Episode 10

Al Simhara. Un lieu magique empli de sable et de dune infinie. Une chaleur écrasante étouffante qui en ferait fuir plus d'un. Mais cette oasis naturellement nichée en plein creux d'un vallon et ses merveilles naturelles attiraient plus d'un étranger curieux et à la recherche d'aventure.

Là où certains chercheraient le luxe, notre comple de vieillards préférait la simplicité et le côté aventure de la chose. Ambrine, tendrement enlacé dans les bras de son époux ne cessait de s'extasier sur les beautés du pays. Cela faisait rire Lawrence. Ils découvrirent alors leur lieu de villégiature. De prime abord stupéfait, ils se firent à l'idée de passer leurs nuits dans une tente, à la faveur de la nuit.

- N'est-ce pas un bel endroit ? Juste comme la brochure le décrit.

- Oui. C'est chaleureux.

- Tu dis ça parce qu'il fait 40° à l'ombre ? plaisanta la vieille femme.

Lawrence rit alors à son tour et se détacha de sa femme. Ambrine usa pendant quelques jours de son charme et d'arguments afin de convaincre Lawrence à venir à Al Simhara. Le vieil homme n'était pas friand des hautes températures, mais il lui fallait reconnaitre que, malgré la pression immense que lui imposait la chaleur, il se sentait bien et que ses os se réchauffaient.

Ambrine prit alors quelques pas de distance entre eux, et la tête baissée, elle lui demanda de la laisser seule, car elle avait des choses à faire. Lawrence soupira. Il avait enfin la réponse et les véritables motivations d'Ambrine. Il se massa le cou et lui demanda alors la vérité.

- C'est pour le travail. On m'a demandé d'explorer un site en plein milieu du désert.

- Quoi ? Mais tu es folle ! Tu as vu la température ?! Tu vas mourir !

Elle lui passa une main rassurante dans les cheveux et plongea son regard dans le sien. Ce regard si profond et infaillible qui avait fait craquer Lawrence dès qu'il la vit pour la première fois. Ils n'étaient alors que de simples étudiants.

- Tu n'as plus besoin de faire tes preuves, Ambrine. Tu es au sommet de ta carrière, ton patron devrait être raisonnable et te laisser tranquille.

- C'est du volontariat, Lawrence. Cette réponse laissa sans voix le vieil homme. Et comme je savais que tu refuserais que je parte seule... J'ai un peu maquillé la vérité.

Repenser à tout cela rendait fou le vieux musicien, qui soupirait en la regardant partir. Ambrine était et sera toujours un électron libre. Il ne pouvait rien faire contre ses lubies et ses envies. Mais c'était également une des choses qu'il aimait en elle.

Un homme l'approcha alors et l'aborda sans crier gare. Lawrence sortit de ses pensées en sursautant et scruta le nouveau venu avec méfiance. Chose qui fit doucement rire l'homme au chapeau. Lawrence s'excusa.

- Il n'y a pas de mal, dit-il avec un drôle d'accent. Je vous ai vu avec votre femme, et j'ai remarqué la direction qu'elle vient de prendre. Va t'elle dans la pyramide du Sphinx ?

- En effet. Répondit alors Lawrence avec stupéfaction.

L'inconnu soupira alors, désappointé.

- Ecoutez, je ne tiens pas à vous faire peur, mais il y a une légende très répandue dans le coin concernant cette pyramide.

- Une légende ?

- Oui et c'est assez dangereux de s'aventurer là-dedans sans y être un minimum préparé.

A ces mots, Lawrence blêmit et fixa l'homme avec attention. Bien qu'il ait une confiance aveugle en Ambrine, il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet.

- Que raconte cette légende ?

- Au sein de cette pyramide, au plus profond de ses couloirs, se trouve un bête immonde et cruelle, qui, si on la réveille, s'attaque brutalement aux aventuriers.

Un autre homme vint s'ajouter à la conversation. Apparemment ce dernier revenait du désert et avait pu entendre le hurlement de la bête parmi les dunes. Lawrence déglutit non sans peine et regarda derrière lui, le chemin qu'Ambrine venait d'emprunter.

- Votre femme est en danger, Monsieur.

- En êtes-vous sur ? Après tout, ce n'est qu'une légende. Tenta d'être rationnel Lawrence.

Mais la mine déconfite des deux hommes lui prouva le contraire. La boule qu'il avait au ventre s'agrandit d'un coup et lui brûla le gosier.

Ambrine venait d'atteindre son objectif. L'immense construction la dominait de toute sa hauteur. Sa forme pointue accentuait la petitesse de la vielle femme. Mais elle était toujours aussi enthousiasme qu'à son arrivée. Certes, elle avait chaud mais son cœur débordait d'énergie. Les gravures qui encadraient l'entrée la fascinait. Elle n'avait assouvi depuis si longtemps sa soif de connaissance.

D'une main douce, elle caressa la roche. Les gravures semblaient vivantes. Elles avaient tant de choses à raconter, tant de chose à dire, mais la vieille déplora son manque de connaissance. Après tout, elle n'avait jamais étudier les hiéroglyphes.

Sous ses doigts un renflement de fit sentir. Intriguée, elle appuya dessus et dans un immense bruit, la porte s'abaissa avec lenteur. Ambrine recula légèrement se protégeant les yeux derrière son bras et toussant. La poussière était dense et aussi fine que le sable.

Une fois la porte totalement ouverte, elle resta bouche-bée, ébahie par tant de beauté millénaire. Elle n'aurait pu soupçonner une telle ingénierie à cette époque. On pensait notre civilisation ingénieuse et évoluée, mais la vieille femme à cet instant que rien ne fut inventer depuis des millénaires. On copiait, purement et simplement nos propres ancêtres, changeant la forme et parfois la fonction des objets.

Mais l'heure n'était pas à la réflexion. Au contraire, c'était l'heure de l'action. La vieille ferma les poings et pénétra enfin dans l'immense construction de pierre.

Elle s'attendait à être éprouvée par la chaleur étouffante, mais il s'avéra, au contraire, qu'il faisait bon voir, frais. Elle se frotta légèrement les bras puis observa les alentours. Se trouvait devant elle, à cet instant, un amas de pierre et de roche, ainsi qu'un sarcophage collé contre le mur. Elle repensa alors à son objectif : trouver une pierre de quartz de la taille d'un poing. Elle remonta ses manches -bien qu'inexistante- puis se saisit de sa pioche et entama le travail.

Le son de ses coups étaient réguliers et fort. Elle donnait tout ce qu'il restait dans ses muscles de vieille femme. Un dernier coup et le son changea. Intriguée, elle regarda de plus près et trouva la pierre qu'elle cherchait désespérément depuis des heures. Elle épongea son front à l'aide de son bras et s'agenouilla devant la magnificence naturelle et brute de la pierre. D'une main fébrile, elle la prit et l'observa à travers la lumière qui pénétrait péniblement dans le bâtiment. A travers la pierre, elle put apercevoir une silhouette s'approcher d'elle à vive allure. Elle baissa alors la pierre et découvrit avec stupeur son époux, haletant, se tenant contre le mur, la main sur le cœur. Elle se releva rapidement et voulu le rejoindre mais Lawrence, malgré sa fatigue et son âge, la rejoignit le premier, et sans un mot la prix dans ses bras.

- Enfin je te trouve !

- Lawrence ?

Il resserra son étreinte un instant puis se détacha légèrement de sa compagne. La vieille femme le scrutait avec curiosité. Lawrence prit le temps de reprendre son souffle. Il dû s'avouer qu'il n'était plus tout jeune et que cette course à travers le désert était une pure folie.

- Mais que fais-tu ici, mon Chéri ?

- Ce que je fais ici ? Mais je viens te sauver !!

Ambrine papillonna des paupières, totalement abasourdie par les propos de son homme. Elle ne put contenir son hilarité et lui rit au nez. Lawrence, fronça le nez, vexé.

- Je ne suis pas en danger, voyons. Qu'est-ce que tu crois pouvoir trouver dans un bâtiment désert depuis tant de siècle ?

Cette discussion tourna court car sous le pied du vieil homme, une dalle s'enfonça légèrement, ce qui ouvrit une porte. Intrigué, le couple se toisa du regard puis s'avança main dans la main vers la nouvelle ouverture.

Des escaliers s'étaient dévoilés, offrant une opportunité d'exploration qu'Ambrine ne put s'empêcher de saisir, au grand damne de Lawrence qui lui sommait de ne pas descendre. Ce qu'il obtint ? Un simple signe de la main, comme si elle chassait une mouche. Grommelant, Lawrence la suivit.

- Ambrine !

- Allez Lawrence, ce n'est pas excitant ?

- Non ! C'est dangereux !

La vielle femme le fixa, mains sur les hanches. Elle observait cet homme, son époux. Elle l'avait connu bien plus téméraire et casse-cou. Elle secoua la tête et entreprit d'ouvrir le coffre qui se trouvait à ses pieds. Chose qu'il lui valut un nouveau commentaire de Lawrence.

- Je t'ai connu bien plus téméraire et tête-brûlée, Law...

- Réalise-tu qu'on court vers la mort ?

- Arrête de tout dramatiser et va placer cette pierre dans la plaque près de la porte.

Il savait qu'il ne pouvait en discuter. Il soupira, résigné à subir les nouvelles lubies de sa femme, puis plaça la pierre à son emplacement. Le croissant de lune que représentait cette pierre s'imbriqua à la perfection. Dans un bruit immense, digne d'un immense orage, la porte coulissa et dégagea un nouveau couloir.

Ambrine prit les devants et dépassa son compagnon. Elle regardait en l'air, éblouit par la beauté des lieux et fascinée par la conception des murs. Mais à jouer les têtes brûlées, les téméraires, on prend facilement feu. La pauvre femme se retrouva rapidement encerclée par les flammes. Son pied venait tout juste de fouler un piège antique.

Elle hurla de panique puis s'élança sans plus attendre vers un bassin adjacent. Alerté par ses cris et le grand bruit du "Splash" qu'offrit le corps enflammée d'Ambrine lorsqu'il rencontra l'eau, Lawrence arriva en trombe, l'appelant sans cesse.

- Je suis là...

La petite voix qu'émit Ambrine le fit la rejoindre. Puis d'une main accueillante, il l'aida à sortir du bassin. Trempée jusqu'aux os, elle grelottait contre la poitrine de Lawrence, consciente qu'elle venait échapper de peu à la mort. Elle comprenait désormais les avertissements récurrents de son mari.

Mais son bain forcé ouvrit une autre voix qui les mena en toute sécurité vers une autre salle. Cette salle était une longue ligne droite où se succédaient des coffres et des bustes le long des murs. A l'autre bout de cette salle, en son centre, un sarcophage trônait. Ambrine et Lawrence s'avancèrent prudemment vers ce dernier, prenant soin d'ouvrir chacun des coffres, sous les ordres d'Ambrine.

Ce fut à cet instant, alors que Lawrence avait le nez dans son dernier coffre, qu'Ambrine commit l'irréparable. Elle ouvrit le sarcophage où se dégagea avec lenteur et puanteur un corps plein de bandage. Il s'écrasa lamentablement sur le sol et surprit ainsi le couple. Ambrine regarda fixement ce nouveau venu et le titilla légèrement de son index.

- Arrête ça ! Paniqua le vieil homme.

- Oh ! Mais Lawrence ! C'est une momie ! C'est mort depuis longtemps.

Mais la créature bougea légèrement, ce qui fit sursauter la vieille femme. Dans un élan -qui surprit Ambrine- Lawrence la releva et la poussa vers la sortie. La momie s'était totalement relevée et les pourchassait en gémissant. Si la situation n'était pas si effrayante, Ambrine aurait trouver ses cris totalement ridicules.

Alors qu'elle franchissait le seuil de la porte, cette dernière se referma derrière elle. Lawrence était seul face à cette créature. Désemparé, il ne put riposter et se laissa submerger par la momie, qui prit rapidement dessus sur le vivant.

- Lawrence !!! Lawrence !! S'époumonait Ambrine.

Il l'avait poussé sans ménagement dans le couloir. Elle avait alors regardé derrière elle, et la dernière chose qu'elle vit fut la porte se refermer sur Lawrence. Il l'avait protégé de cette chose répugnante et totalement surnaturelle.

- Lawrence !!!

Les bruits de l'autre côté n'étaient pas là pour la rassurer. Elle pouvait discerner les râles de douleur de son époux à travers l'épais mur de pierre.

Elle poussa, poussa et poussa encore ce pan de mur amovible et pourtant très lourd. Aucun bruit ne retentissait de l'autre côté. Cela la fit paniquer plus encore. Elle hurlait de plus en plus, laissant les larmes inonder ses joues. Elle était coupable. Totalement responsable des évènements. Si seulement elle n'avait laissé la curiosité la gagner ! Si seulement elle avait écouté son époux !

La porte s'ouvrit alors, brusquement, faisant perdre l'équilibre à la vieille femme. Elle poussa un léger cri, court, concis et s'écrasa sur le corps inerte de Lawrence. Un peu hébétée, elle secoua la tête et se releva avec raideur. Ses vieux os ne lui obéissaient guère. Elle regrettait alors ses vingt ans.

Elle voulut hurler mais la peur lui saisit la gorge et écrasa ses cordes vocales. Lawrence ne bougeait plus, mais ce qui l'effrayait bien plus était cette créature qui se mouvait ridiculement.

Sur la pointe des pieds, elle tira le corps de son mari vers un endroit ombragé, loin du regard de la momie, qui, se contenta de regagner son linceul. Ambrine s'agenouilla alors et tapota les joues de Lawrence, qui gémit légèrement. Rassurée, elle s'autorisa un soupir puis le réveilla avec douceur.

Debout, sur ses deux pieds, Lawrence n'eut le temps de réagir. Trop heureuse que son homme soit toujours parmi les vivants, elle laissa son cœur guider son corps et captura les lèvres de Lawrence. Il resta un petit moment interdit et la fixa, les yeux écarquillés.

Ils se détachèrent et Lawrence surprit Ambrine à lui sourire. Elle essuya une larme aux coins de ses yeux et détourna le visage.

- Pardon mon amour....Pardonne-moi, je t'en prie !

- Il n'y a aucun pardon. Ambrine... Regarde-moi.

Mais elle refusa. Elle savait pertinemment qu'elle était responsable de tout cela, et que Lawrence avait failli mourir par sa faute. Comment pouvait-elle le regarder dans les yeux après cela ? Mais le contact des mains du vieil homme sur les siennes l'obligea à le faire. Elle plongea son regard océan dans celui de son mari. Lawrence ne cessait de sourire.

- Tu es tout pour moi, ma belle Ambrine. Je suis heureux de voir que tu n'as rien.

La vielle femme secoua la tête puis se colla à son homme, laissant ses larmes mouiller la chemise du musicien. Elle avait que trop pleurer plus jeune, et la voir ainsi, aujourd'hui encore, alors qu'ils avaient entamé le dernier âge, fit sourire Lawrence de plus belle. Sa femme avait beau être ridée et vieille, elle était à ses yeux la plus belle chose. Une pierre précieuse pour qui donner sa vie était un acte raisonnable.

Sans un mot, juste un regard, et le vieux couple échangea une multitude de baiser. Doux, parfois plus passionnée. Mais ils étaient toujours amoureux et reconnaissant.

A la sortie de la pyramide, Lawrence surprit un visage familier l'observer. L'homme au chapeau était assez étrange mais il semblait rassuré de les voir sortir indemne.

- Vous, ici ?

- Oui, je m'inquiétais. Vous êtes partis si rapidement que je n'ai pas pu vous mettre en garde.

- Bien sur que si ! Et je peux même vous dire qu'on est tombé sur cette créature.

- Laquelle ? S'étonna avec sincérité l'aventurier.

- Comment ça laquelle ? La momie, bien évidemment !

La peau d'ordinaire d'ébène de l'aventurier devint blême et Lawrence fronça les sourcils. Il n'allait pas aimer ce qu'il allait encore, il en était convaincu.

- Attendez... Attendez ! Commençait à paniquer Lawrence.

Ils discutaient depuis quelques minutes, Ambrine était non loin de là, écoutant sans dire un mot. Lawrence venait de se faire attaquer par cette momie. Selon la légende, cette momie était celle d'un grand prêtre condamné par crime de lèse-majesté en la personne de Pharaon. Momifié vivant, il avait juré de se venger de quiconque oserait pénétrer son tombeau.

- Je suis désolée, Monsieur, mais c'est hélas la vérité. Tout contact avec ce prêtre engendre une malédiction.

Désemparé, Lawrence resta coit. Ambrine le prit par les épaules et tenta de le rassurer. L'homme au chapeau les quitta, peiné par le destin tragique qui attendait notre bon Lawrence.

Sans échanger un mot, le couple prit la route ensablée et retournèrent jusqu'au camp. Ambrine conduisait, tandis que Lawrence tentait de rester calme et positive. Arrivé au camp, il prirent place auprès du feu et contemplèrent les flammes, toujours plongés dans le mutisme.

- Law...

- Ne dis rien, s'il te plait Ambrine.

- Mais...

- Je ne vais pas mourir. Il m'en faut plus pour m'abattre. Tenta de la rassurer son mari. Tu sais, je ne crois pas cette légende.

- La malédiction du Grand Prêtre ? Lawrence lui fit signe que oui. Pourquoi ? Vu ce qu'on a vu tout à l'heure, je serais plutôt encline à y croire.

- Non... Les légendes sont là pour effrayer la population et attirer les touristes. Si j'étais maudit, je crois que je me sentirais différent.

Ambrine secoua la tête, dépitée par le déni profond de son homme. Mais elle savait au plus profond d'elle même qu'il tentait de rester positif afin de ne pas céder à la peur. Elle lui baisa le front puis alla se coucher. Il avait besoin de rester seul. Cette journée fut éprouvante pour chacun d'eux.

Episode 11

Bien des mois passèrent, l'automne laissait péniblement sa place à l'hiver et le feuillage des arbres persistait à demeurer rougeoyant. Enveloppée dans une douce brume, Meadow Glen s'éveillait à une nouvelle journée. L'un partait au travail, l'autre à l'école.

Eloi lui était resté chez lui, profitant d'un de ses rares jours de congé. Sa petite famille grandissait et évoluait loin de lui. Mais il était à deux doigts d'obtenir l'ultime promotion de sa carrière et pour cela, il ne lâcherait rien. Enchaînant les heures supplémentaires, les aller-retour pour des congrès, Eloi se faisait bien voir auprès de son patron.

Or, malgré son travail acharné, il restait en dessous de ce dernier. Il était alors heureux de retrouver sa place de chef de famille et d'apprendre les bases du langage à sa fillette. Mais Aslinn était une élève assez récalcitrante. Elle rêvassait la plupart du temps, son esprit était comme un papillon : attiré par le moindre son, moindre mouvement.

La porte s'ouvrit laissant pénétrer le froid à l'intérieur. Eloi frissonna légèrement et découvrit ses beaux-parents sur le pas de la porte. Sans un mot, le vieux couple défit leur manteau et le saluèrent. Ambrine se précipita sur la petite et lui dévora les joues à l'aide de baiser. Aslinn riait au éclats.

- Alors, cette visite ? S'enquit Eloi auprès de Lawrence.

Ce fut à cet instant qu'Anaïs entra dans la pièce. Lawrence sortait de sa visite hebdomadaire de l'hôpital. Depuis son retour d'Al Simhara, Lawrence était suivi afin de prévoir sa potentielle malédiction de la momie. étonnement, lorsqu'il raconta son histoire, le médecin fut nullement surprit et lui indiqua les marches à suivre si jamais il développait de quelconques symptômes.

- Concluante. Se contenta de répondre le vieil homme.

- Papa ! Tu pourrais être un peu plus précis ! Râla Anaïs depuis la cuisine.

- Ton père va bien, ma chérie. Plus que bien même. Le médecin lui prédit encore de belles années.

Cela rassura la blonde qui sourit à sa mère avant de se saisir d'une part de gâteau. Son état lui faisait céder à de nombreuses folies, comme du gâteau en guise de petit-déjeuner.

Elle rejoignit son père devant la télévision, confortablement installé dans le canapé. Il ne pouvait l'avouer, mais il avait eu peur un bon moment avant d'admettre qu'il était sorti d'affaire. Ce n'était pas la mort qui l'effrayait mais plutôt le fait de laisser derrière lui sa famille. Il avait de nombreux enfants et bien plus encore de petits-enfants.

- Tu dois être soulagé, non ? Lui demanda Anaïs.

- Ce sont ces visites récurrentes à l'hôpital qui me fatiguaient. Dit Lawrence.

- Arrête de mentir, Papy ! Intervint Ambrine, qui s'occupait d'Aslinn un peu plus loin.

- Papy ?

Anaïs arqua un sourcil mais ses lèvres ne pouvaient résister à l'envie de sourire. Ses parents ont toujours été proches, malgré leurs problèmes passés. Elle admirait leur amour et la solidité de leur couple. Cependant, sa mère n'avait guère changé et elle aimait toujours autant le taquiner. Lawrence se contenta de rire, alors Anaïs s'autorisa à le rejoindre dans son hilarité.

Bien plus tard dans la journée, chacun vaquait à ses occupations. Les informations se terminant, Lawrence éteignit la télévision et s'engagea dans le couloirs en direction de son fauteuil. C'était l'heure de sa sieste quotidienne. Anaïs, dans les bras d'Eloi regarda avec amour son père s'éloigner. Il vieillissait à vu d'œil et ses habitudes se conformaient aux idées reçus des séniors.

- Il va bien, ma Chérie.

La voix d'Eloi la fit légèrement sursauter. Elle se tourna légèrement vers lui et put découvrir son magnifique regard sur elle. Malgré le temps, malgré son amour pour lui, elle se sentait toujours gênée.

- Je sais qu'il va bien... Mais je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter. Ce voyage était une folie.

- Une folie qui a rapporté gros ! La pierre que ta mère a ramené lui a valu un sacrée prime !

- Eloi ! S'insurgea Anaïs.

Il semblait oublié que la vie de Lawrence fut mise en jeu, tout celle de sa mère, lors de cette aventure. Eloi eut la décence de baisser le regard. Il ne l'oubliait pas, mais son beau-père allait mieux maintenant. Alors pourquoi ne pas en plaisanter ?

- Tu es incorrible... Lui murmura la blonde.

- Et c'est pour ça que tu m'aimes ?!

Elle lui offrit une tape sur la cuisse, faussement en colère. Bien qu'elle l'aimait et que cette qualité lui avait en partie dérobé le coeur. Mais entre le savoir et l'admettre, le fossé était très grand. Elle se contenta alors de lui sourire. Front contre front, yeux dans yeux, ils s'avouèrent, encore et encore, leur amour.

- Je suis si heureuse avec toi, Eloi.

- Et moi bien plus encore... Fit-il en passant une main sur le ventre bien rond de sa femme tout en échangeant un baiser.

L'heure fatidique était proche et Anaïs approchait de son terme. Son ventre était tendu et lourd et la vie fourmillait en elle, gesticulant à toutes heures, à tout moment de la journée. Les nuits étaient souvent très longues pour elle. Elle bailla et s'étira. Eloi l'aida à se lever et la conduisit dans leur chambre, afin qu'elle se repose.

Une fois Anaïs endormie, il la quitta et relaya sa belle-mère. Ambrine allait travailler et Aslinn avait besoin d'apprendre à être plus autonome, avec la naissance des futurs bébés.

- Allez ma Grenouille. Fais plaisir à Papa et fais caca comme les grands, d'accord ?

Mais Aslinn le fixa un long moment, s'interrogeant. Mais Eloi joua de patience et la remit en place un nombre de fois sur le pot et lui dicta inlassablement ce qu'elle devait y faire.

Peu après, il quitta la pièce, laissant Aslinn au soin de son grand-père puis décrocha son téléphone, lorsqu'il sonna. Il n'aimait pas ce qu'il avait vu sur l'écran de son téléphone, mais il pouvait ignorer l'appel.

- Oui, Eloi à l'appareil.... Hum... Oui, c'est bien moi qui suis sur ce dossier... Pardon ?

Sa voix se répercuta contre les murs du couloir, sous la panique. Il tenta de calmer son cœur puis répondit à la dernière question que son patron lui posa.

- Très bien, Monsieur. Le temps de prendre mes clés et je suis à vous.

Il raccrocha tout en jurant. Lui qui pouvait enfin se détendre avec sa famille, le voilà à devoir faire des heures supplémentaires. Il soupira tout en se massant la nuque puis s'engagea dans le salon.

Il y retrouva sa belle, qui inquiète, se levait du canapé. Il lui offrit un léger sourire qu'il voulait rassurant, mais il ne pouvait la tromper. Anaïs passa alors ses bras autour de la taille et le serra contre son gros ventre. Eloi fut touché par son geste et lui rendit son étreinte.

- Je suis désolé, mon amour. Je dois partir.

- Encore une urgence ?

Il n'y avait dans sa voix aucune trace de rancune, ni de colère, juste une pointe de tristesse et de peur. Il lui baisa alors le front et lui caressa les cheveux.

- Je fais au plus vite, je te le promet.

- Je sais... Mais soi prudent surtout... Si jamais il t'arrivait quelque chose...

Un sanglot l'étrangla légèrement. Eloi la serra plus fort contre son corps et la rassura de sa chaleur.

- Pour rien au monde je ne vous quitterai, toi et les enfants.

La nuit était là depuis un petit moment, et Anaïs nourrissait Aslinn. La petite peinait avec la cuillère mais elle mangeait plus ou moins toute seule. Lawrence entra à cet instant dans la pièce et salua les deux têtes blondes.

- Comment vous mes deux reines, ce soir ?

- Coucou Papa... Et bien, on va bien ! N'est-ce pas Aslinn ?

Anaïs chercha une réponse auprès de sa fille, mais la petite l'ignora, occupée par sa pitance. Cela fit rire le vieil homme qui rejoignit sa fille.

- Anaïs, je sais que tu ne vas pas bien.

- Ce n'est rien. Juste un peu de fatigue. C'est normal.

Lawrence n'insista pas, mais il voyait bien qu'Anaïs était bien plus pâle que d'ordinaire. Ses traits étaient tirés en un rictus douloureux. Mais cette dernière s'obstinait à ne rien laisser paraître. Il secoua la tête puis entra dans cuisine car lui aussi avait faim.

Repas englouti, Lawrence délivra sa petite fille de sa chaise, tandis qu'Anaïs peinait rejoindre sa chambre. Lawrence avait dû faire des pieds et des mains pendant tout le repas pour qu'Anaïs aille se coucher et qu'elle lui laisse la garde de la petite. Un hurlement le coupa dans ses rêveries et il se précipita à la suite de sa fille, Aslinn dans ses bras, appeurée par les cris. Il découvrit alors Anaïs, pliée en deux, une main contre le mur afin de rester debout et l'autre sur son ventre.

Il posa alors Aslinn et tenta d'approcher Anaïs qui hurla de nouveau. Une flaque se forma à ses pieds, mêlant eau et sang. Lawrence paniqua plus encore, accentuant la propre peur de sa fille.

- Papa... je t'en prie ! Aide-moi !! Le suppliait Anaïs entre deux respirations difficiles.

Mais il restait là, à regarder à droite à gauche, cherchant quoi faire. Il n'avait jamais réellement su prendre les choses en mains lors des accouchements d'Ambrine et voir sa propre fille dans une telle peine l'incommodait et l'attristait bien plus encore.

La porte de l'entrée claqua, suivit rapidement d'un "C'est moi !" retentissant, comme Ambrine avait l'habitude de faire lorsqu'elle rentrait du travail. Elle trouva étrange de voir le salon vide et surtout les hurlements qui tapissaient la maison était inhabituels. Elle se précipita alors vers la source et découvrit le désastreux spectacle qui s'offrait à elle. Elle giffla sans ménagement son époux, lui fourra la petite dans les bras et lui ordonna d'appeler l'hôpital, afin de prévenir de leur arrivée.

Sans plus attendre, elle guida sa fille vers le garage où elle démarra la voiture en trombe. Elle savait son époux impressionnable, mais le sang sur le sol était une chose inhabituelle qui aurait dû faire réagir son époux. Elle soupira et roula à vive allure, pestant contre lui.

Dans les rues sombres de Meadow Glen, un homme courrait à en perdre haleine. Trébuchant et s'essoufflant, l'homme d'affaire avait la peur qui lui tenaillait les entrailles. Son beau-père venait de l'appeler afin de lui prévenir qu'Anaïs était en route pour l'hôpital. Il quitta alors son patron avec précipitation, se fichant totalement de ses performances. La vie d'Anaïs était bien importante qu'une promotion.

approchant de l'hôpital, il put découvrir deux silhouettes se découper dans la lumière du hall d'entrée. Anaïs avait les traits tirés et Ambrine l'aidait à se déplacer. Eloi, pantelant, arriva à leur hauteur. Ambrine sourit alors avec gentillesse à son gendre et lui laissa Anaïs. Une infirmière arriva enfin, un fauteuil roulant dans les mains et ils y installèrent la future maman.

Le trio pénétra dans le bâtiment, le cœur battant.

Au petit matin, Lawrence tentait de rester éveillé en s'occupant des tâches ménagères. Il fermait le robinet lorsque la porte d'entrée s'ouvrit. Il leva alors le regard et découvrit les nouveaux arrivants. Eloi avait les traits tirés mais le sourire ne quittait ses lèvres. Il se dégagea du passage et aida sa femme à entrer elle aussi dans la maison, dans ses bras reposé un petit bout d'eux qui dormait sereinement. Lawrence put sentir son cœur se réchauffer à la vue de ce petit être.

- Bonjour Papa, dit faiblement Anaïs.

Le sang peinait à rosir ses joues. Elle avait dû avoir une très longue nuit, et surtout très éprouvante. Mais elle semblait aller bien. Soutenu par Eloi, elle pencha la tête sur le côté et offrit le plus des sourires à son père.

- Je te présente Cyprien.

La porte se referma dans un bruit mat et Ambrine se présenta à son tour à son époux. La vieille femme tenait contre son sein un autre petit bout d'humain qui était plus virulent que le précédent. Pourtant empaqueter, le bébé ne semblait pas dénuer d'énergie.

- Et voici notre nouvelle petite fille : Aurélianne.

Une heureuse nouvelle pour un foyer chaleureux. Lawrence et Ambrine comptaient parmi leur rang déjà neuf petits-enfants. Leur vie ne fut pas plus brillante ni des plus joyeuses, mais ils ont toujours su tirer le bon des mauvais moments. Le sourire aux lèvres, le foyer s'endormit avec bonheur. Le passé était toujours là, mais loin d'eux. L'avenir était leur seul objectif.

Episode 12

L'aube se profilait doucement sur les douces rive du fleuve de Meadow Glen. Les arbres rougeoyaient de joie face à la faible chaleur du soleil d'automne. Les nuages, légèrement rosés, nappaient le ciel et venaient caresser les montagnes qui bordaient la ville.

Si le réveil de la nature se faisait plus doux et plus calme, les Vauganne subirent un tout autre genre de réveil. Aslinn avait décidé de se lever, et comme les adultes étaient bien trop long à la servir, la petite donnait de la voix.

Ambrine arriva alors et avec un immense sourire, fit semblant de la réprimander. Cette enfant était un ange qui ne pouvait encore s'exprimer avec des mots. Son apprentissage était assez long mais la petite évoluait à son rythme. Avec six enfants, il y avait bien une chose qu'Ambrine avait apprise : la patience.

Alors elle était bien décidée de l'appliquer et l'inculquer à ses petits-enfants capricieux. Aslinn eut beau réclamer sa pitance, elle ne l'obtint qu'en même temps que sa grand-mère. Après tout, un repas se passait toujours en famille. Apprendre cela dès le plus petit âge était important.

Mais enfant on demeure longuement impatient. Et Aslinn savait comment s'exprimer. Elle frappait, tapait des pieds et bougonnait dans son coin. Mais Ambrine était hermétique à tout cela. Si ses quatre aînés étaient des anges de patience, Azilis était loin d'être ainsi. Cela mit le sourire aux lèvres de la vieille femme, qui mâchait avec délice sa part de gâteau.

Mais ses bonnes résolutions furent légèrement brisées par un jeune père impatient et bien trop gaga de sa fille. Aslinn riait de bon cœur lorsqu'Eloi la sortie de sa chaise, lançant un léger regard triomphant à sa grand-mère.

- Ce n'est que partie remise, petite diablesse, lui souffla Ambrine.

La petite se mit à rire de plus belle et commença à agripper le nez de son père. Eloi lui sourit tout en la stoppant dans son geste et la posa sur le sol.

C'était à leur de manger. Anaïs et Eloi venaient de terminer leur devoir de parents envers les jumeaux et prenaient un léger temps pour eux. C'était le week-end et Eloi ne travaillait pas. Anaïs se délectait de ce moment à venir. La petite Aslinn à leur pied, ils discutaient de tout et de rien.

- Tu sais, mon cœur, Maman a raison.

- A propos de quoi ? Demanda Eloi.

- Aslinn.

Eloi battit des paupières et scruta sa femme. Il ne voyait absolument pas où elle voulait en venir. Ambrine s'occupait avec gentillesse et efficacité de leurs enfants, et il n'avait rien à lui reprocher.

- Je ne vois absolument pas de quoi tu parles, Anaïs.

- Mais si ! Ma mère pense qu'on la gâte trop et que cela lui gâtera le caractère.

Eloi soupira. Ambrine s'en faisait trop. Certes, la petite était couverte d'attention et d'amour, mais n'était-ce pas ce dont un enfant avait le plus besoin ? De plus, sa place d'aînée en faisait une enfant spéciale.

- Anaïs... Ta mère s'inquiète trop. Aslinn était notre petit ange.

- Je ne veux pas qu'elle me ressemble, Eloi.

L'homme s'étouffa alors, puis observa sa femme. La tristesse teintait sa voix, mais son visage était sérieux. Le roux reprit contenance en se tapotant légèrement la gorge puis posa sa fourchette. L'heure n'était plus à son pancake.

- Anaïs... Tu t'entends ?

- Parfaitement. Eloi, tu sais comment je suis. Timide, incapable de prendre une décision et bien trop naïve. Je me déteste pour tout cela. Mais j'ai eu de la chance de te rencontrer, mais si mes enfants n'ont pas cette chance... Je...Je ne le supporterai pas...

Sa voix se brisa dans un léger sanglot. Anaïs était encore faible. Son accouchement datait d'il y a une semaine à peine, et les hormones n'étaient pas encore stabilisées. Mais son époux savait pertinemment qu'Anaïs s'estimait de peu de valoir et que ses peurs étaient sincères. Il quitta alors sa place et pris sa belle dans ses bras afin de la consoler et la rassurer. Ses enfants ne seront jamais faible, bien que sa femme ne le soit pas. Il en était convaincu. Et s'ils lui ressemblaient, cela serait un des plus cadeau qu'on puisse lui offrir.

 

Le lendemain, dimanche, alors que la petite famille vaquait à ses occupations, la porte d'entrée s'ouvrit avec fracas et laissa place à une Azilis sur-enjouée, qui pénétra dans la demeure d'un pas dansant.

- Salut la compagnie !

Lawrence, qui avait relevé la tête en entendant sa fille entrer, lui sourit et la salua à son tour.

Derrière elle suivit la fratrie, Taliesin, Willheim et Yoric. Les enfants s'étaient donnés rendez-vous à l'extérieur, souhaitant faire une belle entrée et surprendre leurs parents. Pari réussi, car Ambrine eut un hoquet de peur alors qu'elle était tranquillement installée devant la télévision. Elle les réprimanda alors que tous riaient.

La raison de leur présence ? Elle était simple : un anniversaire. Mais lequel ? Le temps filait à une telle allure qu'Anaïs ne sut que tard dans la matinée que ses parents avaient décidé de lui donner une petite fête familiale pour ce moment particulier. Anaïs était plus que touchée de voir sa famille auprès d'elle. La blonde pleurait légèrement dans les bras de son frère, tandis que le reste des convives arrivaient.

- C'est gentil d'être venue. Surtout que c'est aussi vos anniversaires, à Will, Eudes et toi.

- Bah on a toujours fêté nos anniversaires ensemble, ce serait bizarre de pas continuer, tu crois pas ?

Anaïs sourit alors à son frère. Il n'avait pas tort. Les quadruplés, bien qu'aujourd'hui séparés, ne pouvaient se défaire de ce petit lien qui les reliaient. Leurs anniversaires étaient commun et donc cela était naturel pour eux que la fête le soit également.

Mais, alors que tout le monde discutait de sa petite vie, Eudes dût partir précipitamment. Son père l'accompagna jusqu'à la voiture, affichant son sourire habituel. Eudes était triste de devoir quitter la fête aussi rapidement, mais une urgence était une urgence.

- Ne t'en fais pas, mon fils. Ta femme est plus importante qu'une petite fête.

- Merci Papa, mais je suis quand même déçu, pour une fois qu'on était tous réuni.

- Tu n'es pas le seul à devoir partir. Ta mère doit aller travailler, Tal' et Azilis également.

Mais cela ne consola guère le brun qui baissa le regard. Lawrence plaça une main sur l'épaule d'Eudes et la pressa légèrement. Eudes était une personne discrète et parfaitement terre-à-terre, mais il aimait profondément sa famille.

- Va rejoindre Sybille, Eudes. Après tout, elle va donner naissance à ton nouvel enfant. Et surtout, prends garde sur la route.

Il était si difficile de réunir tant de personne à la fois. Mais bien que peinée, Anaïs put que comprendre les obligations de ses frères et sœurs. Elle soupira devant son gâteau, tandis que les derniers invités lui souhaitaient un bon anniversaire.

Elle leur sourit puis se tourna vers le gâteau, se concentra sur le vœux qu'elle pourrait souhaitait. Elle prit le temps qu'il lui fallut puis se décida enfin à souffler ses bougies. Les flammes s'éteignirent péniblement, comme si elles refusaient de prendre part à l'histoire, comme si elles ne souhaitaient faire parties du passé.

Mais le temps était plus puissant que n'importe quel souhait. L'on pouvait souhaiter la jeunesse éternelle, jamais elle n'arriverait. On pouvait souhaiter vaincre la mort, jamais la vie ne pouvait prendre le dessus. Vieillir n'était pas une fatalité, mais un passage obligatoire dans le cycle d'une vie. Anaïs n'avait pas peur de vieillesse, cela ne l'empêcherait jamais de vivre ou d'aimer.

Gâteau découpé, et convives installés, les Vauganne discutaient de tout et de rien. Relatant leur petite histoire de famille. Toute la fratrie avait des enfants, sauf Azilis et Keiko. Cela faisait beaucoup de monde et les branches de l'arbre familial ne cessait de croitre. Lawrence et Ambrine comptait parmi leur rang neuf petits-enfants resplendissants de santé et aimant à problème.

Mais cela n'empêchait pas les parents de les aimer. Les enfants étaient ainsi, facilement détestable mais ils ne pouvaient jamais perdre l'amour de leurs parents. Yoric, bien que jeune et ambitieux, travaillait dur à élever ses fils dans un foyer plein d'amour, auprès de Jessica. Mais il croulait sous les dettes et dû déménagé de sa belle demeure. Lawrence était peiné et inquiet de savoir son fils dans la panade.

- Ecoute Papa, c'est gentil ! Mais non !

- Avec ta mère, on a de quoi se retourner, Yoric. Donc si tu as besoin d'...

- J'ai dit non !

Keiko, qui était dans la cuisine, écoutait l'échange avec intérêt. Si Yoric avait des soucis financiers, et qu'il refusait toute aide de ses parents, peut être qu'avec Azilis, elles pourraient l'aider. Elles avaient beau être originales et assez égoïste de prime abord, le couple de femme avait un grand cœur. Le jumeau de sa femme allait très mal, mais sa fierté l'empêchait d'accepter de l'aide. Keiko savait qu'Azilis saurait le convaincre d'accepter leur aide. Sa jumelle, en bonne enquêtrice, savait manier les mots et se défaire des situations difficiles. Et elle même, avec son jeu d'actrice, savait comment simuler certaines émotions.

Plus loin, dans le couloir, Anaïs et Jessica tenait le même discours que Yoric et son père. Mais la rousse était bien plus compréhensible que son entêté de mari.

- Je sais que Yoric déteste demander de l'aide.

- Il est fier... et surtout très entêté.

- Contre ça, je ne peux rien y faire... Déplora la blonde. Mais je peux vous aider à sortir le nez de l'eau, Jessica.

- Je te remercie, Anaïs. Sérieusement, on a pas besoin de beaucoup, juste de quoi boucler notre mois. Yoric pense à notre réputation, mais moi je vois l'avenir de nos enfants. Tanguy et Charles demandent beaucoup de ressources. Avec ton frère, on peut se passer de beaucoup de chose, mais nos enfants ont droit à une enfance digne et décente.

Anaïs fut touchée par la sincérité et la peine qu'éprouvait Jessica face à la fierté mal placé de son époux. Yoric était un homme bon, aimant et chaleureux, mais le milieu de la politique l'avait rendu fier et intransigeant.

La fête avait continué jusqu'à tard dans l'après-midi, mais tout le monde avait regagné sa maison une heure plus tôt, laissant la maison sans dessus-dessous. Alors qu'Anaïs et Eloi rangeait, Lawrence s'occupait des enfants. Mais, malgré le calme du crépuscule, un drame arriva.

Le rouge des feuilles se confondaient avec celui du ciel et des briques du gymnase de la ville. Ambrine en franchissait le seuil, fatiguée. Sa journée de travail fut éprouvant, bien qu'elle ne courrait plus guère après la balle, mais avoir un rôle représentatif était tout aussi épuisant si ce n'était plus. Elle songeait de plus en plus à prendre sa retraite. La porte se referma alors derrière elle mais elle ne s'en soucia guère, sentant son cœur s'alourdir brutalement.

Mais cela ne lui faisait nullement mal. Aucune douleur, aucune peur. Juste un sentiment de plénitude. Elle regarda alors autour d'elle et découvrit son corps translucide. Elle comprit alors qu'elle venait d'atteindre le terme de sa vie. Elle qui avait vécu tant de chose, elle passait de l'autre côté après tant d'années.

Une grande explosion retentit alors sur sa gauche puis un juron s'échappa des buissons. Une silhouette capée et sombre s'extirpait avec difficulté des buissons puis enjamba le murés péniblement, s'empêtrant dans sa longue robe noire. Ambrine soupira. Voir ainsi la Faucheuse ne pouvait confirmer ses pensées. Elle était morte et elle venait la chercher.

- Ah ! Je te trouve enfin ! Toi qui est de cette sale engeance !

- Pardon ? S'offusqua la vieille femme.

- Oui ! Ton infâme ancêtre, Aimée, je peux enfin me venger d'elle ! Enfin !!!

Ambrine papillonna des yeux un long moment avant de saisir les propos de la Dame en noir. Dans le passé, il y a des siècles bien avant sa naissance, son ancêtre Aimée avait réussi à duper la mort et à allonger sa vie.

Et il semblait, malgré le temps passé, que cette noble Faucheuse, avait une dent contre son ancêtre. Cela fit rire Ambrine.

- Ris-tu de moi, Mortelle ?

- Pardon, mais il faut reconnaître que c'est drôle. Cette rancune qui vous habite est totalement désuète, aujourd'hui.

- Comment ? S'offusqua de nouveau la Mort.

- Aimée est morte et enterrée depuis des lustres, et vous êtes encore là à ruminer contre elle. A quoi sert cette soif de vengeance, puisqu'elle est déjà assouvie ?

La Dame en Noir sembla réfléchir un instant puis rit à son tour. Sa voix était éraillée et terrifiante, mais Ambrine n'était pas du tout impressionnée, au contraire, elle gardait son sentiment de sérénité. La Mort la remercia en lui serrant la main. Puis elles disparurent, toutes deux, dans une épaisse fumée.

A l'autre bout de la ville, alors qu'il s'apprêtait à coucher Aslinn, Lawrence sentit son cœur se serrer, et entendit comme une espèce de verre qui se brise. Il releva un sourcil, cherchant du regard la source de se bruit, puis les larmes lui montèrent aux yeux. Il comprit alors qu'une chose terrible venait de se produire. Main sur le cœur, il ne put contenir sa tristesse.

Sa femme venait de partir, à jamais. Loin de lui, sa moitié, son amant, son meilleur ami. Il perdait un élément important de sa vie. On lui volait une partie de son cœur. La petite, au sol, pleurait de tout son corps, tremblante. Elle aussi comprit que sa vie serait différente désormais.

Le téléphone retentissait dans la maison, alors qu'Anaïs nettoyait les restes des festivités. Ce fut le sourire aux lèvres qu'elle décrocha le téléphone et avec une voix enjouée qu'elle salua son interlocuteur.

- Anaïs ...?

- Oh ! Bonsoir Régis ! Comment allez-vous ?

Un long silence s'installa. Intriguée, la blonde pencha la tête sur le côté.

- Régis ?

- Oh pardon ! Se reprit l'interlocuteur. J'ai cru un instant que c'était Ambrine.

- C'est ma mère que vous cherchez ? C'est dommage, elle n'est pas encore rentrée du travail. Je peux toujours lui demander de vous rappeler.

- Anaïs...

La voix de l'homme était brisée et chargée de tristesse. Cela ébranla l'adulte qui sentit son coeur se serrer.

- Que se passe t'il, Régis ?

- Je suis désolée, Anaïs, mais ta mère... ta mère nous a quitté.

Le silence résonna dans son crâne. Elle le trouva assourdissant et perdit l'équilibre un instant. Elle se rattrapa au meuble, puis raccrocha le téléphone, tremblant de tout son être.

Eloi arriva alors, curieux de savoir qui avait téléphoné, mais il trouva sa femme murée dans un silence indescriptible et terrifiant. Sans attendre il l'a prit dans ses bras et la forca à le regarder. Mais les yeux de la femme restèrent vide d'expression.

- Anaïs... Parle-moi...

Mais tout ce qu'il obtint fut un sanglot déchirant présageant un long moment de larme. Il sut alors qu'une chose terrible venait de se produire. Il la serra contre lui et la berca légèrement. Elle pleurait à chaude larme, trempant sa chemise, mais il s'en fichait. La peine qu'éprouvait sa femme était bien plus importante et inquiétante.

- C'est Maman...

Inutile d'en dire plus. Ces simples mots avaient confirmé les doutes du jeune homme. Ambrine venait de trépasser, laissant derrière elle six enfants et neuf petits enfants -Eudes venait tout juste être Papa d'une petite Romane. Ses larmes se joignèrent à celle de sa femme. Ambrine était une femme en or, une belle-mère aimante et une bonne amie, pour le jeune homme. Son absence allait créer un vide inconsolable...

- Adieu Ambrine. Je vous promet de prendre soin de votre famille... Se dit-il.