sa vie dans son coin, savourant sa petite célébrité locale, aux côtés de son beau Milan. Il avait bien du mérite cet homme à supporter Aurélianne et son caractère bien trempé. Leurs filles, Elaine et Célice, aujourd'hui adolescentes, étaient une espèce de copie conforme à leur mère. Et Alix... La jumelle d'Angéline... Alix vivait loin, bien trop loin de sa chère jumelle et du peu de nouvelle qu'Angéline obtenait elle vivait de son métier de bouche, auprès de son unique amour et en présence de ses trois fils. La vie continua alors qu'Angéline avait mise la sienne en pause.

    Mais ceci faisait partit du passé, car désormais son présent était Jolan et son avenir reposait dans son ventre qui grandissait au fils des jours. Elle découvrit avec amusement et amour un nouveau Jolan gâteux et totalement amoureux d'un ventre. Bien plus que ce qu'il était, il s'intéressait à la vie qui s'épanouissait sereinement au sein d'Angéline. Cette vie dont il avait une part importante de responsabilité. Joie, apréhension, amour, fierté... Tous ces sentiments bouillonnaient en lui comme elle. Père, mère... Leur vie allait radicalement changer, pour le meilleur comme pour le pire. Mais ils allaient être heureux, la jeune femme en était positivement heureux. Et même si ce bonheur serait difficile à faire naitre, elle allait y travailler très fort et faire de chaque jour un souvenir mémorable où le sourire sera la première chose auquel elle pensera.

    La vie est un flot, comme une rivière. Parfois tranquille, parfois sereine. Mais un jour de pluie peut la faire sortir de son lit, gorger la terre et abreuver les plantes qui l'entourent. Tout comme cette rivière capricieuse, Jolan était semblable. Alors qu'il profitait d'un été frais et fleuri, le jeune homme s'agenouilla devant sa belle. Il était nerveux, elle pouvait le sentir, le voir dans ses sourires crispés et ses gestes peu assurés. Lui qui était sculpteur, c'était un manque de confiance en lui évidente qui mit légèrement la puce à l'oreille de la belle.

    Mais elle ne voulait surtout pas briser la magie du moment. Ce genre de chose ne se produisait qu'une seule et unique fois -du moins on l'espère tous et toutes. Alors elle feint et contena ses larmes avant la question fatidique.

     - Angéline, veux-tu devenir ma femme ?

     Cette question, elle l'avait tant et tant espérée, mais elle n'était jamais venue dans leur conversation. Jolan éludait toujours leur avenir commun. Il fuyait, comme peu sûr de lui. Elle comprenait d'une certaine façon que le jeune sculpteur cherchait à ne pas être lié. La mort de sa soeur était un terrible coup à son coeur et à sa confiance en autrui. Angéline comprenait mais gardait toujours un faible espoir d'être liée à lui autrement que par le coeur. Certes, ce n'était q'une formalité, mais rendre les choses officielles permettait de pose les limites, d'appuyer et de montrer son amour en l'autre.

    La réponse ? Elle paraissait évidente. Elle ne se contenta que d'un simple oui. Un oui bredouillant et larmoyant. Jolan passa alors la bague autour de son doigt et baisa la bague qui ornait la main de la belle. Elle rougissait, heureuse et gênée de l'être autant. Elle pleurait sans aucune honte. Elle avait appris que les larmes n'avaient rien de honteux. Au contraire, elles permettaient de ressentir, d'accepter ce qui semble futile et pénible. Dans les bras de son homme, elle pleurait en silence. Ce n'était pas la grosse crise de larme. Elle les laissait couler, simplement, souriant tandis qu'elle s'embaumait du parfum naturel de Jolan. Le jeune homme avait le cœur qui battait vite et fort. Il était comme elle, nerveux mais heureux. Un regard, rapide et tendre, puis un sourire des amants.

    Aucune cérémonie. La folie de l'instant, l'atmosphère qui les entourait... Tout les guida au prochain pas de leur vie. Ils s'unirent sans aucun témoin. Aucune bague n'ornera leur serment. Ce fut une promesse de coeur et de confiance. Aucune signature, aucune serment devant la famille. La famille c'était eux. Angéline, Jolan et le futur enfant à naître. Et pourquoi pas d'autre après celui-ci ? Elle souriait, comme jamais. Elle avait rêvé, enfant, d'une robe blanche et d'un diadème dans ses cheveux. D'une traîne longue et traînant avec douceur sur un sol recouvert de pétales de rose. Or, elle s'aperçut que le faste et que la féerie que les mariages pouvaient procurer à la plupart des petites filles n'étaient pas le vrai sens du mot "mariage".

     Pas besoin de robe, pas besoin de public. Juste deux âmes qui s'aiment et qui s'unissent jurant de s'aimer, de se soutenir et de sourire malgré les difficultés. Les difficultés, ils en avaient traversé avant ça, alors il n'y avait pour eux que du bonheur en perspective.

     

    Il n'y avait rien qu'eux, dans cette cour, dans cette romance. Il n'y eut qu'eux à cette cérémonie improvisée. Il n'y aura qu'eux dans leur coeur. Un coup fit sursauter la belle, qui dans les bras de son époux, s'agrippa avec fermeté. L'enfant à naitre se manifesta comme pour préciser que le temps à deux n'allait pas être éternel. Que bientôt, ils seraient trois, quatre, cinq, six ou encore sept ? Qui pourrait le dire ? L'avenir était si capricieux. Jolan embrassa sa femme avec douceur, alors qu'elle versa une dernière larme de bonheur. Une maison, un amour, un enfant et une vie devant soi. L'avenir ne pouvait être plus lumineux.

    La pluie malgré le grand soleil. La nature était un parfait exemple de l'aléatoire et de l'improbable. Ce qui fut presque tout autant improbable fut l'arrivée de, non pas une, mais de deux petites filles dans cette petite maison de brique rouge. Angéline accoucha une nuit alors que Jolan était en ville, en train d'inaugurer une petite exposition réunissant différents sculpteurs de la région. La panique gagna le jeune homme, qui d'ordinaire était toujours calme et posé. Cela faisait sourire Angéline aujourd'hui mais sur le moment, elle ne riait pas. L'accouchement se passa avec difficulté. Bien qu'aucune vie ne fut en jeu, elle souffra longuement. Le travail dura laborieusement plus de quinze heures. Son col s'ouvrait si lentement qu'elle souhaitait mourir à chaque seconde qui passait. Bien qu'elle accepta la péridurale, cela resta une longue torture. Jolan eut beau lui dire que tout irait bien, il hérita d'une bonne gifle. Cela le choqua alors que cela fit rire les infirmières.  

    Ce souvenir, qui remontait à quelques mois désormais, fit sourire la maman qui prenait le temps de cajoler la petite dernière. La première fut prénommée Iseult et sa jumelle Isabeau. De vieux prénoms des légendes qui avaient aidé Angéline à tenir le coup. Ses filles étaient calmes et douces, comme leur père. Angéline ,qui avait tant souffert lors de son accouchement, regrettait d'avoir souhaité de n'être jamais tombée enceinte. Ce cadeau de la nature qu'était ses filles, pour rien au monde elle ne souhaiterait revenir en arrière.

    Si la maternité l'avait effrayé tout le long de sa grossesse, maintenant elle était plus sereine quand à son rôle de mère. Certes, des doutes, elle en avait encore, et elle en aura toujours, mais c'était un réel bonheur que de voir la chair de sa chair se mouvoir, s'émouvoir, sourire et pleurer. Vivre, tout simplement. Elle pourrait pleurer à chaque nouvelle expression sur le visage d'une de ses filles. Elle était bien plus émotives désormais mais elle s'en fichait. Elle était mère, femme et artiste.

    Le temps filait à une allure folle. C'était là bien le seul regret que pouvait avoir Angéline. Elle aimait avoir la main mise sur tout ce qui la touchait mais le temps, ça... Il était insaisisable. Surtout pour les mortels tels que eux. Mais elle n'allait pas se morfondre sur une chose immuable. Elle avait goûté pendant des années à l'immortalité, et la vie était bien plus savoureuse lorsqu'on la sait limitée.

    Le temps n'avait aucun maître et même les plus ambitieux ne pouvait le contrôler. Guenièvre avait grandit, arborant toujours cet immense sourire qui la caractérisait si bien. Majeure désormais, elle vivait cependant toujours chez ses parents. Elle allait bientôt prendre son envol pour l'université. Elle était la plus proche d'Angéline. Une étrange complicité les liait. Elle était sa tante, son amie et sa sœur de cœur. Angéline avait participé à l'éducation de cette petite fille spéciale qui manipulait la magie avec espièglerie. Trop sage pour son âge, Angéline regrettait cette part de magie chez Guenièvre, mais pas la jeune sorcière, car sans elle, sans cette magie, elle n'aurait jamais pu libérer sa tante de cette malédiction.

    C'était l'anniversaire des filles et Guenièvre amena avec elle ses petites soeur : Elain et Célice. Adolescentes, et bien trop heureuses de devoir faire le contraire de ce qu'on leur demandait, Elaine décida de faire une grimace pour cette photo. Angéline soupira derrière son appareil et Guenièvre lui assura que la pire des deux était Célice. Plus douce et plus réservée, Elaine avait pris de son père tandis que Célice aimait se faire remarquer. Cela ne rassura guère Angéline car elle retrouvait un peu ce comportement dans ses propres filles.

    Mais l'heure n'était plus à la dispute, au regret ou quoique ce soit d'autre. Non, l'heure était à la fête. Petit comité pour cette famille timide et réservée. Mais cela convenait parfaitement à Angéline et Jolan qui regardèrent avec émotion le premier gâteau de leurs petites perles d'anges.

    Opposées et complémentaires. L'une blonde et l'autre brune. Une petite pointe de déception perça le coeur d'Angéline, elle aurait aimé une petite rousse afin de pouvoir "revoir" son père, Eloi, en l'une de ses filles. Mais ses merveilles étaient des merveilles. Quelles soient blondes, brunes ou rousses, ses filles restaient ses filles. Et son amour ne changerait pour rien au monde.

    Isabeau était le portrait craché de son père. Brune, les yeux d'un vert profond et aquatique, Angéline fondait à chacun de ses sourires. Elle était la plus posée et la plus calme des deux. Elle obéissait rapidement et apprenait à une vitesse extravageante. Cela rendait fière la mère qu'elle était.

    Iseult était à l'image de sa grand-mère, Anaïs. Blonde, les yeux blonds, un sourire béat sur les lèvres. En fait, non, elle n'était pas le parfait reflet d'Anaïs car elle était beaucoup moins réservée que cette dernière. Si une bêtise était commise, qu'un chien couinait, sa culpabilité était difficilement mise en doute. Espiègle et farceuse, elle illuminait leurs journées répétitives et colorées.  

    La vie s'écoulait, changeant au fils des saisons. L'été fut de nouveau là à quatre repises et les filles grandissaient. Elles parlaient désormais, et le moulin à parole qui leur servait d'aînée babillait inépuisablement. Isolde était réellement la plus timide des deux mais elle savait s'imposait lorsqu'il le fallait. Cela rassura grandement le couple. Angéline avait connu ce genre de comportement avec Aurélianne, bien que des années les séparaient et elle ne souhaitait aucunement que ses filles ne subissent ce genre de situation.

    Des moments à deux ? Oui, ils en avaient. Et heureusement ! Car le couple ne pouvait s'en dispensait. Les petites leur prenaient tout leur temps, toute leur énergie, mais pas tout leur amour. Ils découvrirent qu'il y avait différents amours. Le leur était intact, bien plus fort et celui pour leurs enfants indestructibles et sans limites.

     


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