• Episode 28

    - Franchement, je trouve pas ça drôle !

    - Rooh ! Et pourquoi ? Demanda l'homme à la chemise rouge.

    La jeune femme gonfla ses joues, boudant. Kaelig était un homme étrange et à la langue bien pendue. Elle avait pu s'en rendre compte le temps du trajet de retour depuis le port. Cyprien avait invité cet homme - et ami de l'université- mais il fut pris par une urgence à l'hôpital et demanda donc à Aurélianne d'aller chercher Kaelig à sa place.

    - Vous êtes pareils, avec Cyprien ! Vous n'êtes pas jumeaux pour rien !

    - Ca na rien à voir, voyons ! C'est juste que ta blague est pas drôle ! Se défendit Aurélianne.

    Chose qui accentua le rire du jeune homme en rouge. Aurélianne soupira et le fit entrer dans la cour.

    - C'est cool chez vous, n'empêche.

    - C'est pas chez moi, mais chez mes parents.

    - T'es toujours comme ça ? Demanda t'il, à la fois amusé et agacé.

    - Comme quoi ?

    Et elle lui offrit son plus beau sourire. Kaelig était épuisant à toujours parler et à tenter d'être drôle mais au moins, elle ne s'ennuyait pas avec lui. Elle pouvait même être naturelle, chose qui était rare et très reposante.

    - Je retire ce que j'ai dit : Vous êtes pas pareils ! Cyprien n'a pas d'aussi beaux atouts ! Dit-il en fixant la poitrine d'Aurélianne.

    Elle prit un air outré et recula d'un pas avant de rejoindre leur invité dans le rire.

    - Bon, je vas chercher Cyprien, Rigolo ! Bouge pas !

    Kaelig lui fit signe et la belle Aurélianne disparut à l'intérieur de la maison. La jeune homme était nerveux. Sous ses airs bravaches et de plaisantin, son cœur battait la chamade et son sang était en ébullition. Il n'avait pas revu Cyprien depuis des mois et il était fébrile. La porte s'ouvrit de nouveau sur le brun, qui avait le visage fendu d'un immense sourire. Sourire que l'homme en rouge lui rendit avec émotion.

    Mais son sourire se crispa lorsqu'il voulu l'enlacer. Cyprien n'avait pas remarqué son geste et lui avait simplement tendu une main. Kaelig avala sa salive et prit son masque de jovial.

    - Hey ! Cyp' ! Ca fait plaisir !

    - Carrément ! Qu'est-ce que tu deviens ?

    - Oh, tu sais... Je bourlingue pas mal. Et toi ?

    Le visage du brun se fendit d'un immense sourire et l'invita à rentrer.

    - Je vis au rythme du boulot. Tu sais : métro-boulot-dodo et tout le toutime, quoi !

    - J'imagine... Ca doit pas être la joie.

    - Détrompe toi. Je m'éclate au boulot.

    - En compagnie des infirmières ?

    - Non des patients, Rigolo !

    La porte se referma derrière eux, et d'un geste ouvert, Cyprien lui présenta les quelques membres présents.

    - Je vous présente mon ami Kaelig ! Kaelig, voici mon père, ma sœur Aurélianne, que tu as eu l'honneur de rencontrer, et une autre de mes sœurs, Apolline.

    - Salut ! Répondit jovialement cette dernière.

    Une brune s'avança vers eux, et tout comme Cyprien, présenta sa main au nouveau venu. Voulant faire bonne figure, Kaelig la lui serra avec un sourire.

    - Bonjour, je m'appelle Ambre. Je suis la fiancée de Cyprien.

    Cela acheva Kaelig qui resta stupidement la main suspendue dans les airs tandis que la brune -enceinte de surcroît- le fixait avec inquiétude.

    - Je crois que tu es fatigué, Kaelig. Viens, suis-moi, je vais te montrer ta chambre. Tu la partegeras avec mon frère.

    Un peu amorphe, Kaelig suivit Cyprien, mais la rencontre avec Ambre lui avait fait le même effet qu'un sceau d'eau froide. Il ne s'attendait absolument pas à cela. Il avait espéré des retrouvailles affectueuse et pleine de baiser suave, comme ils en avaient l'habitude lorsque Cyprien était au campus. Mais non, la vie l'avait rattrapé, il fut assez fou pour croire que le beau brun l'aurait attendu.

    Il se mordit la lèvre, lorsque Cyprien lui présenta la chambre.

    - Tu peux prendre le lit du bas. C'est mon ancienne chambre, que je partageais avec Adam. Mais depuis qu'Aslinn est partie, j'ai récupéré sa chambre.

    Kaelig le regardait sans l'écouter. Aslinn, Adam, Ambre... Il n'en pouvait plus de tous ses prénoms en A. C'était à s'y perdre.

    - Je... Kaelig, il faut qu'on parle, je crois...

    - De ? Tu veux parler d'Ambre ? C'est un sacré petit lot ! Chanceux va ! Surjoua l'invité. Et avec ça, tu vas être papa ?! Tu fais pas les choses à moitié, dis-moi !

    Cyprien se gratta la tête, gêné mais heureux. Trop heureux pour voir la détresse et la peine dans le regard de son ami. Kaelig n'avait jamais osé l'avouer mais il était amoureux de cet homme.

    Deux jours passèrent et Cyprien était de plus en gaga devant le ventre rond de sa fiancée. Ambre était heureuse et le sourire ne la quittait jamais. Elle n'aurait jamais rêvé d'une meilleure grossesse. Elle passait le plus clair de son temps chez les Vauganne, jonglant entre son boulot de surveillante à l'école et sa grossesse.

    Mais si il y en avait qui étaient heureux, d'autres l'étaient moins. Aurélianne pianotait en silence sur le clavier de son synthétiseur, soupirant à chaque note. Kaelig passait la plupart de son temps avec elle, et entre eux c'était tissé une espèce d'amitié.

    - Allons ma belle ! Encore à soupirer.

    - Je suis chez moi, je fais ce que je veux.

    - Tûtûtût ! Tu es chez tes parents ! Tu me l'as dit toi même.

    Devant cette petite pique amicale, elle ne put s'empêcher de sourire. Elle arrêta sa mélodie triste et se tourna vers le jeune homme qui souriait.

    - C'est Jacob...

    - Jacob ?

    - Un garçon que j'ai rencontré, il y a quelques mois. Il me plait beaucoup mais... bien qu'on ai, disons, joué ensemble, il ne sera jamais à moi.

    - Une autre fille ?

    Aurélianne fit signe que oui. Sans hésiter, Kaelig encadra le visage troublé de sa nouvelle amie de ses mains et la força à le regarder. Elle avait les yeux humides. Elle aussi vivait un chagrin d'amour et elle ne s'en rendait pas compte.

    - Auri, t'es une fille géniale ! Qui pourrais te surpasser ?!

    - Ma cousine...

    - Mais vous êtes combien ma parole à vivre dans cette ville ?! S'étonna Kaelig, tentant un peu d'humour.

    - Trop... Trop de Vauganne pour trop peu d'homme de valeur.

    - A t'entendre, on dirait que tu as essayé chaque mec du coin.

    A ces mots, la belle se sentit rougir et elle détourna le regard. Kaelig avait dit cela sans réfléchir, juste histoire de plaisanter. Mais cela la blessa plus qu'elle ne l'aurait penser. Elle passait pour une fille facile alors que ce n'était pas le cas. Entre ses véritables conquêtes et les racontars... Être sur le devant de la scène, ce n'était jamais blanc, mais plus souvent noir.

    - Tu sais, Aurélianne. Moi, je m'en fiche de ta réputation. J'ai appris à connaître le véritable toi. Si les gens sont assez cons pour s'arrêter à ça, alors ils ne te méritent pas.

    Elle plongea alors son regard bleuté dans celui de Kaelig et il lui semblait briller. Il émettait une espèce d'aura qui l'attirait. Elle se sentit brûler de l'intérieur. Elle posa une main sur la sienne, comme pour voir si elle ne rêvait pas.

    Sans un mot, elle s'avança vers lui et lui captura les lèvres avec douceur. Elle savait que ce qu'elle faisait n'était pas des choses des plus intelligentes, mais elle avait envie de... de goûter sa peau, ses lèvres. De connaître sa façon d'embrasser, sa façon de toucher.

    - Tu vois... Tu fais tes propres choix, ma belle.

    Sans rien ajouter, elle le poussa et il tomba lourdement sur le sol. Avec un sourire, il feignit la douleur, mais elle stoppa son petit jeu en se plaçant au dessus de lui, faisant remonter sa petite jupe de jeans sur la jambe du jeune homme. Elle était provocante. Elle savait jouer de ses charmes, à croire qu'elle avait fait ça toute sa vie. D'ordinaire, elle n'avait plus grand chose à faire. Les hommes étaient fous de ce genre de comportement, elle n'avait plus qu'à se laisser guider.

    - Es-tu sûre de toi, la belle ?

    Sûre ? Non. Elle ne l'était jamais. Elle avait beau être pleine de confiance et bouffie d'égoïsme, elle cachait sous ce masque son manque de confiance et ses doutes. Elle posa une main sur la joue de Kaelig. Il était plein de chaleur. D'une chaleur douce et réconfortante. Elle savait qu'il avait le cœur brisé, tout comme elle.

    - Non, mais je suis certaine d'une chose : mes envies.

    Cette réponse fit sourire l'homme en rouge, qui laissa sa main parcourir l'arrière de la cuisse de la belle, allant jusqu'à ses fesses. Là, où une fille peu expérimentée aurait rougi. Auri ne réagit pas. Au contraire, elle resta simplement à le fixer droit dans les yeux. Il n'y avait pas de proie à cet instant. Juste deux chasseurs qui se convoitaient mutuellement. Tels des fauves, ils se jaugeaient.

    - Dois-je mener la danse ou bien...

    Le sourire en coin de Kaelig était plus parlant qu'un mot. Elle appuya sur son torse et le força à s'allonger. Charmé par sa gestuelle, le parfum qu'elle dégageait était envoûtant et sa voix enchanteresse. Il ne pouvait en douter : Aurélianne savait quels étaient ses atouts et ses faiblesses. Elle était loin d'être idiote et aussi cruche qu'elle paraissait aux premiers abords. Elle cachait bien son jeu. Son côté manipulatrice émoustillait l'homme qu'il était.

    - Une vraie lionne, ma parole !

    Sans rien ajouter de plus, elle se laissa couler contre lui, afin de mieux sentir ses muscles sous sa chemise et son parfum. Il était léger et la fois puissant. C'était une véritable drogue pour la faible femme qu'elle était, à ce moment-là. Totalement désarmée, elle sortit les crocs et les planta dans sa proie. Kaelig accepta son baiser, l'approfondissant avec appétit à chaque seconde qui passaient.

    Elle répondit à ses avances, jouant avec sa langue, comme avec ses nerfs. Il n'avait pour habitude d'être le dominé. Il ne sera jamais un faon mais éternellement un lion qui aimera sa lionne avec passion le temps d'une danse langoureuse et pleine d'amour.

    Alors que des amours s'épanouissaient, d'autres fleurissaient. Cyprien et Ambre profitaient de leur temps à deux pour se bécoter dès qu'ils le pouvaient, à la vue de tous. Mais sans choquer la vieille Anaïs, elle était plutôt heureuse de voir son fils le sourire aux lèvres dès le petit matin, comme au soir.

    - Comment se portent nos bébés, aujourd'hui ? Demanda le futur Papa en enlaçant sa belle par derrière.

    - Bien... C'est fou comme ils poussent vite.

    - C'est parce qu'ils sont nourris d'amour et de joie.

    Cela fit rire Ambre qui caressa son ventre avec affection. Cyprien se joignit à son geste. Ils avaient appris, dans la semaine, qu'Ambre attendait des jumeaux. Un garçon et une fille. Cyprien avait alors poussé un cri de joie chez le gynécologue, faisant sursauter le médecin. Il n'aurait jamais espéré avoir des jumeaux.

    - Je veux une petite fille qui ressemble à Maman. - Et moi je veux un garçon qui te ressemble, Cyprien.

    - Pourquoi ?

    Elle se tourna vers son amour et lui baisa le bout du nez. Cyprien était modeste, trop, pour voir ses propres qualités. Mais Ambre aimait cette partie de lui.

    - Je veux qu'il soit aussi généreux et chaleureux que toi.

    Leur souhait se réalisa plus rapidement qu'ils ne l'auraient souhaité, car cette même nuit, Ambre eut des contractions. Cyprien, paniqué, réveilla ses parents qui durent le calmer. Ambre, agacée et souffrante, se décida d'agir et le gifla. Cela laissa coit Anaïs et Eloi tandis que Cyprien se reprit. Roulant dans la petite voiture de la belle, les futurs parents se dirigèrent vers l'hôpital de la ville.

    Ce fut au petit matin qu'Ambre ressortit de la maternité, fatiguée mais heureuse, après avoir donné naissance à une petite fille nommée Maïwenn et un petit garçon prénommé Aedan. Cyprien ne put s'empêcher de pleurer en voyant les enfants s'agiter dans leur couffin. Des petits bouts de lui même vivaient et c'était une des plus belle chose qu'une femme pouvait offrir à un homme.

    Aurélianne était épuisée. Ses nuits étaient longues et désastreuses depuis quelques jours. La naissance des jumeaux avait pourtant amené la joie dans le foyer. Même elle, était heureuse pour son frère, malgré son comportement. Mais ce matin, ce fut le résultat de la pire nuit de la semaine. Elle avait eu chaud, et froid à la fois, son ventre la brûlait et une irrésistible envie de vomir la tenaillait. Alors elle avait erré toute la nuit dans le salon, s'allongeant sur le canapé et imitant un zombie devant l'émission Chasse et pêche.

    - Ca va ma chérie ?

    La voix de sa mère la fit relever la tête et elle tenta de sourire. Non, cela n'allait pas et elle en avait assez. Mais elle ne souhaitait pas inquiéter sa mère, alors elle mentit.

    - Tu es sûre ? Tu es bien pâle, quand même.

    - Ce n'est rien Maman. Juste de la fatigue. Le tournage est vraiment prenant.

    - N'en fais pas trop quand même. Dit la plus vieille en ouvrant le frigo.

    Et ce qu'Aurélianne redoutait arriva. Les odeurs de nourriture qui émanaient du frigo lui retourna les tripes. Sans un mot, elle fila dehors, sous le regard curieux de sa mère. Anaïs scruta alors sa fille à travers la fenêtre.

    Elle referma la porte derrière elle et respira profondément. Elle en avait assez, et c'était trop faible pour exprimer sa lassitude. Elle hurla laissant s'échapper sa frustration et sa fatigue.

    - Je vous en prie... rien qu'une nuit normale... juste une seule...

    Cyprien sortait du travail, il avait réussi à obtenir de ses supérieurs moins de dossier et de ce fait, il pouvait sortir à l'heure du travail voire légèrement plus tôt. Voilà un mois déjà qu'Ambre avait donné la vie à ses enfants : Maïwen et Aedan. La tout jeune papa était surexcité mais très triste de ne pas retrouver sa petite famille chez lui. Ambre avait refusé de venir vivre avec lui chez ses parents. Il comprenait les sentiments de sa fiancée mais cela l'attristé énormément.

    Alors il avait instauré un rituel, et chaque jour, après sa journée, il se rendait chez elle. Mais il n'avait jamais pu mettre les pieds dans la demeure de la belle, celle-ci préférant qu'ils se retrouvent en ville.

    Il en avait assez, soupçonnant quelque chose, il avait alors négocié une journée de congé et s'était rendu chez Ambre bien plus tôt. La demoiselle jouissait encore de son congé maternité et Cyprien la surprit, plus qu'il ne l'espérait. Mais, bien qu'elle tenait Aedan contre son sein, elle lui refusa l'accès à l'intérieur. Frustré, le jeune médecin lui fit savoir.

    - Ce ne sont pas tes affaires ! Lui répondit-elle.

    - Mes affaires ?! Ambre, mes enfants vivent ici, tu vis ici ! C'est une partie de ma vie, et j'ai pas le droit de venir te voir ?

    La brune soupira et lui fit que non. Alors qu'elle allait lui demander de partir, Cyprien la bouscula légèrement et pénétra dans la demeure, malgré les protestations d'Ambre.

    Et ce qu'il découvrit le laissa sans voix. La maison était vide, totalement dépourvu de meuble. Son regard, choqué, parcourait l'espace qui s'étendait devant lui. Son souffle lui était coupé. Il sentait son sang bouillir dans ses veines. La femme qu'il aimait vivait dans une misère inconsidérable, et lui jouissait du confort sans limite, que lui offrait Papa et Maman. Il serra le poing et ouvrit toutes les portes de la maison afin de voir l'état des autres pièces.

    Ce qu'il trouva n'était guère mieux. Certes les pièces étaient spacieuses et les murs propres, mais on n'offrait pas une maison dépourvue de meuble à une jeune mère de famille. L'aide de la ville était pitoyable. Sans attendre, après avoir pris contre lui sa fille qui gisait sur le sol, il dégaina son téléphone et composa avec rage le numéro de la mairie.

    - Allô ?

    - Oui, bonjour. Cyprien Vauganne à l'apareil, je souhaiterais parler à Yoric Vauganne.

    - Mr Vauganne est actuellement...

    - J'en ai rien à faire ! Passez moi mon oncle, ou alors je débarque et détruis vos locaux !

    Cyprien arriva très tard dans la nuit, après avoir longuement discuté avec Yoric. Son oncle fut épouvanté par ce que lui appris Cyprien sur l'état des maisons sociales que dispensait la ville aux plus nécessiteux. En tant que Maire de Meadow Glen, le dernier fils d'Ambrine et Lawrence, désormais âgé, ne cessait de répéter qu'il allait agir et changer les choses. Mais cela prendrait énormément de temps et Cyprien ne pouvait attendre. Son sens de l'honneur et son amour pour Ambre et les enfants ne le lui permettaient pas. Alors il décida d'emménager avec elle et de prendre soin de sa famille.

    Mais il n'allait pas partir ainsi, sur un coup de tête, sans l'annoncer à ses parents, alors il rentra chez lui et prit ses parents à part et leur annonça la nouvelle. Eloi et Anaïs ne fut guère étonné. Aslinn était déjà parti, il était logique que leur fils suive. Mais celle qui prit cette nouvelle avec difficulté fut sa propre jumelle.

    - Mais Auri...

    - Non Cyprien, tu nous abandonnes, comme Aslinn l'a fait.

    - Je croyais que tu détestais Aslinn.

    Aurélianne le foudroya du regard. A ses yeux, elle n'avait pas grandit ni même muri. Elle soupira et secoua la tête, dépitée.

    - J'ai passé l'âge d'être en colère pour un oui ou pour un non, mon très cher frère, insista t'elle, mais ce que tu fais est proche de la trahison.

    Ce fut au tour de Cyprien de soupirer. Aurélianne avait beau grandir, ses sentiments étaient toujours aussi brouillon et aléatoire. Mais ces derniers temps, ses sautes d'humeurs étaient presque ridicules et hasardeuses.

    - En quoi mon départ est une trahison. Je ne fais que déménager et vivre avec ma famille.

    "Sa famille"... Il avait résumé cela en un seul mot. "Sa"... Elle n'était plus sa famille, mais juste Aurélianne -parfois Auri- une fille qui fit parti de sa vie un moment donné. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle étaient bouleversée et détestait cette sensiblerie stupide digne d'une adolescente en mal d'amour. Cyprien remarqua ses larmes et posa une main sur son épaule.

    - Aurélianne, je ne quitte pas la ville et ma maison te sera toujours ouverte. Alors ne pleure pas.

    - Je ne pleure pas.

    - Si et je sais pertinemment que cela n'a rien à voir avec mon départ.

    Elle se tût et observa longuement son frère. Cyprien était son jumeau, et bien qu'ils ne furent pas aussi proche que la plupart des naissances gémélaires, il arrivait parfaitement à lire sa colère.

    - Je suis enceinte, Cyprien.

    - ... C'est Kaelig, c'est ça ?

    Après un moment de silence, Cyprien avait dévoilé le nom du géniteur. Aurélianne ne put que confirmer. Elle n'avait plus fréquenté d'homme depuis que Kaelig était venu passer quelques jours chez eux, et Cyprien avait remarqué la façon dont elle fixait le jeune homme.

    Il prit alors Aurélianne dans ses bras et la berça lentement, comme leur père le faisait lorsqu'ils n'étaient encore que des enfants. Elle qui paraissait forte et sans faille, tremblait dans ses bras.

    Cyprien était parti, comme ça, le lendemain matin. La vie continuait son cour et elle était bien cruelle avec Aurélianne. Elle était passée à l'hôpital, comme le lui avait demandé son frère, afin de surveiller l'état du bébé. La belle avait simplement fait un test de grossesse mais même si ces tests n'étaient fiables à 100%, au fond d'elle, elle en était convaincue. Et son instinct ne l'avait pas trompé. Cela ne faisait que deux mois et pourtant la vie se développait en elle.

    Elle soupira et se détourna de la fenêtre de sa chambre. Elle venait de terminer sa nouvelle décoration afin d'adopter quelque chose de plus mature que sa chambre d'enfant décorée de quelques poster puéril. Elle aimait le rendu qu'elle avait su offrir à la pièce. Le noir et le blanc, parfois gris la faisait se sentir plus sereine, plus mature.

    Mais pas cette nuit-là. Elle ne savait si elle devait être heureuse ou triste. Ou encore en colère contre elle même ou Kaelig. Après tout, ils étaient deux adultes consentants, et chacun n'avaient pris la peine de se protéger. Elle ne prenait pas la pilule, comptant sur le préservatif.

    Mais lors de l'acte de chair, homme comme femme, chacun est responsable de ses actes et de la vie de l'autre. Car un enfant était vite arrivé -ou une maladie. Mais comparer un enfant à une maladie était assez cruel, même pour Aurélianne. Elle n'avait pas réellement réfléchit à sa vie, vivant un peu au jour le jour. Elle ne voyait que sa vie professionnelle, sa carrière. Elle ne se voyait pas mère, pas à son âge.

    Selon le médecin, il était encore temps pour elle d'avorter, bien que le délai se faisait de plus en plus court. Mais c'était une décision extrêmement difficile à prendre, voire impossible. Car, même pour cette demoiselle à l'instinct maternel frôlant le néant, elle n'avait pas le courage d'abréger la vie d'un être qui croissait en elle, avec innocence. L'enfant n'avait rien demandé, si il était là, c'était dû à un partage entre elle et Kaelig. Ils se devaient de prendre leur responsabilité, ensemble.

    Et le véritable problème se trouvait là. Car Kaelig avait disparu de la surface de la terre, ou tout du moins de la vue d'Aurélianne. Après son séjour chez les Vauganne, le jeune homme aux cheveux rouge avait tout bonnement disparu, laissant une maigre note à ses hôtes.

    " Merci pour l'accueuil.

    Cyprien, je te souhaite tout le bonheur du monde avec ta femme et ton enfant.

    Ps : Aurélianne, que ta vie sois aussi heureuse que tu le souhaite."

    Elle avait froissé le dit papier tant et tant de fois que les mots étaient désormais illisibles. Elle n'arrivait pas à le reconnaitre, mais elle avait laissé ses barrière tomber et s'était laissée prendre dans les mailles du filet. Amoureuse, voilà ce qu'elle était. Elle avait longtemps refusé de pleurer, mais... voilà, cette nuit, elle craqua. Paumes contre ses paupières, elle laissa sa peine, sa déception et sa peur s'échapper, pleurant de tout son saoul, oubliant le monde qui l'entourait. Elle était seule, avec son enfant.


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  • Episode 29

    - Je vous en prie, laissez-moi partir !

    La voix d'Aurélianne était suppliante et pleine de sanglot. Son reflet dans le miroir laissait transparaitre une peur effroyable. Elle ferma les yeux et secoua la tête. Ce n'était pas la bonne interprétation. Son nouveau rôle si difficile. Pourtant lorsqu'elle avait lu le scénario, elle avait tout de suite accroché et sympathisé avec le personnage. Lili - son personnage - était une personne simple voire un peu naïve qui ne s'apercevait que trop tard, le mauvais côté des gens. Sa confiance aveugle la mena dans une histoire folle mêlant espionnage et mafia, se retrouvant à jouer l'espion pour la police locale.

    Ce n'était pas le scénario du siècle, mais le rythme du récit était intéressant et c'était toujours un rôle de pris. Aurélianne ne pouvait réellement pas faire la difficile ces derniers temps. Mais sa condition de femme enceinte était devenu presque handicapant pour l'actrice qu'elle était.

    La jeune femme soupira et croisa les bras, s'observant avec des yeux critiques. Elle se tourna sur le côté et plaça une main sur le renflement de son ventre. Elle n'était pas énorme pour une femme enceinte de cinq mois mais cela la chagriné.

    - Dire que le mois dernier je pouvais encore dissimuler ma grossesse.

    - Tu as fait ton choix, ma princesse. Lui dit Anaïs alors qu'elle terminait de faire les lits des jumelles.

    Aurélianne avait prit l'habitude de travailler ses rôles dans la chambre de ses sœurs car ces dernières possédaient un miroir de plein pied. Cela lui permettait de travailler non seulement sa diction et ses expressions du visage, mais également sa gestuelle et la façon dont elle se tenait.

    Sans quitter le reflet de sa mère dans le miroir, Aurélianne secoua la tête.

    - Tu sais bien que je ne pourrais jamais faire ça. Et quand bien même, c'est trop tard désormais.

    Arrivée à ses côtés, la mère planta son regard dans les yeux bleus de sa fille. Elle était d'accord avec elle. Elle ne concevait pas l'avortement, y voyant un acte barbare et lâche. Tu savais t'amuser sous la couette, il te fallait assumer les conséquences de ces séances de jeu.

    - Tu sais Aurélianne, quelque soit tes choix, avec ton père, nous t'aimons.

    - Maman... ?

    - Tu nous a mené la vie dure, tu sais ? lui dit Anaïs avec un petit sourire en coin.

    La jeune femme se gratta le haut de la tête, un peu gênée par son comportement passé. Enfant et adolescente, elle n'arrêtait pas d'hurler et d'insulter les autres, se croyant supérieur. Avec le temps, et l'âge, elle avait appris à mesurer ses paroles.

    - Je suis désolée Maman.

    - Aurélianne, ma fille... Tu étais une enfant, et avec ton père nous n'avons pas su te comprendre. Cette colère qui t'animait, cette rancœur... Aujourd'hui encore, je n'arrive pas à comprendre pourquoi tu nous en voulais tant.

    - Ce n'était pas réellement contre vous. Aujourd'hui encore, je ne sais pas moi même pourquoi j'ai agis comme ça. Et surtout pourquoi je le fais encore aujourd'hui.

    Anaïs fit les yeux ronds et posa un regard interrogateur sur sa fille qui sourit alors faiblement. Elle posa une main sur son ventre tendu et arrondi, le visage brillant d'amour.

    - C'est mon caractère, ma façon de me définir. Ca ne te ferais pas bizarre si je ne râlais pas ou encore ne serais jamais en colère comme Alix, Maman ?

    Cette question fit sourire la vieille femme à son tour. Aurélianne ne serait pas Aurélianne sans ces disputes et ces hurlements quotidiens.

    - Même si tu ne changes pas là dessus, il faut que tu penses à mûrir.

    - Pourquoi ? J'ai appris à me taire lorsqu'il le faut, tu sais ?

    - Je ne parlais pas pour toi, mais pour ton bébé.

    Elle plaça à son tour la main sur le ventre de sa fille, qu'elle caressa avec amour. Aurélianne laissa faire sa mère. Elle n'aimait pas que l'on touche à son ventre sans sa permission, si cela avait été une autre personne qu'Anaïs, son poing aurait fait la connaissance avec le nez de cette outrageuse personne.

    - Au fait, tu ne reviens pas du gynécologue ? Demanda Anaïs.

    - Si. Répondit simplement sa fille.

    - Alors ?

    - Je ne peux pas garder la surprise ?

    - Cyprien le sait lui ! Si tu ne me le dis pas, j'irais lui tirer les vers du nez. Et tu connais ton frère.

    L'actrice soupira et abdiqua. Sa mère savait se montrer persuasive, elle était bien la seule à ne pas céder à ses chantages, mais Cyprien non.

    - Ce sera une fille.

    C'était une belle nuit qui s'achevait. La lune était presque pleine, annonçant une prochaine vague mystique sur la ville. Le ciel était superbement étoilé et la famille s'éveillait avec difficulté. Quelques semaines s'étaient encore écoulées, laissant Aurélianne appréhendait avec plus de joie sa grossesse.

    - Salut Maman ! Dit-elle enjouée.

    Elle avait retrouvé le sourire et était bien plus joviale. Son amour pour Kaelig s'était muée en une certaine rancœur puis modelée en bon souvenir. Elle avait aimé un moment, se créant une belle histoire. Sa fille était un cadeau d'amour qu'elle avait décidé de chérir toute sa vie. Elle comprenait désormais le choix de ses parents pour une famille nombreuse.

    - Qu'est ce que tu nous prépares de bon ?

    Comme chaque matin, Anaïs était aux fourneaux et préparait avec amour le petit-déjeuner. Il y avait bien des habitudes qui étaient difficile à défaire. Et quand bien même, il aurait fallu changer, Anaïs s'y refusait. Elle adorait prendre soin de sa tribu, malgré le nombre qui diminuait au fils des anniversaires. Sur ses 6 enfants, seulement quatre étaient encore présent.

    - Des pancakes.

    - C'est Alix qui sera contente. Anaïs se retourna légèrement et offrit un sourire bienveillant à Aurélianne. Tu as besoin d'aide ?

    - Tu peux mettre les couverts ?

    L'actrice fit signe que oui et s'affaira dans les placards en chantonnant. Anaïs fut surprise la première fois qu'Aurélianne fit cela. Chanter n'était pas dans ses habitudes.

    Lorsqu'elles passèrent à table, Anaïs et Aurélianne écoutaient avec patience le débit incessant d'Alix qui ne cessait raconter les ragots du lycée. C'était une source inépuisable et Alix était une jeune fille bavarde à la base. Anaïs échangea un regard amusé à Aurélianne et vit que son aînée rongeait son frein pour ne pas invectiver la blonde. Elle avait beau dire qu'elle avait changé, Aurélianne restait Aurélianne.

    - Alix, t'en as pas marre de nous raconter les histoires de cœur de gamine en chaleur ?

    Anaïs fit claquer sa fourchette sur la table en entendant Aurélianne parler ainsi. Mais la blonde haussa simplement les épaules.

    - C'est pas plus débile que tes histoires qui apparaissent dans la presse. Tu croyais pouvoir cacher aux gens ta bâtarde ?

    Un sourire ingénue apparut sur les lèvres de la nouvelle arrivante. Apolline avait craché ces mots à la figure de la future mère, sans l'ombre d'un remords.

    Aurélianne ne répondit pas. Elle n'en avait aucune envie. De toute façon Apolline n'avait pas tort. Sa petite notoriété était une plaie. Elle qui adorait cela plus jeune, commençait à se lasser de tous ces parasites qui transitent autour d'elle, telle des mouches autour d'un excrément. Sa vie privée était privée, mais les gens aimaient ça : la vie des autres et leur secret.

    - Apolline, tu t'excuses.

    - Pourquoi faire ? Je n'ai fait que dire la vérité.

    - Non, tu insultes ta sœur.

    Mais l'adolescente se contenta de manger en silence, tandis qu'Alix s'extasiait sur le plat qu'elle dévorait avec passion. Anaïs soupira, elle qui avait espéré que les jumelles soient différentes d'Aurélianne et de ses crises, Apolline était tout aussi haute en couleur que son aînée.

    - C'est une dépravée, pourquoi crois-tu que Cyprien soi parti ?

    Anaïs se leva sans un mot, puis se dirigea vers sa petite dernière qui répondait avec insolence. Elle s'approcha d'elle et lui offrit une gifle magistrale qui fit sursauter les deux autres filles autour de la table. Apolline fixa sa mère, inexpressive. La colère flambait dans les yeux de la mère, qui se massait légèrement la main. Elle n'avait jamais frappé un de ses enfants. Elle n'aurait jamais imaginé y avoir recourt un jour. Mais Apolline allait beaucoup trop loin.

    - Tu me déçois énormément, Apolline. J'ai toujours voulu une famille harmonieuse et voilà que tu gâches tout. Ta soeur est une dans une situation difficile, elle a besoin de soutien et toi tu oses la critiquer. Pire ! L'insulter !

    Anaïs tourna les talons et fila dans sa chambre, une larme roulant sur sa joue ridée. Alix soupira puis se leva , quittant tristement son assiette encore pleine. La blonde suivit sa mère, laissant filer un "Crétine" entre ses dents à l'attention de sa jumelle.

    Aurélianne se leva à son tour, avec difficulté, puis commença à débarrasser la table. Apolline la regarda faire en silence, mangeant son pancake. Elle était intervenue pour aider sa sœur, et voilà ce qu'elle mérita : une gifle et du mépris.

    - Tu n'as pas pu t'en empêcher. Lui dit simplement son aînée.

    - Tu n'avais qu'a pas engueuler Alix.

    - Il faudra que tu apprennes à faire la différence en "Engueuler" et "faire une remarque", petite sœur.

    Apolline tiqua en entendant Aurélianne insister sur le "petite sœur" et la foudroya du regard. Elle n'aimait pas être la dernière, la petite protégée toute fragile que l'on surprotéger. Elle n'était pas de verre.

    - Que tu t'en prennes à moi est une chose, mais si tu fais pleurer Maman à nouveau, je serais pas aussi tendre.

    Apolline lui tira la langue alors qu'elle se dirigeait vers la cuisine. Adam arriva à cet instant, et ce fit remarquer.

    - On sait tous que tu as une très belle langue Apolline mais si tu la rangeais, elle le serait encore plus.

    L'adolescente se tourna vivement, langue toujours à l'extérieur et croisa le regard de son frère, mêlant amusement et dépit. Elle ravala alors sa langue et le contourna, filant droit dans sa chambre. Le jeune militaire soupira et rejoignit Aurélianne qui lavait la vaisselle.

    - Qu'est-ce qu'elle a fait aujourd'hui ?

    - Rien d'inhabituel.

    - Attends... "Auri t'es rien qu'une trainée" ?

    - Le refrain habituel, souffla la future mère, lasse. Mais elle a fait une erreur : le dire devant notre mère.

    - Aïe ! Couina le jeune homme tout en se servant dans le plat de pancakes.

    Ils restèrent un long moment à discuter, elle assise devant son petit Adam préféré, qui dévorait avec passion son assiette de nourriture. Ils riaient de tout et de rien, comme souvent. Aurélianne ne travaillait pas, sa grossesse l'épuisait et l'indisposait pour ses rôles. Elle restait donc la plupart du temps à la maison. L'heure de l'école approchant, elle cherchait après sa petite sœur, qu'elle trouva tranquillement installée sur le lit, dans l'ancienne chambre de Cyprien, regardant un programme télé.

    Sans attendre, Aurélianne s'installa à ses côtés et la fixa avec amusement. La blonde soupira.

    - Quoi ?

    - Ca t'embête pas de regarder de tels navets ?

    - J'y peux rien, y'a rien d'autre à la télé que ces trucs de télé-réalités.

    - Alors lis quelque chose.

    La blonde fit mine de réfléchir et secoua la tête. Aurélianne était médusée de voir qu'aucune passion n'animait ses petites sœurs. Mais il lui fallait reconnaitre qu'elle aussi avait pris le temps avant de s'attacher au piano.

    - Dis Aurélianne ?

    - Hum ? répondit la future mère, absorbée par l'image à l'écran.

    - Je suis désolée pour Apolline.

    Elle détourna alors le regard de la télévision et vit la sincérité teinter les yeux d'Alix. L'actrice sourit avec affection et caressa les cheveux de la blonde avec tendresse.

    - Tu n'as besoin de t'excuser. Si quelqu'un doit le faire, c'est notre sœur.

    - Mais elle l'a seulement fait pour m'aider.

    On entra dans la chambre sans qu'elle ne put répondre, apercevant la nouvelle arrivante, Aurélianne soupira et s'assit sur le bord du lit. Elle ne souhaitait pas voir Apolline car elle ne se sentait pas capable de se retenir et de faire comme leur mère, tantôt.

    - Alix, tu sais que c'est bientôt l'heure ?

    - Oui, t'en fais pas. Je suis prête.

    - T'as pas oublié qu'on était en sortie scolaire aujourd'hui ?

    Les yeux de la blonde s'agrandirent et sans un mot, elle fila à toute allure en hurlant après l'heure mère et en lui demandant où était son pique-nique.

    Seules dans la même pièces, Apolline et Aurélianne observait le silence, tout en se fixant du coin des yeux. Aurélianne en avait assez du comportement haineux de cette dernière. Elle n'avait rien fait pour s'attirer ses foudres et ses injures gratuites. Alors qu'elle voulu sortir de la chambre, la plus jeune lui barra la route, un sourire méprisant sur les lèvres.

    - Alors ca fait quoi d'être au centre du tous les potins salace de la ville ? Je suis sûre que c'est grâce à toi qu'Aslinn a de quoi écrire.

    - La ferme, Apolline ! La ferme !

    - Mais que....

    - Tu ne te rends même pas compte du mal que tu fais ?

    - Je ne fais que dire la vérité... Tenta t'elle de se défendre.

    - Oh que non ! La vérité n'est jamais celle que tu peux lire dans les journaux et dans les magasines ! Renseignes-toi avant de juger ! Apprends à lire derrière les maques et les sourires !

    La voix d'Auri était puissante et pleine de colère. Ses émotions étaient exacerbée par ses hormones et Apolline allait en faire les frais.

    - Que sais-tu de moi, Apolline !? Hein ? Que sais-tu de ta propre sœur ? Que sais-tu de ma vie ? De ma peine ? De ma tristesse ? Ou bien encore de mes espérances ?

    L'adolescente recula d'un pas, les mains en l'air, tentant de se défendre. Mais le flots d'interrogation s'échappait des lèvres tremblantes d'Aurélianne.

    - REPONDS !

    - ...Je... Rien...

    - C'est ça : Rien ! Alors arrête de juger. De ME juger.

    Puis sans un autre mot, la plus âgée quitta la pièce. Anaïs se tenait là, la mine affligée et les yeux humides. Aurélianne secoua la tête puis fila sans la regarder. Il n'y avait rien à dire, rien à ajouter. Anaïs plaça sa main le long de sa joue et retint un sanglot. Sa famille si parfaite ne le serait jamais.

    L'orage n'était pas totalement retombé mais les jours passants apaisèrent légèrement les tensions. Aurélianne et Apolline ne s'adressaient plus la parole, au grand désarroi de leur mère. Eloi n'arrivait pas à comprendre leur fille. Et Adam et Alix étaient au milieu de tout cela, victime et spectateur à la fois.

    Mais le soleil brillait aujourd'hui, alors que l'automne touchait à sa fin. Aurélianne avait de plus en plus de mal à se déplacer, alors Anaïs l'amena à son rendez-vous pour son échographie. Elles avaient décidé de se retrouver entre mère et fille et déjeunèrent dans l'un des restaurant de la ville, avant le rendez-vous.

    Anaïs était gaga devant le ventre grossissant de sa fille. Cela faisait rire Aurélianne.

    - Maman, arrête un peu. On est en pleine rue.

    - Si une grand-mère n'a plus le droit de se réjouir maintenant.

    Anaïs savait pertinemment qu'Anaïs faisait cela pour qu'elle arrête de penser aux "qu'en dira t'on" et des mauvais articles qui ne faisaient que salir son nom.

    Elles avaient espéré pouvoir manger tranquillement mais les fans étaient présents et n'avaient eu de cesse de venir la voir et lui poser des questions sur le père. Puis plurent les reproches comme quoi l'image qu'elle donnait aux jeunes filles d'aujourd'hui était déplorable. Aurélianne était lasse de devoir toujours se justifier. Elle était humaine avant d'être actrice.

    - Pouvez-vous me certifier que vous n'avez jamais fait d'erreur dans votre vie ? Avait alors demandé Anaïs, en toute simplicité.

    La personne qui se trouvait en face d'elle à ce moment-là se trouva stupide et préféra partir, pestant. Cela avait mis du baume au cœur à Aurélianne de voir sa mère la défendre. Elle n'aimait pas du genre à se laisser faire pourtant, mais depuis des mois elle était harcelée.

    - Surtout, tu fais attention sur la route.

    - Maman, je n'ai plus cinq ans.

    - Je sais, sinon tu n'aurais pas à aller chez le gynécologue.

    Cela fit sourire Aurélianne, qui lui fit un petit signe de la main avant d'emprunter le passage clouté. Anaïs observa sa fille s'éloigner de façon chalouper. Cela lui fit un petit pincement au cœur de voir sa princesse dans cet état. Heureuse et inquiète à la fois, elle rejoignit à son tour sa propre voiture.

    Ce qu'Aurélianne n'avait pas dit à sa mère, c'était qu'après son rendez-vous, elle devait retrouver quelqu'un dans l'un des parcs de la ville. Et cette personne était Kaelig.

    La veille, la belle avait reçu un message sur son téléphone de sa part et fut prise d'un immense malaise. Plusieurs sentiments l'avaient alors envahi : la surprise, la colère, la joie, la tristesse, la peur... Elle hésita une longue heure avant de lui répondre et de convenir d'un rendez-vous.

    A l'abri des regards - ou plutôt de la presse- Aurélianne attendit qu'il parle. Elle attendait de lui qu'il s'explique. Mais le silence était leur seul public pour l'instant.

    - Tu n'as pas changé. Finit-elle par dire.

    - Par contre toi...

    Il avait les yeux fixé sur son ventre depuis leurs retrouvailles. Et ce qu'elle voyait dans ses yeux ne lui plaisait guère. Du dégoût, voilà ce qu'elle y voyait.

    - Pardon ? Hoqueta t'elle.

    - Je pars un peu et Pouf ! Tu trouves le moyen de te faire engrosser !

    Elle n'en croyait pas ses oreilles. Le souffle court, elle se contenta de le fixer, sans trop comment réagir. Où était passé l'aimable et réconfortant Kaelig qui l'avait serré dans ses bras. Qui avait su aimer son corps et lui avait fait l'amour avec passion. Elle posa une main sur son ventre et cligna des yeux.

    - Un "peu"... Tu te fiches de moi, là ?! Tu es parti des mois ! Huit pour être précise ! Et sans laisser de nouvelle !

    - Et alors ? On est pas marié, non ?

    - Non mais...

    - Quoi tu as cru que toi et moi...

    Les lèvres d'Aurélianne se scellèrent et son regard se posa sur le sol. " Allez ! Ris un bon coup qu'on en finisse" Pensa t'elle. Mais rien ne vint. Elle redressa le regard et vit la tristesse parcourir le regard de Kaelig.

    - Ce... cet enfant ne serait pas de moi ?

    Aurélianne hoqueta et recula d'un pas. Qu'allait-elle faire ? Elle n'avait jamais pensé en parler avec lui. Bien sur, elle avait tenté de le contacter mais jamais elle ne lui avait parlé de son état.

    - Comment cela serait possible, voyons ! Tenta t'elle de tourner en dérision. Après tout, on est rien l'un pour l'autre...

    "Menteuse" Hurlait-elle contre elle même. Elle l'aimait, elle aurait voulu lui sauter dessus et lui capturer les lèvres. Lui avouer combien il lui avait manqué.

    Bras croisés sur son ventre, elle se mordit la lèvre inférieure et observait le parc. Kaelig lui saisit un bras et la força à le regarder. Les larmes ruisselaient sur son visage. Le jeune homme voulu la serrer contre lui mais elle refusa. Le rejetant avec force, il percuta le meuble derrière.

    - Mais tu es folle !? S'insurgea le jeune homme en se massant les reins. Aurélianne, je sais que cet enfant est de moi ! Je le lis sur ton visage.

    - Non... Ce... ce n'est pas toi le père.

    - Arrête de mentir ! Je te connais, tu es sincère malgré tes grands airs !

    - Aurélianne, où sont passés nos bons moments ? Ne me fais-tu pas confiance ? Ne t'aies-je pas dit que j'aimais la véritable Aurélianne. Et non celle que la presse dépeint ?

    Elle ferma les yeux et osa un sourire légèrement. Si, tout cela il le lui avait dit. Mais après tant de mois sans un mot, sans un appel, sans un e-mail. Qu'était elle sensée croire ?

    - Kaelig... Nous ne nous verrons plus.

    Sa décision était prise. Elle l'avait aimé, elle l'aimait sûrement encore aujourd'hui, mais elle ne le voyait plus dans sa vie. C'était un homme charmant, intelligent et radieux, mais ils n'étaient pas fait pour être ensemble. Deux électrons libres tels qu'eux ne pouvaient s'accorder. Lui aimer son indépendance et ses voyages, elle sa carrière.

    - Comment ça ?! Commença t'il à hurler. Je reviens, tu m'annonce que je vais être père et toi tu ne veux plus me voir.

    - Je te l'ai déjà dit... Tu n'es pas...

    - Aurélianne !!!

    Sa voix se répercuta avec fureur contre les murs du bâtiment. Aurélianne n'avait peur de rien -ou presque- mais à cet instant, l'homme qui se trouvait devant elle, était terrifiant.

    Elle recula d'un pas et sentit ses entrailles se déchirer. Elle fronça les sourcils et comprit alors que l'heure était venue. "Trop tôt !" Pensa t'elle, paniquée. Elle serra les cuisses et pria fort que la poche des eaux ne se rompe. " Pas devant lui. Pas maintenant, ma fille ! Je t'en prie..."

    Mais trop tard, elle ne put résister plus longtemps. L'eau dégoulina le longs de ses jambes, poissant ses chaussures. Kaelig recula légèrement, dégoûté puis sans un mot, ni un regard, laissa seule Aurélianne dans sa souffrance.

    - Kae... Kaelig... Hoqueta t'elle entre deux crises.

    - Adieu Aurélianne.

    - Je t'en prie... Aide-moi.. Le supplia t'elle.

    Mais il ne retourna pas. Elle put entendre le bruit de ses talons résonner sur le béton du trottoir.

    Ce fut épuisée qu'Aurélianne rentra chez elle, accompagnée par Eloi. La jeune femme avait enduré la naissance de sa fille seule. Alors qu'elle paniquait et souffrait dans le parc, elle avait décidé de prendre les choses en main et d'avancer parmi la rue, profitant du temps que les contractions n'étaient pas présentes, pour se diriger vers l'hôpital. Mais la douleur fut rapidement insupportable, emportant ses forces. Un passant l'aida alors et l'emmena à l'hôpital. Trop fatiguée et amorphe, elle ne se souvenait du visage de son sauveur et lorsqu'elle voulu le remercier, les infirmières l'informèrent qu'il était déjà parti.

    Elle oublia alors et travailla durement pour permettre à sa petite Guenièvre d'ouvrir les yeux et de prendre son premier souffle. La petite fille était pleine de vie et donnait de la voix. Mais ce premier cri était rassurant et réconfortant. Seule, dans la salle de travail, les jambes en l'air et écartée, Aurélianne pleura. Sa petite fille naquit un mois trop tôt mais elle était en pleine forme et respirait la vie.

    Epuisée, elle se glissa dans ses draps, heureuse, sa petite perle près d'elle.

    Toute la famille était gaga devant la petite nouvelle. Eloi profitait de la nuit pour lui rendre visite. Il avait proposé à Aurélianne de recyclé l'ancienne chambre d'Adam -car ce dernier avait pris possession de celle de Cyprien, à l'autre bout de la maison- mais la toute jeune mère refusa. Elle était plus rassurée d'avoir sa fille avec elle.

    En parlant d'Adam, le frêle adolescent qu'il était s'était bien musclé. Désormais militaire, il assurait la paix du pays. Musclant son corps, il avait prit de l'assurance et du galon. Il revint avec une belle promotion qui remplit de fierté ses parents. Adam vivait sa vie tranquillement, travaillant dur et profitant de ses rares jours de congés pour aller voir sa famille.

    Aslinn avait décidé de faire une petite fête afin de réunir la famille. Adam s'y rendit, seul. Les jumelles étaient en plein examens, son père en voyage d'affaire et Anaïs ne souhaitait pas laisser seule Aurélianne et sa petite fille, si tôt après l'accouchement. Il rencontra néanmoins son frère Cyprien où ils partagèrent les derniers ragots concernant leur famille. Leurs cousins grandissaient et se mariaient.

    Malheureusement, si la roue tournait pour les plus jeunes, les plus anciens disparaissaient également. Talieisin les avait quitté, laissant derrière lui une veuve, quatre enfants et deux arrières-petits enfants. On pleurait les disparu, on riait avec les nouveaux venus. Aslinn avait donné naissance à un petit garçon prénommé Timothé. Il faisait le bonheur de ses parents, et gagnait le cœur des adultes à force de sourire. C'était un petit ange de bambin qui avait capturé le cœur de tonton Adam.

    Mais tonton Adam avait bien des projets en tête. Etant financièrement indépendant, il souhaitait vivre sa vie loin de son foyer d'enfance. Anaïs l'écoutait alors faire sa plaidoirie.

    - Je gagne bien ma vie, maintenant, et on m'a promit une nouvelle promotion le mois prochain.

    - Pourquoi partir ? Tu n'es pas bien ici ?

    - M'man ! Tu sais bien que c'est pas pour ça que je veux partir.

    - Alors pourquoi ?

    - C'est parce qu'il a une copine ! Intervint Apolline entre deux mouvements, juste derrière eux.

    - Toi !

    Mais l'adolescente préféra rire devant l'indignation de son frère que d'en prendre ombrage. Ce n'était pas réellement un secret, mais Adam fréquentait une demoiselle depuis quelques semaines.

    - C'est vrai ? Demanda simplement Anaïs, entre deux bouchées.

    - Oui... Avoua ce dernier, timidement.

    - Pourquoi tu ne nous l'a jamais présenté ? Intervint Eloi qui était demeuré muet jusque là. Tu as honte de tes parents.

    Adam soupira. Il n'avait pas honte d'eux, au contraire, mais il ne se sentait pas prêt de leur présenter Julie, sa petite amie. Et elle, était loin d'être prête pour cela. Aussi confiante qu'elle puisse être, c'était une chose assez effrayante que de rencontrer la "belle-famille" et leur relation était encore bien trop jeune pour cela.

    - Mais arrêtez de dire ce que je n'ai pas dit ! M'man, P'pa, je vous aime mais j'ai envie de vivre par moi même.

    - D'accord... Finit par dire Anaïs.

    - Maman, merci, mais je tiens à te rassurer, je ne partirais pas tout de suite.

    Midi arrivant, l'on toqua à la porte. Anaïs alla ouvrir et découvrit avec joie son aînée, un immense sourire aux lèvres.

    - Aslinn !

    - Bonjour Maman ! Ca va, je suis pas en retard !

    - Pense tu, et puis tu as une bonne raison de l'être non ?

    Asllin sourit lorsque sa mère lui toucha le ventre. Aslinn attendait à nouveau un heureux évènement. Ce qui remplissait de joie Anaïs.

    Aslinn entra tandis qu'Anaïs refermait la porte derrière elle. Elle salua son frère et sa toute nouvelle belle-sœur qui roucoulaient dans le salon. Cyprien et Ambre s'étaient mariés dans la plus stricte intimité. Aslinn comprenait leur choix mais avait conseillé à son frère d'inviter ses parents aux restaurants. Chose qu'il fit avec plaisir.

    - Tiens Auri !

    - Salut la vieille ! La gratifia avec malice Aurélianne.

    - Ca va ? Et Guenièvre ?

    - Bien, bien. Elle dort en ce moment.

    L'éloignement entre Aurélianne et Aslinn avait plus qu'apaisé les tensions. Le feu était totalement éteint entre elles deux.

    Mais l'heure était aux réjouissances. Les jumelles fêtaient leur anniversaire. Alix entamait la danse. Les gâteaux la tentaient depuis le matin, lorsqu'ils cuisaient dans le four. Anaïs lui tapa sur les doigts un bon nombre de fois. Cependant, cela n'avait guère entamé la bonne humeur de la blonde qui trépignait sur place devant la table, tandis que les invités arrivaient.

    Alix souffla sans tarder ses bougies, s'attirant quelques reproches. En effet, Cyprien et Anaïs souhaitaient chanter mais la blonde n'en fit qu'a sa tête. Elle grandit donc sous le regard de sa famille et de son ami Raynald (derrière Ambre) Elle ne pouvait renier ses origines : le blond et le bleu de sa mère, le teint et le nez de son père. Alix gagna du charme en grandissant.

    Apolline souffla à son tour les bougies de son gâteau sous le regard plein d'amour de sa mère. La jeune fille s'était un peu calmée et avait pris le temps de réfléchir à son comportement vis-à-vis de son aînée. Être mère était toute une épreuve, parsemée d'étape difficile mêlant joie, tristesse et peur. Elle avait donc pris son courage à deux mains, ravalé sa fierté et s'était excusée auprès d'Aurélianne. Alors qu'elle s'attendait à recevoir un sermon, elle eut droit au plus doux des sourires de l'actrice.

    C'était une chose magique qu'un jour elle souhaiterai connaître, mais à l'heure d'aujourd'hui, elle était toute jeune adulte, arborant la couleur particulière de la famille, le bleu des yeux de son père et son teint. Pourtant nées jumelles, les petites dernières étaient différentes, et cela ne changerait jamais.

    La soirée se conclu sur une photo de famille, réunissant Aslinn et son époux Théophile. Leur couple était uni, comme toujours, consolidé par leur enfant Timothé et le prochain. Cyprien et Ambre s'aimait toujours autant et leur nuit de noce fut concluante : Ambre attendait elle aussi un heureux évènement. Maïwen et Aedan allaient devenir grande-sœur et grand-frère. Aurélianne avait sa fille, Guenièvre et poursuivait sa carrière d'actrice avec passion. Le fait d'être devenue mère lui ouvrit un tout autre panel de rôle : celui d'être mère et la sensibilité.

    Adam se projetait dans le futur, à son rythme, il évoluait, comme toujours. Son métier le passionnait et sa relation avec Julie avançait petit à petit. Adam était plus ouvert et bien passionné qu'il ne l'aurait jamais cru. Elle lui ouvrait les yeux sur un autre univers que le sien, et il adorait l'explorer. De nature taquine, la brunette savait quand le faire rire ou bien le sermonner. Son petit côté rebelle avait saisi son cœur lorsqu'il s'était rendu au bureau de son père. Julie était là, tout simplement accoudée à une table haute de la salle de repos. Ils ne s'étaient échangés aucun mot, mais un seul regard et Adam s'était retrouvé pris au piège. Elle était une employée de son père mais en aucun cas, elle ne profitait de sa relation avec lui.

    Alors, peu de temps après l'anniversaire des jumelles, notre bon Adam suivit les traces de ses aînés et quitta la demeure familiale pour s'installer avec sa petite-amie. Ce qui inquiétait Anaïs, dans le fait qu'Adam déménage, c'était qu'il se retrouve seul. Or, après avoir rencontré Julie, elle fut rassurée et poussa même son fils à partir le plus rapidement. Et les jumelles dans tout cela ? Et bien...


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