• Episode 4 - Ohana

    Episode 4

    " Alix était partie depuis un mois déjà. Son absence se ressentait dans la maison mais il fallait se faire une raison. La vie continuait malgré tout et elle n'avait pas tardé à recevoir quelques nouvelles de la belle. Alix et Raynald étaient à bel enseigne dans une somptueuse demeure aux allures victorienne, réalisée par le célèbre architecte Shloupi .

    Elle m'avait adressé ses photos afin que je les partage avec Maman et Papa. Mais je n'ai pas pu. C'est peut être de l'égoïsme mais la voir si rayonnante et magnifique, loin de moi, était comme un coup de poignard pour mon coeur endormi.

    Et comme si elle m'avait faite, elle avait envoyé à Aurélianne les mêmes photos, qui, sans se faire prier, partagea avec les autres. Tu sais, Alix... Ton sourire me manque, tout comme ta petite voix chantante lorsque tu cuisines.

    Je t'entendais de mon étage, ma transformation ayant affutée mes sens. Tu étais mon petit rayon de soleil lors de mes journées funèbres. Tu vis désormais dans un cadre magnifique qui rayonne tout autant que toi, ma très chère soeur. Et tu n'es pas seule. Je sais que ton Raynald -ton mari désormais- saura prendre bien soin de toi. Bien que tu n'ais guère besoin d'un homme pour vivre.

    Tu es une personne formidable et tout à fait capable de vivre ta vie grâce à ton sourire, ta générosité et ton bon coeur. Ta passion saura te nourir, mais je suis bien rassurée de te savoir proche de Raynald. J'entends encore Maman déplorer ton départ, mais désormais elle ne jure que par ton état. Je te souhaites une magnifique grossesse auprès de ton époux. N'oublies pas de nous donner de te nouvelles, car tu restes- et restera à jamais- un membre de notre prestigieuse famille. "

    L'hiver était désormais bien ancré sur la ville, mais cette année la neige n'était pas décidé à se montrer. Angéline déplorait un peu cela car, elle adorait regarder les flocons danser au grès du vent et s'amonceler sur la terre, formant un magnifique tapis immaculé et presque intouchable.

    Mais l'heure n'était désormais plus à la magie pour Angéline. Elle avait décidé de prendre sa vie en main, de vaincre sa malédiction. Elle n'allait pas rester éternellement une créature de l'ombre, qui vit, tel un parasite, dépendante des autres à jamais.

    - Bonjour mon coeur.

    Adam venait de terminer sa journée à la caserne et entrait enfin chez lui, épuisé. La vie de militaire était une vie difficile, car il était loin de chez lui, et assez souvent. Mais Julie était toujours là pour le recevoir, le gratifiant d'un baiser suave et magnifique. Mais pas ce soir-là. Etonné, il la scruta et la belle fit un léger signe de la tête vers le coin de la maison. Intrigué, il suivit son regard et découvrit avec stupeur une invité quelque peu inhabituelle.

    Angéline était là, tranquillement assise sur le canapé. Elle l'attendait depuis une bonne heure désormais, obligeant Julie à lui tenir compagnie. Les deux femmes ne se connaissaient guère et le silence fut leur seule conversation. Adam soupira et demanda à sa femme de les laisser seul. Chose que la brune fit sans se faire prier. Elle n'était pas à l'aise en présence d'Angéline. Apolline l'aurait bien moins intimidée, mais elle...

    - Apolline.

    - C'est Angéline, désormais. Et tu le sais. Lui dit-elle, d'un ton neutre.

    Bien sûr qu'il le savait, mais pour lui Apo restera toujours Apo. Un nom était un nom et sa soeur, bien que différente aujourd'hui, était toujours sa soeur.

    - Qu'est-ce qui t'amène ? Lui demanda t'il après s'être installé à ses côtés.

    La jeune femme souffla, puis décroisa les jambes. Elle comprenait l'animosité de son frère à son égard, car leur dernier échange fut loin d'être cordial et chaleureux. Elle avait agressé Julie, prise par une démence, dû à son nouvel état. Elle en était pas fière mais elle ne pouvait revenir en arrière.

    - Je viens en paix, Adam.

    - Va droit au but et va t'en. Tu n'es pas la bienvenue ici, et tu le sais Angéline.

    Adam lui cracha ses mots au visage et cela lui fit l'effet d'un coup de poignard. Elle l'avait mérité, mais elle aurait aimé un peu d'indulgence de la part de son frère.

    - Je ne te demanderais pas pardon pour la dernière fois.

    - Et je crois que je ne l'accepterais pas.

    Elle soupira et se prit la tête entre les mains. Elle ne souhaitait pas venir ici. Elle savait pertinemment que cela allait tourner ainsi. Elle se maitrisa et ravala sa colère, avec difficulté.

    - Je suis ici pour une faveur, Adam.

    L'homme la scruta avec étonnement, et pitié. Elle ferma les yeux. Son frère allait difficilement se laisser convaincre. Elle avait perdu sa confiance, et Adam, bien que gentil, était loin de pardonner facilement.

    - Je ne te le demanderais pas si j'avais d'autre choix. Crois-moi, j'aurais aimé pouvoir me débrouiller toute seule mais...

    - Je t'écoute.

    Elle avait alors laissé un sourire ourler ses lèvres. Adam lui souriait légèrement aussi. Elle revoyait un peu de l'ancien Adam dans ce sourire.

    - Tu voyages pas mal avec ton travail, non ? Il fit signe que oui. J'aurais aimé que tu passes un message à une de mes connaissances vivant près de Dragon Valley.

    - Dragon Valley ? Qu'est-ce que tu pourrais bien trouver là-bas ?! C'est complétement dévasté !

    Elle posa ses mains sur ses genoux et tourna légèrement la tête vers son frère. Son visage était défiguré par la terreur. Dragon Valley était une ville fantôme depuis plus d'un siècle maintenant. Leur propre arrière-grand-mère, Aveline, s'y était rendue afin d'aider les scientifiques et les historiens à découvrir le mal qui avait décimé toute la population.

    - J'ai mené ma petite enquête et je crois avoir une idée sur l'origine de ce désastre, Adam.

    - Toi ?! Hurla t'il d'étonnement.

    Son étonnement était tout à fait compréhensible mais elle ne savait si elle devait être vexée ou amusée. Adam, gêné par sa propre voix, mit sa main devant la bouche tout en s'excusant. Angéline lui offrit un pâle sourire.

    - Tu sais, j'ai peut être beaucoup changé...

    - C'est peu de le dire...

    - Mais je donnerais n'importe quoi pour redevenir celle que j'étais avant...

    L'air pitoyable et la douleur qui s'émanait de la jeune femme transperça le coeur de son frère, qui lentement, posa sa main sur la cuisse de sa soeur. Ce simple contact, empli de chaleur, fit monter les larmes aux yeux d'Angéline qui détourna le regard.

    - Je vais t'aider, Apolline. Pour notre famille et parce que... je t'aime.

    Elle ferma les yeux et pleura à chaude larme. Adam avait accepté de l'aider et sans poser de question. Il savait qu'il était inutile d'insister et que sa petite soeur était prise dans un piège qu'elle seule pouvait ouvrir.

    Pendant ce temps-là, Milan s'occupait de la petite Guénièvre. C'était un jour de congé et Aurélianne travaillait sur un nouveau projet. De ce fait, Milan jouait les nourrice, mais la petite l'adorait alors cela se passait toujours à merveille. Là où elle faisait des caprices avec sa mère ou ses grands-parents, Milan arrivait à la faire sourire et lui faire abandonner ses désirs.

    Installé définitevement à la maison depuis peu, le jeune homme savourait avec extase les moments de famille qu'il entretenait avec le reste des Vauganne. Chaque soir, ils mangeaient ensemble, discutaient de leur journée, de leur envie et riaient de bon coeur. Auri avait un sourire magnifique et infatiguable. Seul bémol à ce parfait tableau : l'absence d'Angéline. On lui servait pourtant toujours une assiette et Milan pouvait voir dans les yeux bleus de ses parents la tristesse qui luisaient au plus profond d'eux.

    Mais il n'était qu'un étranger. Le petit-ami d'Auri, alors il ne se sentait pas le droit d'intervenir et donner son avis sur la situation. Tout le monde a ses problèmes, et chacun les résolvait à sa façon mais il ne voulait pas que Guenièvre souffre du comportement de sa tante.

    Le jeune homme soupira, tandis que la petite tapait avec joie sur les touches métalliques de son xylophone. Sa musique, décousu et anarchique, se répercutait contre les murs de la demeure.

    - Papa ?

    Milan releva les yeux et croisa ceux de la petite. Elle venait de l'appeler "Papa" ? La panique s'empara alors de lui et tenta de bredouiller qu'il n'était pas son père. Mais la bambine réitéra et le jeune abandonna. Il craignait juste une chose : la colère d'Aurélianne lorsqu'il lui en parlerait.

    - Mais tu te rends compte de ce que tu me demandes Apolline !? S'offusqua Azilis, sa tante qui aujourd'hui avait bien veilli.

    - C'est pas compliqué : je te demande juste de me donner des documents, tirés des archives de ta maison d'édition, sur les évènements apparus à Dragon Valley.

    Azilis soupira, et ferma les yeux. Toujours journaliste, mais plus sur le terrain, la vieille femme avait hérité de la direction du journal où elle avait mené à bien sa carrière. Mais elle n'y avait pas tous les droits, comme l'espérait sa nièce.

    - Non, je suis désolée. Je ne peux rien faire.

    - Mais tu es directrice ! Tu commandes non ?! S'offusquait Angéline.

    - Oui ma belle, mais ce n'est pas aussi simple que ça. J'ai des droits, c'est vrai, mais aussi des devoirs. Ce sont des archives interdites au public. Ordre de la mairie, voire du gouvernement. J'ai les mains liées.

    Angéline souffla avec mépris. Elle avait tant espéré que sa vieille tante puisse l'aider. Elle croisa les bras et réfléchit un moment. Son oncle Yoric était maire de la citée mais aujourd'hui décédé. Et surtout elle n'était pas proche de lui ni de ses fils. Elle ne pouvait donc pas jouer de ses relations ni de son nom. De même pour Eudes qui avait rendu l'âme quelques années plus tôt. Sur les six enfants de la génération de sa mère, il ne restait plus que Willheim, Azilis et sa propre mère, Anaïs.

    - Aveline avait pourtant donné de sa personne pour résoudre ce problème.

    - Ma grand-mère -soit ton arrière-grand-mère- s'était effectivement penchée sur la question, mais n'avait rien trouvé de bien concluant, tu sais ?

    - Il doit bien y avoir quelque chose ! Un trace écrite de ses recherches et de ses découvertes, non ?

    Azilis se prit le menton d'une main et leva les yeux vers le ciel, réfléchissant. Angéline venait de la mettre sur une piste et non négligeable. Avec un petit sourire, la vielle femme posa une main sur l'épaule de sa nièce.

    - Je ferais une petite recherche dans mon grenier. J'ai hérité d'une bonne partie des vieilles affaires de notre famille. Mais je ne peux rien te promettre...

    C'était bien plus qu'elle ne pouvait espérer. Certes, ce n'était pas ce qu'elle escomptait, mais elle saurait s'en contenter. Sans attendre, elle se jeta au cou de sa tante et la remercia du fond du coeur. Azilis lui rendit son étreinte, peu après que sa surprise fut passée.

    - Angéline est un magnifique prénom, ma belle. Même si j'aimais beaucoup Apolline, celui-ci te va mieux. Mais sache qu'un prénom ne fait pas tout... car j'ai devant moi ma précieuse petite Apolline.

    La jeune femme se dit rien et laissa sa tante la câliner comme elle faisait lorsqu'elle était plus jeune.

    Elle quitta sa tante avec le sourire. Elle progressait doucement, et se faisait quelques alliés au passage.

    - Adam, Azilis... Prochain étape : Aslinn.

    Et sans attendre, elle se rendit chez sa soeur, qui jouïssait d'un nouveau congé de maternité. La blonde était pour la troisième fois enceinte. Entendant cela, Angéline soupira. Cela lui fit l'effet d'une gifle, car on lui rapellait son retard dans l'avancée de sa vie. Elle se savait fertile, bien qu'elle ne comprenait pas comment cela pouvait se faire puisque son corps était comme mort, mais elle refusait de créer une famille avec de tels gènes.

    - Alors ?

    Aslinn tourna la page de son livre, secouant la tête avec un air désolé. Sa dernière pièce venait de capituler. Angéline s'effondra sur le sol. Aslinn avait pour tâche de retrouver ne serait-ce q'une trace de Lennart, mais la blonde lui expliqua qu'il n'existait aucun Lennart dans les registres de la ville de Meadow Glen, comme celle d'Isla Paradisio.

    - Tu veux que je regarde ailleurs ? Lui demanda alors Aslinn.

    Mais Angéline n'avait pas envie de réfléchir. Ses beaux espoirs étaient comme mort. Elle secoua la tête, mais Aslinn ne laissa sa soeur dans son désaroi. Elle se mit à sa hauteur, la forçant à la regarder dans les yeux.

    - Je sais que tu ne souhaites pas me dire ce qui te tracasses et surtout ce qui motive ton soudain interêt pour l'histoire et surtout ce Lennart mais n'abandonne pas si facilement. N'est pas Vauganne celui qui abandonne au premier obstacle.

    "Aslinn n'avait pas tort. Ce n'est pas en abandonnant que j'avancerais et que je trouverais une solution à mon problème. Si il y en avait réellement une. Il était dit, dans le grimoire d' Illarus Thumbarius, qu'il fallait détruire l'être Premier, l'Unique. Et cet Unique n'était autre que Lennart. J'en étais convaincue et mes recherches me menaient sur cette piste.

    Cet être - je me répugne à l'appeler "Homme" avait fait parler de lui durant des siècles. Aparaissant toujours sous les traits d'un jeune homme au sourire facile. La légende racontait que l'Unique serait une erreur, née de l'union entre une femme et à un être démoniaque, qui fit sa première victime lorsqu'il sortit des entrailles de sa mère. Son premier souffle fut étouffé lorsqu'il plongea ses crocs dans le cou de sa propre mère.

    Cela m'avait mis le frisson et m'empêcha de réfléchir des journées entières. Car, à force de recherche et de lecture de légende de tout temps, il m'arrivait d'avoir des flashs et de voir des scènes où j'incarnais cet "Unique"et j'ai pu entr'apercevoir le visage de Lennart dans une flaque. Cet être est fourbe et se dissimule avec délice et perversion parmi le plus commun des mortels... "

    L'hiver avait beau mener la danse des saisons, cela n'empêchait guère Milan de profiter de l'eau. La plage était toute proche de la maison, et il adorait nager, été comme hiver. Aurélianne l'avait bien traité de fou un nombre incalculable de fois, cela n'avait en rien entaché son envie de nager. D'ailleurs, il passait la plupart du temps la tête sous l'eau, armé de son tuba de son filet de pêche.

    Il récoltait quelques coquillages et les revendait parfois à prix fort. Mais la plupart restaient à la maison, souvent présentaient comme des offrandes à sa déesse Auri.

    Ce soir-là ne fit pas exception. Lorsque sa belle franchit le seuil de la maison, il lui sautait au cou et lui tendait sa découverte du jour. Au début, elle était amusée de son comportement, lui rapellant celui d'un jeune chiot, mais l'actrice était une personne qui se lassait rapidement. Mais elle aimait son petit-ami et aimait le voir sourire.

    - C'est gentil Milan. Mais j'aimerais que tu lèves le pied sur tes baignades, du moins en hiver.

    - Ne t'en fais pas, je suis résistant.

    - Si tu le dis...

    Elle en doutait fort mais ne préféra pas le dire. Après tout Milan était un adulte, jeune certes et un peu insouciant, mais il vivait très bien avant de l'avoir rencontré. Elle n'était pas sa mère, mais son amante. Elle ne devait pas mélanger les rôles.

    - Auri... Ca te dirait de sortir ce soir ? L'actrice se détacha de son étreinte et le fixa avec curiosité. J'aimerais qu'on ait un moment rien qu'à nous.

    La jeune femme baissa le regard et se mordit la lèvre. Elle en crevait d'envie, mais elle avait Guenièvre. Elle ne pouvait la laisser seule.

    - Ne t'en fais pas pour Guenièvre. J'ai déjà tout prévu. Tes parents s'en occuperont.

    - Mais ! Ils ne sont plus tout jeunes... Tenta la jeune femme.

    - Ils ont des cheveux gris, et alors ? Ils vous ont élevé, toi et tes cinq frères et soeurs. Je pense qu'avec seulement Guenièvre, ils s'en sortiront. Et puis s'il se passe quelque chose, tu as tout téléphone, et j'ai donné les coordonnées du restaurant.

    Aurélianne écarquilla les yeux avant d'exploser de rire.

    - Tu as vraiment tout prévu, ma parole.

    - Et oui. Rien n'est trop beau pour toi, ma déesse. Donc il faut bien que je fasse en sorte que tout soit parfait !

    Cela redoubla son hilarité. Milan lui tenait les mains et elle put sentir qu'il resserrait son étreinte.

    - Plus sérieusement, Aurélianne. Je veux être avec toi ce soir, c'est important. Elle hocha de la tête. Parfait ! Va donc te faire belle !

    - Mais je suis toujours belle ! Badina t'elle.

    Cela fit rire son compagnon qui lui captura les lèvres avec douceur. Il l'aimait, à en crever et son sourire était le plus beau des présents qu'elle pouvait lui faire.

    Angéline aspirait bruyamment son jus de "tomate", l'air absente, tandis qu'Eloi dégustait des pancakes. Leur dîner était plongé dans le silence. Père et fille ne sachant quoi dire à l'autre. Le bruit de la fourchette d'Eloi tintait, seul, désormais. Il releva le regard et vit Angéline regarder autour d'elle.

    - Qu'est-ce que tu cherches ?

    - Rien. S'empressa t'elle de dire.

    Elle put entendre son père soupirer tandis qu'elle reprenait son aspiration. Elle n'avait pas faim, mais il lui fallait sa dose quotidienne de sang. Elle refusait de se nourrir, mais lorsqu'elle se trouva bien mal à cause de déshydratation, elle dû abdiquer. Elle ne chassait pas, refusant de boire du sang humain. Elle se rendait alors à l'hôpital et demandait du sang à son frère. La première fois qu'elle le fit, Cyprien l'avait fixé avec stupeur et la força à lui raconter l'usage qu'elle en ferait. Elle n'avait pas pensé à une histoire et au bout d'un quart d'heure, son frère lui arracha la vérité. Après Alix, Cyprien fut le deuxième dans la confidence.

    Mais cela était un bien pour un mal, car il s'avéra compréhensif et la fourni une fois par semaine de sang frais. La banque de sang ne croulant pas sous les donations, elle était restreinte à une dose hebdomadaire limitée. Mais c'était bien assez pour qu'elle puisse survivre. Elle ne comptait pas rester ainsi éternellement, de toute manière.

    - Voilà, elle est couchée.

    La voix de sa mère la ramena à la réalité. Anaïs venait de descendre l'escaliers et s'était adressée à Eloi. Curieuse, Angéline fixa la vieille femme qui lui rendit son regard avec un sourire.

    - Elle n'a pas fait trop d'histoire ?

    - Non, étonnemment. Lorsque c'est sa mère qui la met au lit, c'est un vrai champ de bataille.

    Cela fit sourire le vieil homme. Aurélianne adorait sa fille, bien trop, et souvent leur caractère s'affrontait. Guenièvre piquait une colère lorsqu'Aurélianne allait la coucher.

    - Tout le portrait de sa mère. Commenta Anaïs après avoir embrassé la joue de son époux.

    - Les chiens ne font pas chats.

    Cela fit sourire Anaïs qui s'éloigna dans la cuisine. Angéline assista à ce débat, les yeux ronds. Son père le remarqua et lui expliqua.

    - Ta soeur n'est pas là ce soir.

    - Ah ! Fit Angéline, comprennant enfin.

    - On garde Guenièvre avec ta mère.

    - Autrement dit : je garde Guenièvre. Se dit Angéline.

    Car ses parents étaient âgés, c'était un fait, et la nuit, si la petite pleure, ils ne l'entendaient pas. Elle soupira et reprit son aspiration. Cela fit claquer la langue d'Eloi avec dégoût.

    - Bois proprement ou sors de table, Apolline !

    - C'est Angéline ! Hurla t'elle.

    Et un énième débat s'engagea, reprocha à l'une de ne pas prendre les sentiments des autres en considération, rerochant aux autres de ne pas la laisser vivre sa vie. La rengaine, lorsqu'Angéline et Eloi se retrouvaient dans une même pièce et que le dialogue était amorcé.

    La nuit avait rapidement avalé le soleil, laissant gracieusement sa place à la lune. Les lampadaires et les néons de la ville éclairaient les rues et les routes avec fébrilités. La porte du restaurant se referma derrière le couple, qui main dans la main commentait le repas qu'il venait de déguster.

    - Ce homard était à tombé !! Se délectait encore Aurélianne, un immense sourire sur les lèvres.

    - Je savais qu'il te plairait ! Se félicita Milan.

    - En voyant l'enseigne, tout à l'heure, j'ai bien crû que tu te fichais de moi.

    - Comment ça ? Demanda le jeune homme, un peu méfiant.

    - C'est pas le grand luxe, mais la nourriture est excellente. Comme quoi, l'habit ne fait pas le moine.

    Aurélianne lâcha la main de son compagnon et avança de quelques pas, inspirant profondément, les bras en l'air, et tournoyant sur elle même. Quelques feuilles tombèrent des arbres adjacents et vinrent l'accompagner dans sa ronde. Cela fit battre le coeur de Milan, car Aurélianne était magnifique sous les rayons de la lune.

    Ses bras retombèrent le long de son corps, et ses yeux toujours fixés sur le ciel.

    - La brise est si agréable.

    - C'est parce que tu as trop bû, lui reprocha légèrement Milan.

    Elle haussa les épaules et ne prit pas la peine de relever, car, de toute manière c'était la vérité. Ils avaient commandé une bouteille de champagne pour le dessert et Aurélianne avait su apprécier trois verres de cette boisson. Ses joues étaient légèrement rosées.

    - Il fait bon mais frais également. Remarqua t'elle en se massant les bras.

    C'était l'hiver et l'alcool lui avait fait oublier cela. Il la rejoignit et doucement la pris contre lui. La chaleur de Milan lui arracha un soupir de bien-être et elle se laissa couler dans ses bras. Il avait beau être plus jeune qu'elle, il savait prendre les choses en main et était mature.

    - Merci pour ce dîner, Milan.

    Il lui sourit, simplement avant de lui baiser le front. Elle aimait cela. Cette façon qu'il avait de la couvrir d'attention. Un simple baiser sur son front et la belle était aux anges. Elle réclamait de la tendresse et était servie grâce à Milan. Elle avait sû apprécier cela avec lui.

    - Auri, j'ai quelque chose à te dire.

    Elle recula et se défit, à contre-coeur, de son étreinte. Le visage de Milan était sérieux et légèrement rouge. Elle sourit et le laissa alors lui caresser la joue.

    - Je t'écoute. Dit-elle en lui prenant la main.

    Elle pouvait sentir les doigts de son petit-ami trembler contre les siens. Elle ne se moqua pas, bien qu'elle aurait pu, mais au contraire, renforça son emprise. Cela donna du courage à Milan qui lui prit les bras et plongea son regard dans le sien.

    - Aurélianne... Je t'ai aimé dès notre première rencontre.

    - Arrête, j'ai été affable...

    Il secoua la tête et lui sourit avec tendresse.

    - Non, tu étais méfiante, comme une mère se doit de l'être. Et j'ai aimé ça.

    - Tu n'es pas un peu maso...

    - Auri, s'il te plaît laisse-moi parler ! La coupa Milan.

    Elle se surprit à sursauter devant son ton mais ce qui la surprise plus encore fut le comportement de Milan. Il s'agenouilla devant elle, ses yeux toujours plantés dans les siens. Elle put sentir le rouge monter à ses joues. Elle comprenait où il venait en venir. Cela fit accélèrer sa pulsasion cardiaque.

    - Milan... je...

    Elle était déboussolée. Sa gorge était sèche et ses mains moites. La panique s'emparait d'elle. Elle avait beau être une actrice, elle n'arrivait pas à garder son calme et faire bonne figure.

    - Aurélianne Vauganne, en ce jour glaçiale, je souhaiterais réchauffer ton coeur à l'aide d'une promesse éternelle et d'un anneau afin de symboliser cette promesse. Veux-tu être mienne à jamais ?

    Elle porta ses mains devant ses lèvres, fébrile, et le souffle haletant. Le froid laissait s'échapper de ses lèvres un petit nuage de givre. Milan était devant elle, à genou, négligeant son beau costume et oubliant le givre qui parcourait le sol. Elle le regardait et vit dans ses yeux, au plus profond d'eux, une lueur d'espoir, ainsi que de peur et surtout d'amour.

    Sa propre vue se brouilla, humide de larme puis d'un simple hochement de tête, tendit sa main vers l'homme à genou devant elle. Elle n'aurait jamais imaginer un jour se marier. Elle avait abandonné l'idée le jour de son accouchement. Elle s'était vue terminer sa vie, seule avec Guenièvre, vivant de son métier et de l'amour de sa fille. Et Milan apparut, comme un vent de bon augure, plein de promesse de joie. Chaque jour était synonyme de rire et de joie.

    Aucun mot ne furent échanger, juste une étreinte qui, s'ils le pouvaient, aurait durer éternellement. Aurélianne pleurait de joie, tandis que Milan la remerciait. Mais au fond d'elle, c'était elle qui le remerciait. Elle n'était pas la meilleure des femmes. Elle s'emportait, elle criait, elle doutait... Mais ce soir, devant sa demande, elle n'avait douté. Au contraire, tout en elle hurlait d'accepter.

    Il était tard lorsque le couple rentra. Il avait décidé de marcher un peu, profitant au maximum de leur moment à deux. Ils avaient beaucoup de projet et un énorme allait venir, demandant des mois de préparation. Cela aurait exaspéré Aurélianne, d'ordinaire, mais au contraire, la jeune femme était enchantée et avait plein d'idée en tête. Milan l'écoutait, simplement, lançant parfois quelques piques qui arrachaient des reproches de la part de sa fiancée.

    Ils arrivèrent enfin à la maison, main dans la main, un immense sourire aux lèvres, lorsqu'Aurélianne décela quelque chose d'étrange dans l'atmosphère. Elle agrippa la manche de Milan et pointa l'entrée du doigt. D'un commun accord, ils courrurent jusqu'à la porte où ils découvrirent avec effroi une baguarre entre le bien et le mal. Aurélianne s'approcha de Milan qui resta interdit devant le spectacle qui se déroulait sous leurs yeux.

    Un individu affublé de blanc et de noir, cagoulé et masqué venait de remporter une bataille sur l'agent de l'ordre. Sonnée, la policière se massait les reins tout en se relevant, tandis que l'intrus se gaussait de sa victoire. L'alarme hurlait dans tout le quartier, réveillant les chiens alentours. Le voleur, apercevant Aurélianne et Milan écarquilla les yeux et prit ses jambes à son cou, abandonnant son butin derrière lui. La policière voulut le suivre mais sa défaite lui apporta quelques contusions.

    Dépité, le couple assista à cette calamité dans le silence total, les yeux ronds et la bouche bêtement ouverte.

    - Ah !

    Sans autre mot, Aurélianne se précipita à l'intérieur, laissant Milan derrière elle.

    La nuit avait continué un petit moment. Aurélianne venait de réussir à calmer Guenièvre, qui dormait dans son berceau, au-rez-de-chaussée. La petite n'avait rien subi mais l'alarme l'avait effrayé. Aurélianne avait trouvé sa fille dans les bras de sa tante, tentant de la bercer et la réconforter. Eloi et Anaïs était dans la cuisine en train de déposer plainte auprès de l'agent de police qui était venu leur prêter main forte.

    En mère protective, elle avait arraché Guenièvre des bras d'Angéline et l'avait examiné sous toutes les coutures. Sa soeur ne s'en formalisa pas, et s'éclispa, laissant place à Milan.

    Leur belle soirée fut gâchée par un cambrioleur et Aurélianne fulminait contre lui. Milan la prit alors contre lui et lui baisait la tempe. Cela la décontracta un peu mais son inquiétude pour Guenièvre était encore là.

    - Elle dort ? Lui demanda t'il.

    - Oui...

    La voix d'Aurélianne s'était résumée à un murmure à peine audible. Milan pouvait la sentir trembler contre lui.

    - Elle n'a rien.

    - Je sais... Mais je ne peux m'empêcher de penser que...

    - Tes parents et ta soeur l'aurait défendu.

    Ses parents, oui. Sa soeur, elle en doutait fortement. Mais ce n'était pas l'heure au débat. Elle était fatiguée et ne pensait qu'à une seule chose : aller dormir. Mais elle n'avait pas envie de quitter sa fille. Pas après cet évènement.

    Elle put sentir les larmes monter à ses yeux. Elle les repoussa à l'aide de ses doigts, mais Milan les remarqua tout de même. Il se plaça sur le côté et prit Aurélianne dans ses bras. La tête contre le torse de son fiancé, elle se laissa un peu aller, lâchant quelques larmes. Elle était une femme forte mais ses nerfs furent mis à rude épreuve et elle avait besoin de lâcher prise. Ne serait-ce qu'un instant.

    Milan ne dit rien, il l'écouta pleurer, tout en lui caressant les cheveux et lui embrassant le crâne. Il l'aimait : forte, faible, souriante ou triste. Elle était le centre de son univers. Et bien qu'il passait après l'enfant, il se savait chanceux et heureux.

    - Merci Milan.

    Avec un sourire, il lui baisa le front.

    - Je suis là pour toi Auri. Ne l'oublie jamais. Pour toi, comme pour Guenièvre. Après tout, je suis son père, non ?

    Cela fit doucement sourire Aurélianne, qui passa ses bras autour de la taille de Milan. Lorsqu'il lui avait dit que Guenièvre l'appelait "Papa", elle avait tout d'abord hurlé, et supplié Milan de passer moins de temps avec SA fille. Mais rien n'y fit. Guenièvre avait adopté Milan. Après maintes discussions, Milan déconcerta Aurélianne en lui disant que cela ne le dérageait pas. Alors la mère abandonna.

    Sans un mot, il guida sa fiancée vers l'étage. Il était tard et ils travaillaient tous les deux le lendemain. Mais avec un sourire séducteur, Milan lui glissa aux creux de l'oreille qu'il l'aimera bien plus fort le lendemain. Et même si elle protestait, il lui ferait l'amour comme jamais. Cela lui valut un tape sur l'épaule, faussement énervée, mais Aurélianne n'avait qu'une hâte : être le lendemain afin d'être aimée et aimer sans limite.


  • Commentaires

    1
    Vendredi 31 Juillet 2015 à 19:04

    Tant de rebondissements (et ce sans trampoline ! Ok, je sors...) je trouve bien que Milan prenne sa place de papa, ce qui compte c'est qu'il soit accepté comme parent de la petite s'il va se marier avec Aurélianne ^^ Pour ce qui est d'Apo Angéline, son intrigue prend une forme intéressante ! (un peu d'underworld peut-être ? XD)

    Et dis-donc, oh la belle maison d'Alix, je me demande qui est donc ce fameux architecte et surtout où peut bien donc être Rosellia :p

    Et sinon, oui, j'ai compris comment tu allais introduire la G11 XD

    2
    Samedi 1er Août 2015 à 17:26

    La maison d'Alix est vraiment magnifique, j'adore ! Et Alix forme un beau couple avec Raynald. Aurélianne a elle aussi trouvé le bonheur, il ne reste plus qu'Angéline :)

    3
    Samedi 1er Août 2015 à 19:59

    Merci Rose. Pour la maison d'Alix, Shloupi en est l'auteur ! Il fait de merveilleuse construction d'époque. Si la curiosité te prend, je t'invite à aller sur son Tumblr : http://shloupi.tumblr.com/

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