Episode 19

L'insouciance de l'enfance. Cyprien en jouissait pleinement, fièrement campé sur son noble destrier. C'était le week-end et la petite famille profitait de cela pour rester longtemps au lit. Mais le petit garçon lui était debout depuis bien longtemps, répondant à l'appel désespérant de l'aventure.

- Allez Joly Jumper ! Au galop mon ami ! Nous avons affaire à méchant voleur !

Sa monture tanguait vigoureusement d'avant en arrière, lui permettant de brandir ses bras avec force et vivacité. Cyprien était un enfant réservé et calme, mais lorsqu'il entrait dans le monde de ses jeux, sa personnalité changeait. Il devenait plus expansif et plus expressif.

- Et voilà leur chef ! Vite Joly ! Il faut l'attraper avant qu'elle ne fasse de nouveau du mal.

Pointant du doigt la nouvelle venue, Cyprien s'exprimait avec hargne. Mais la petite Aurélianne, encore prise par le sommeil, le fixait avec aphasie puis haussa un sourcil, exaspérée, avant de continuer sa route vers la cuisine. Le petit garçon la regarda partir, un peu déçu que sa jumelle ne souhaite se joindre à lui dans son jeu.

Pendant ce temps, dans la chambre des plus petits, Eloi prenait soin d'Adam, qui réclamait avec force son biberon. L'adulte lui céda avec un sourire, avant que l'enfant n'enfourne la tétine dans sa bouche. Cela fit rire le père qui caressa avec amour la chevelure de son fils.

Adam n'était plus le petit dernier de la famille. Il était désormais un grand frère et resta le deuxième fils de la famille. Car Anaïs mit au monde une petite Alix qui respirait la santé et savait s'exprimer. Elle aussi avait faim et Eloi ne résista guère longtemps avant de lui donner sa pitance. La petite engloutit avec appétit son biberon matinal.

Mais Alix ne fut pas la seule à pointer le bout de son nez, car en sa compagnie, Apolline prit son souffle, laissant une Anaïs épuisée. Eloi repensait à cette nuit, où, après s'être disputé avec sa femme, cette dernière décida de donner vie à leurs filles, seule. Cela l'avait grandement affecté et lui avait donné matière a réfléchir.

Plus tard dans la journée, parents apprêtés, les jumelles recevaient leur soin et une dose d'affection. Eloi et Anaïs ne s'étaient pas réellement parlé depuis la nuit de leur naissance. Juste des mots cordiaux, nécessaire au bon fonctionnement de la maison et pour le bien être de leur six enfants.

"Oui... Six enfants... " Ne pouvait s'empêcher de penser Eloi. Tant d'années à ses côtés et presque jamais de dispute et il fallut que ce soir là, ils eurent des mots durs l'un pour l'autre. Et cela lui briser le cœur. Alors qu'Anaïs câlinait leur petite Apolline, Eloi l'écoutait avec amour et amertume chantonner une petite berceuse qu'elle avait pour habitude d'offrir à chacun de ses enfants.

Il lui fallait reconnaitre que sa femme était bien plus douée et plus attentionnée que lui avec les enfants. Son travail l'accaparait énormément, et ne lui laissait que peu de temps pour une vie de famille. Et pourtant il tenait absolument à être présent. C'était son rôle, ce qu'on attendait de lui et surtout son envie.

Alors l'homme prit son courage à deux mains et rangea sa rancune rongée par la peine et déposa son fardeau -ainsi que sa fille dans son berceau. Il s'approcha alors de sa femme, qui après un énième câlin, se retourna sans un mot vers son époux.

Anaïs était calme, mais Eloi pouvait lire au fond de ses yeux une petite flamme de colère et de déception danser dans ses pupilles. Cela ébrancha légèrement sa détermination, mais il se ressaisit comme il saisit les mains fines de son épouse. Anaïs se laissa faire, curieuse de voir où cela allait les mener. Elle n'aimait pas être en colère, surtout après Eloi. Mais elle n'approuvait pas du tout la méthode qu'il avait employé avec Aurélianne.

- Je n'aime pas ça.

- "Ca" quoi ? Demanda Anaïs.

- La situation... Avoua Eloi d'une petite voix, avant de baisser le regard vers le sol. Je n'aime pas nous savoir fâché. Ce n'est pas nous, Anaïs.

Et elle était d'accord avec lui. Eux, c'était amour et tendresse, et non colère et ressentiment. Ca, c'était avant. Avant que leur amour ne se dévoila à eux, avant leurs échanges, leurs caresses, leurs baisers. Mais ils fonctionnaient comme ça. Tout deux bien trop prévenants l'un envers l'autre, c'était à celui qui aimera plus sa moitié. Alors ils gardaient au plus profond d'eux leur déception, leur ressentiment pour un joue, finir par exploser. En repensant au passé, et leurs diverses disputes, Anaïs laissa un rire fluet s'échapper de ses lèvres.

- Qu'est ce qu'il y a de drôle ?

- Nous deux...

Cette réponse eut le don d'interroger Eloi qui la fixa longuement avec curiosité.

- Je repensais au passé, Eloi. Nous nous disputions énormément avant notre première véritable soirée. Cela la fit sourire de plus belle. Et depuis que nous sommes ensembles, les choses sont merveilleuses mais nous ne sommes pas assez honnête, l'un envers l'autre.

Eloi la prit contre elle, touché par ses propos. Anaïs acceptait leur petit différent, elle le savait nécessaire, mais ne souhaitait pour autant que cela ne se reproduise.

- Je t'aime ma Chérie. Ne doute jamais de cela. Tint-il à préciser.

Anaïs s'accrocha à lui, le serrant très fort contre son cœur, comme si Eloi allait disparaitre. Mais le roux ne disparut pas. Il était toujours là, contre elle, comme il le lui avait promis des années auparavant.

- Je serais si seule sans toi, Eloi. Seule et désemparée. Ne me quitte jamais, je t'en supplie.

Et sans un mot, son époux lui releva le menton et la regarda droit dans les yeux. Sa belle ne pleurait pas, mais ses yeux étaient humides. Elle resserra son emprise sur elle et tendrement, ils joignirent leurs lèvres pour un long baiser empli d'amour, de promesse et de bonheur.

Des disputes, ils en auraient encore et toujours. C'était le propre de l'homme, et plus on s'aimait, plus cela était fréquent. Mais chaque dispute menait à une réconciliation, et ces réconciliations étaient souvent douce et aimante.

Mais si l'amour coulait des jours heureux, les liens fraternels étaient bien souvent meurtris et foulés sur pied. Aurélianne était une vraie peste qui s'en prenait à tout le monde et Cyprien était sa cible préférée. Encore aujourd'hui, l'on pouvait entendre dans toute la maison, les cris de la petite qui perçaient les tympans de ses habitants.

- J'en ai marre de toi, Cyprien ! J'aurais dû naître toute seule ! T'es trop nul.

Alors le petit garçon, au bord des larmes se tût, baissant le regard vers le sol. Il n'avait rien fait de mal, juste simplement souhaiter jouer avec sa sœur. Mais Aurélianne ne le voyait pas ainsi et imposait sa loi. Alors, peiné, le petit avait trouvé refuge dans les bras de son père, alors qu'il discutait avec Anaïs. Exaspérée par le comportement de sa fille, la blonde prit les choses en mains.

- Aurélianne Ambrine Vauganne ! C'est assez !

- Mais Maman...

- Il n'y a pas de "mais" ! Aurélianne, tu te rends compte que tu fais du mal à ton frère ?!

La petite baissa la tête. Elle ne se trouvait pas méchante, mais réaliste. Elle avait bien le droit de dire ce qu'elle avait sur le cœur, non ? Pourquoi lui interdisait on de s'exprimer alors que les adultes, eux, le faisaient sans cesse.

- Crois-tu cela normal que Cyprien pleure tous les jours, et par ta faute ? Tu es sa sœur, bon sang ! Une famille, c'est fait pour se soutenir, s'aimer et s'aider. Et non pour se déchirer.

Mais les propos de sa mère étaient bien trop abstrait pour la petite fille qu'elle était. Elle écoutait, sans trop comprendre, la tirade blessante d'une mère blessée et en colère.

"Et moi alors ? " avait elle envie d'hurler. Elle était une petite fille incomprise. Elle n'avait jamais demandé à venir au monde dans une famille si nombreuse où les parents étaient si obnubilés par les plus jeunes, laissant les plus vieux seuls. Elle aurait souhaité être fille unique pour que l'on n se consacre qu'à elle. Elle seule était importante.

Mais elle se garda bien de le leur dire, car elle n'était pas stupide, loin de là. Les parents, c'étaient bien malléable et une seule méthode fonctionnait sur eux : la manipulation. Et Aurélianne était devenue une experte. Même sa maîtresse tombait dans le panneau. Un peu d'eau dans les yeux, une voix chevrotante et un air de chien battant, et on lui passait de la pommade dans le dos.

- Bon, bon. Je vois que tu regrettes, ma Princesse. Mais je t'en prie, ma chérie. Sois plus gentille avec ton frère. Il n'est pas comme toi, il est bien plus vulnérable.

La petite hocha la tête de haut en bas, signifiant sa compréhension, mais en son for intérieur, elle souriait machiavéliquement. Elle avait encore gagné et cela devenait de plus en plus simple.

Mais sa réjouissance fut de courte durée, car le soir même, un anniversaire se profiler et elle n'allait pas être au centre de l'attention. En effet, Aslinn fêtait son nouvel âge avec appréhension.

Alors que toute la famille s'égosiller avec joie, faisant sourire sans cesse la petite blonde, Aurélianne elle se gardait bien de sourire. Elle était la reine, elle ! Et non sa bécasse de grande sœur qui ne cessait de sourire comme une idiote devant son gâteau complétement moisi. Au moins, sa mère n'avait pas pris la peine de faire le gâteau elle même. Bras croisés, la petite fille regardait la scène avec pitié.

Aslinn n'était qu'une idiote naïve et totalement vulnérable. Le genre de fille qu'Aurélianne ne supportait pas. En plus, à l'école, elle était le souffre-douleur de chaque élève, surtout depuis qu'Abigaïl -leur cousine- avait changé de classe. Mais Aurélianne ne se sentait pas concernée par le sort de sa sœur. Si elle subissait tout cela, c'était de sa faute. Ni plus, ni moins.

Mais, à contrecœur, elle reconnaissait que la vie de son aînée n'était pas enviable. Elle ne souhaitait nullement lui ressembler, pourtant en la voyant évoluer, Aurélianne sentit une pique de jalousie grandir dans son cœur d'enfant. Elle qui avait hérité de cette couleur particulière, elle aurait aimé être différente. Être comme tout le monde et les cheveux blonds de sa sœur étaient d'une telle banalité !

Eloi, lui était fière de sa première merveille. Loin des pensées sinistres d'Aurélianne, le papa qu'il était retenait avec difficulté son sourire et ses larmes. Anaïs se moqua de lui, suivit d'Aslinn, qui avec l'âge avait pris une certaine confiance en elle même.

Réuni autour de la table, savourant le gâteau, la famille profitait de ce moment. Il était si rare de les voir ensemble, ainsi assis. Même si Aurélianne ne pipait mot, Eloi tentait de dérider l'ambiance. Mais la conversation tourna court rapidement.

- Pourquoi tu tiens tant à changer de chambre, Aslinn ?

"Parce qu'Aurélianne est une peste ?" pensa la toute récente adolescente. Mais elle pourrait jamais dire cela à son père. Cela ne peinerait trop. Surtout que l'homme adorait sa petite princesse, alors qu'elle, elle n'était que la grenouille de la famille. Aslinn se demandait encore pourquoi un tel surnom. Pourquoi un animal si répugnant alors que sa petite sœur était comparée à une princesse ? La blonde laissa en suspend cette question bien trop de fois posée.

- Papa ! Une adolescente a besoin de son intimité.

- C'est vrai mon chéri. acquiesça son épouse. Et puis ce n'est pas comme si on en avait pas les moyens. Avec tes récentes primes et une partie de mon héritage, on peut facilement redécorer la chambres de mes parents.

Aslinn tourna rapidement le regard sur sa mère, tout Eloi. Anaïs venait de dire cela, comme ça. Sans sourciller, sans aucune once de tristesse. Pourtant la jeune femme n'avait pas encore fait le deuil de ses parents. Mais le sourire sur les lèvres d'Anaïs disaient à sa famille que tout allait bien. Qu'il était temps de tourner la page.

 

Episode 20

L'été. Cela amenait le soleil à montrer le bout de son nez bien plus tôt, mais Aslinn s'en fichait, elle aimait se poser devant sa fenêtre et observer cet astre s'éveiller sur le monde avec délicatesse. Ce matin là ne fit pas exception, et elle s'occupa alors de jeune frère. Adam gazouillait dans son berceau, se mâchonnant les doigts. Le petit était discret, partageant sa chambre avec les jumelles, comme s'il avait compris que les petites avaient besoin de dormir. L'aînée le gratifia d'une bise, qu'il s'empressa d'essuyer avec dégoût. Cela fit rire Aslinn, qui, tout en sortant de la pièce, lui pinça la joue baisée.

Adam adorait sa grande sœur, surtout depuis son récent anniversaire, car cette dernière s'occupait de lui. Ses parents, trop occupés à donner de l'attention aux petites dernières, avaient tendance à se reposer sur Aslinn.

- Mama, faim !

Oui. Parfois, il confondait sa soeur avec leur mère. Cela peinait Aslinn, même si elle trouvait cela mignon et attendrissant. Triste pour sa mère qui adore chacun de ses enfants. Enfant, Aslinn en voulait à sa mère de passer son temps à s'occuper des autres, et non d'elle. Mais en grandissant, elle comprit qu'Anaïs n'avait pas le choix, et que même avec cela, elle aimait son aînée.

- Tu trouves pas qu'Aslinn a changé ? Demandait Aurélianne à son jumeau.

- Non, pas vraiment.

- Elle trop fière maintenant, à nous donner des ordres et nous commander ! Pesta la petite fille.

Mais Cyprien commençait à connaître sa jumelle et ses propos. Le pauvre était pris entre deux parties : l'un, sa jumelle orgueilleuse, l'autre, son aînée douce et gentille. Il soupira et laissa Aurélianne répondre son fiel, comme si cela était un jeu pour elle.

- Je t'assure que je l'ai vu avec un garçon de sa classe. Elle mets des jupes et se maquille, alors qu'elle est même pas belle !

- T'exagères, Aurélianne ! Aslinn est jolie ! S'offusqua timidement son frère.

- T'as aucun goût Cyprien ! Aslinn est trop moche ! Elle aura jamais d'amoureux ! Alors que moi j'en ai déjà deux !

Et c'était repartit pour un tour. Le nouveau sujet favoris d'Aurélianne : ses prétendants. Cyprien en avait assez de ce petit jeu, mais Aurélianne aimait s'entendre parler, alors il écoutait, patiemment, sans trop prêter attention aux éloges qu'on lui avait fait tantôt.

Après avoir demandé la permission de sortir, Aslinn se rendit en ville, retrouver une de ses rares amies. Elle avait peut être grandi, mais elle restait l'originale de l'école, car la plupart des élèves du lycée venaient de la même école qu'elle, et sa réputation la suivait. Mais contrairement à son enfance, elle voulait vivre son adolescence sans se soucier des autres et des rumeurs. Alors si on voulait l'insulter ou la traîter de marginale, très bien ! Que bien leur fasse ! Elle les laisserait dire et vivrait sa vie et ses envies à sa guise.

Elle arriva alors près d'un café où elle aimait se rendre après les cours, de temps à autres. A cet endroit, elle trouva, avec surprise, la famille d'Eudes. Romane avait bien grandi depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu. La petite fille était plus jeune qu'elle, mais ses hormones plus productives. Mais la demoiselle était une personne discrète, voire effacée.

Mais Aslinn n'était pas ici pour retrouver Romane, mais Abigaïl, sa cousine adorée. Hélas, cette dernière tardait et la pluie tombait doucement, chatouillant le visage et les bras nus de la blonde. Comme prise par un instinct enfantin, la demoiselle Vauganne se laissa aller et tira la langue, tentant d'attraper une goutte. Ce fut à cet instant que sa cousine daigna arriver.

- Aslinn ?

Surprise, la blonde se tourna vers Abigaïl, la langue toujours dehors et les yeux gros d'étonnement. Cela fit éclater de rire la dernière arrivée, qui, écroulée, se tenait les côtes. Aslinn rangea sa langue, légèrement vexée, et dirigea son regard ailleurs, tout en bougonnant.

- Mais qu'est-ce que tu fiche ?! Continuait de rire Abigaïl, alors que sa cousine avait le visage cramoisi.

- Je t'attendais...

- En jouant comme une gamine ? Pfff ! Ahahaha !

Le rouge s'accentua sur les joues d'Aslinn, qui, malgré elle, rejoignit l'hilarité de sa cousine. il fallait reconnaître que sa tête devait être impayable et totalement absurde.

- Plus sérieusement. Commença Aslinn, une fois calmée. C'est quoi ton excuse ?

- Pour ?

- Ton retard, cruchotte !

- Hey !! S'offusqua Abigaïl, faussement vexée. J'ai pas vraiment d'excuse... Mes parents se sont pas réveillés, du coup j'ai du m'occuper de mon petit frère.

Anaïs comprenait très bien ce genre de situation. Tout comme elle, Abigaïl était l'aînée, et s'occuper de ses petits frère et soeur leur retombait toujours dessus.

- Et si on bougeait ? Je commence à avoir froid ! Se plaignit Aslinn.

- Pourquoi t'as pas mis de veste aussi ! Banane ! Se moqua Abigaïl en la dépassant.

- Parce qu'il faisait soleil lorsque je suis partie de la maison !

Sa cousine rit de bon coeur dépassant légèrement le groupe familiale. Aslinn s'arrêta alors à leur hauteur et les salua avec un grand sourire.

- Bonjour les filles, alors on se promène ? Leur dit Sybille.

- Oui ! On tient à profiter un peu de l'été ! Répondit Abigaïl.

- D'ailleurs, Romane, ca te dit de venir avec nous ? Proposa Aslinn.

- Aslinn ! Se plaignit Abigaïl.

- Ben quoi ? C'est notre cousine, et ca lui fera du bien de sortir un peu !

Mais Abigaïl ne l'entendait pas de cette oreille. Elle avait déjà adopté Aslinn, plus tôt dans leur enfance, elle n'allait pas prendre sous son aile une autre handicapée sociale -comme elle aimait le dire. Romane laissa transparaitre son désapointement. Elle resta pourtant muette, comme à son habitude. Sybille était en train de réfléchir à la propostion d'Aslinn, qui foudroyait du regard Abigaïl pour son manque de gentillesse. Même si leur échange était à voix-basse, elle était gênée et triste pour Romane.

- S'il te plait, Tante Sybille !

- Vous allez où ? Demanda l'adulte.

- On a prévu d'aller à la plage ! Promis, on ira nulle part ailleurs !

- Je ne sais pas... Romane, tu as terminé tes devoirs ?

Sa fille lui fit signe que oui, d'un simple hochement de tête.

- Bon d'accord, mais tu ne rentres pas trop tard et tu y vas avec ton frère.

A ces mots, le visage de Romane s'éclaira, et d'un geste vif de la tête, lui fit signe qu'elle comprit, avant de filer à l'étage, en tirant Aslinn par la main. Désabusée, Abigaïl soupira, tout en les suivant, après avoir saluer le couple d'une simple signe de tête.

Luc se trouvait à l'étage, et Aslinn fut littéralement poussée dans ses bras par Romane, qui sautillait de joie. Le pauvre garçon soupira en voyant cela et comprit instannément ce qui l'attendait. Aslinn, gênée, se grattait la tête.

- Désolée Luc, je pensais faire à plaisir à ta soeur en l'invitant et te voilà obligé à jouer les chaperons.

- Y'a pas de soucis ! C'est pas comme si vous étiez chiantes, les filles ! Hey salut Abi' ! Interpella le jeune homme, tandis qu'Abigaïl les rejoignait.

Elle lui fit signe de la main et s'install près du piano. La pluie tombait doucement encore, alors les quatres adolescents prirent leur mal en patience, et patientèrent dans le café à discuter de tout et de rien, sous la mélodie que créaient les doigts d'Abigaïl.

Une heure plus tard, alors que le soleil commençait à se coucher, la plage fut envahie par quatre et fiers combattants : Abigaïl, Lux, Aslinn et Romane. Ils se promenèrent longuement, dépassant le phare qui illuminait le ciel de sa vive lumière intermittente.

Ils trouvèrent refuge dans un petit cabanon, en bord de mer, que certains marins employés pour stocker leur matériel lorsqu'ils n'étaient pas en mer. Abandonné depuis des mois, celui-ci était totalement vide.

- On a vraiment pas de chance ! Cet été est totalement pourri ! Se plaignit Abigaïl, alors qu'elle essuyait ses manches trempées.

- Il n'arrête pas de pleuvoir, c'est quand même embêtant ! Moi qui voulait bronzer un peu ! Surenchérit Luc.

Cela amena l'hilarité générale car le garçon était très sérieux. Romane fixait son frère exaspération même s'il l'amusait.

- T'es vraiment viril, quand tu t'y mets, Luc.

- Comment ça ? Demanda méfiant le jeune homme.

- Ben bronzer, tout ça, c'pas vraiment masculin.

L'adolescent croisa les bras et observa en coin sa cousine. Abigaïl était gentille et jolie, mais était souvent acerbe et méchante. Les plus jeunes en faisaient souvent les frais. Mais Luc avait appris à se défendre d'Abigaïl.

- Parce que tu crois que parler comme une racaïlle, c'est féminin et sexy ? Bref ! Laisse tomber ! Qu'est-ce qu'on fait du coup ?

- C'est la pleine lune... Constata Aslinn en regardant par la fenêtre.

- Et ? Demanda avec sarcasme Abi.

- Ben rien !

- Ne me dis pas que tu as peur de la pleine lune ! S'esclaffa la plus vieille des trois. La honte ! Tu crois encore à ses histoires de grand-mère ?!

Aslinn serra les poings et foudroyait du regard Abigaïl. La pleine lune était souvent signe d'apparition étrange et beaucoup de cas d'agression étaient recensés. La blonde ne prenait pas cela à la légère, car depuis toute petite, on lui enseignait de se méfier de la pleine lune.

Ce qui amusait grandement l'autre adolescente, qui, sans vergogne, se moquait d'elle.

- Aslinn est une trouillarde ! Elle croit encore aux fantômes ! Bouuhh ! Je suis un fantôme ! Imita gauchement Abigaïl.

Luc soupira tout en secouant la tête. Cette scène était lamentable et totalement ridicule. Avec Romane, il échangea un regard entendu et la plus jeune quitta la pièce sans un mot.

- Je n'ai pas peur !

- Ah ouais ? Provoqua Abigaïl.

- Ouais ! Et je vais te le prouver !

- Aha ! J'attends de voir ! Voyons comment la petite Aslinn se défend contre les méchants fantômes ! Tu vas rester dehors toute la nuit !

- Ca suffit, les filles ! Tempéra Luc, en haussant la voix.

Aslinn se reprit, sursautant légèrement. Elle baissa la tête, tandis qu'Abigaïl le regardait hautainement. Elle savait pertinemment que la petite Aslinn serait incapable de relever le défi.

Ce fut la tête haute qu'Abigaïl quitta le cabanon, laissant ses deux cousins seuls. Luc put voir la détresse se peindre sur le visage de la blonde, mais le brun, plein de compassion, la prise contre son coeur et la serra dans ses bras. De prime abord étonnée, Aslinn fixait le mur les yeux ronds.

- Ne t'en fais pas Aslinn. Rien ne va t'arriver. Abigaïl a raison sur un point : les fantômes et autres bestioles du même genre, ca n'existe pas, et si cela exite, il ne te feront pas de mal.

- Alors garde la tête haute, le sourire aux lèvres et brave tes peurs.

- Merci Luc. Tu as un véritable ami.

- Plus qu'un ami, Alsinn : ta famille.

Puis d'un geste de la main, il la salua avant de rejoindre Romane qui attendait sur le pas de porte. La nuit était bien ancrée, confortablement installée. Ce fut, frileuse, qu'Aslinn mit le pied dehors, bien décidée à affronter ses peurs et a montrer sa valeur.

Et pour se faire, elle commença par une baignade nocturne. Elle défit rapidement sa robe et se glissa dans l'eau. C'était certes l'été, mais l'eau était froide, tant qu'n frisson remonta le long de l'échine de la jeune fille qui, tout en prenant son temps, pénètra dans les eaux assombries par la nuit. le ciel était clair, sans un nuage, seules les étoiles venaient tâcher cette toile immaculée. Aslinn, brassant de ses bras l'eau, se détendit. Aucun son, aucun bruit, juste le chant de la mer : les vagues se balançant tranquillement, au grès du vent et de l'humeur de la lune.

Cette lune si mystique qui était à l'origine de son défi. Si on lui avait dit, ce matin, qu'elle sera dehors, minuit passée, elle n'y croirait nullement. Elle pensa un instant à sa famille, qui étrangement, ne se souciait guère de son absence.

- Non... Au contraire, cela n'a rien d'étonnant... Soupira l'adolescente.

Ses parents étaient tellement occupés qu'ils n'avaient pas dû s'apercevoir de son absence. L'un croyant l'autre au courant, ou ils devaient s'imaginer qu'elle irait dormir chez Abigaïl. Un autre soupire s'échapa de sa bouche, avant qu'elle ne plonge la tête dans l'eau. Elle aimait sa famille, aucun doute là-dessus, mais elle se sentait parfois si exclue, à la maison comme à l'école. Qu'avait-elle de si étrange pour ne pas arriver à trouver sa place nulle part ?

- Je ne souhaite qu'une chose.. Vivre paisiblement auprès des miens... Est-ce trop demandé ? Geignait-elle en regardant la lune du haut du tombant d'un des parcs du centre-ville.

Elle avait nagé pendant plus d'une heure, et avait changé d'endroit, trouvant la plage un peu déprimante. Elle avait erré longuement, jusqu'à aller se faire mal au pied à force de marcher. Elle regretta d'avoir mis des talons. Elle payait le fait d'avoir voulu être coquette, mais qui se souciait de son apparence ?

Elle n'était qu'Aslinn, une pauvre fille en mal d'amour et de confiance. Elle n'était pas l'exubérante Abigaïl, la discrète Romane ou encore l'orgeuilleuse Aurélianne. Elle se détestait pour ainsi haïr sa propre soeur. Mais il fallait bien reconnaître que cette enfant était une véritable peste à toujours vouloir avoir raison et être le centre de l'attention. Mais n'était-elle pas elle aussi, un peu, égoïste à vouloir l'attention de ses parents et des autres ?

Elle s'en rendait compte, mais elle ne pouvait faire autrement. Cela la désespérait, la rendait malade d'être ainsi. Elle ne s'aimait pas, comme depuis toujours. Elle avait beau se farder, elle ne changeait pas. Elle restait la pauvre petite Aslinn, Aslinn l'oubliée.

Elle soupira, voilà des heures qu'elle était là, et rien ne s'était produit. Elle devait reconnaître que sa cousine avait raison : les fantômes, les zombies, les vampires... Toutes ses créatures effrayantes que les adultes s'amusaient à citer pour effrayer les enfants n'existaients pas. Elle se trouvait bien stupide, là, assise sur la balaçoire, à attendre que rien ne se passe.

Elle ne put s'empêcher de rire. Son rire grandissait, se déployant dans tout le parc.

- Quelle conne !!

Mais alors qu'elle riait, Aslinn ne faisait guère attention à ce qu'il l'entourait. Après tout, pourquoi se méfierait-elle ? Elle était seule dans les rues de la ville depuis des heures, pas même un chat ou un chien pour venir lui tenir compagnie. Elle arrêta de rire et soupira. Il était l'heure de rentrer.

- De toute manière, si Papa et Maman s'étaient aperçus de mon absence, ils m'auraient déjà appelé...

Cela lui coutait de l'admettre. Cela pesait bien plus sur son coeur en mal d'amour. Ce fut le corps lourd qu'elle se leva de son siège.

Or, elle se retrouva nez à nez avec un inconnu. Elle sursauta légèrement en l'apercevant. Il était là, tout simplement, statique, derrière elle. Elle fronça les sourcils et le scruta.

- Tout va bien, Monsieur ?

Mais cela semblait être tout le contraire. Ses bras ballaient dans le vide, son regard ne refletait rien et sa bouche bavait. Il était étrange, voire effrayant, mais la petite Aslinn se prit à sourire.

- Sérieusement ? Ne put s'empêcher d'hurler la blonde. C'est une blague !? Abigaïl sors de ton trou ! Je marche pas !

Mais l'inconnu ne broncha pas, ne bougea pas.

Elle toucha du bout des doigts le visage de l'homme qui s'agita ridiculement. Aslinn recula cependant d'un pas, surprise par ce sursaut de vie. Il geignait, respirait fort et bavait de plus en plus.

- Trop bien fait votre maquillage ! Vous faites une zombie party ? Où sont vos amis ? Ca doit être trop fun ce genre d'évènement ! La prochaine fois faites de la pub ! J'viendrais à coup sur !

Aslinn pensait qu'il y avait un regroupement de fanatique de zombie dans le parc, et cela l'enchantait tout comme cela la désapointer. Elle perdit son sourire. Il était réellement l'heure de rentrer et ce n'était pas cet évènement qui allait la faire changer d'avis.

Elle salua d'un geste de la main l'inconnu qui la regarda partir d'un oeil torve.

- Salut ! A la renvoyure, Monsieur le Zombie ! N'oubliez pas : la pub, c'est important ! Bye !!!

Elle était toute heureuse, sautillant sur le chemin de retour, laissant derrière elle un véritable zombie, qui totalement perdu la regarda partir.

C'était le petit matin lorsqu'elle rentra à la maison, les pieds en sang et les jambes en coton. Mais malgré cela, et son état de fatigue élevée, elle était satisfaite de sa nuit. Même si elle eut peur tout le long, elle avait bravé sa peur, et n'était pas tombée dans le piège de sa cousine dans le parc. Elle pourra aller à l'école, lundi, la tête haute. Mais pour l'instant, elle n'avait qu'une idée en tête : dormir.

Quelques heures plus tard, alors que toute la maisonnée avait pris vie, les jumeaux jouaient dans la cour. La balançoire grinçait sous les mouvements de Cyprien, gentimment poussé par sa soeur. Aurélianne était dans un bon jour et souriait avec bonheur. Le petit en avait alors profité pour lui demander de jouer avec lui, chose qu'elle accepta facilement.

- Plus haut !! Hurlait avec plaisir le petit garçon.

Anaïs avait surprit les cris de plaisir de ses enfants et décida de les rejoindre. Arrivant à leur hauteur, elle les interpella.

- Alors mes grands, on s'amuse ?

- Oui !

- Ca va, Maman. Mais j'aimerais bien jouer moi aussi.

- C'est mon tour ! S'écriait Cyprien.

- Du calme ! Tempéra rapidement Anaïs.

Anaïs s'installa à son tour sur le siège adjacent et observa avec bonheur ses enfants jouer ensemble. Elle repensait à cette nuit terrible qu'elle venait de passer, en compagnie de son époux. Ils avaient découvert que leur aînée n'était pas rentrée de sa sortie avec sa cousine. Croyant au départ qu'elle passerait la nuit chez Abigaïl, ils ne dirent rien. Mais minuit passée, l'inquiétude était énorme. Alors elle appela son frère, qui lui assura qu'Abigaïl était rentrée seule, des heures plus tôt.

Alors on réveilla Abigaïl, qui contrariée, ne mit pas longtemps à raconter la vérité à sa tante. Aslinn avait relevé un défi idiot et avait passé la nuit à l'extérieur. Anaïs avait tourné en rond dans sa chambre, comme un fauve en cage, tandis qu'Eloi tentait de la calmer. Pour une fois, les rôles étaient inversés. Lui était le diplomate, elle le soldat.

"- Chérie, laisse la vivre un peu sa vie.

- Mais tu te rends compte qu'elle est dehors, toute seule ?!

- Oui, mais Aslinn n'est plus une enfant, elle doit grandir, se forger d'elle même."

Alors Anaïs n'avait pas fermé l'oeil de la nuit et avait rongé son frein quant à aller chercher sa fille dans toutes les rues de la ville. Mais Aslinn était une adolescente responsable, et cela, elle ne pouvait le nier. Sa petite fille était rentrée saine et sauve, exténuée.

Si Anaïs pouvait sourire aujourd'hui, c'était grâce à la présence d'Eloi et de son calme. Ainsi que ses enfants adorables qui remplissaient chacune de ses journées de rires et de joie.

Anaïs se sentait pousser des ailes, tandis que son époux la poussait sur la balançoire. Comme une enfant, elle hurlait et riait de plaisir, décuplant la joie des ses enfants. Pour rien au monde, elle ne changerait sa famille, même sa vie. Ses choix ne furent pas tout le temps les meilleurs, mais si elle en était là aujourd'hui, c'était bien grâce à l'ensemble. Bon comme mauvais, un souvenir était chérissable.

Le week-end se termina rapidement. Aslinn ne manqua pas son sermon et fut privée de sortie pendant une semaine entière. Un soir, Anaïs amena un gâteau sur la table, en chantonnant. Les jours étaient paisibles et l'un de ses enfants allait franchir un nouveau pas dans la vie. Heureuse, elle alluma les bougies puis apella le reste de la famille.

Adam grandissait aujourd'hui. Son apprentissage était terminée, il savait parler, marcher et était propre. Mais le petit était obnubilé par la flamme vascillante qui ornait son gâteau. Eloi le rappela gentiment à l'ordre et soufflèrent de concert ces flammes symboliques, sous les chants de sa famille.

La magie opéra : une pointe de croissance, une poussée d'hormone, un soupçon d'intelligence, une extension musculaire et une grande pincée d'imaginaire. Voilà Adam devint un petit garçon !

Episode 21

Le soleil était enfin au rendez-vous. Il pleuvait depuis des jours, abreuvant les arbres et les fleurs sortie depuis quelques mois de leur sommeil annuel. Pour un été, celui-ci était pluvieux, révoltant la plupart des habitants de Meadow Glenn.

Mais cela n'empêchait pas à Anaïs de remplir ses tâches quotidienne. Faire les lits n'étaient pas difficile mais être penchée comme ça devenait de plus en plus épuisant.

La blonde n'était plus toute jeune et son dos, lorsqu'elle se releva, craqua. Elle grimaça et se massa les reins. Elle avait de plus en plus de mal à se mouvoir. Mais elle n'était pas des plus à plaindre. Après tout, elle était mère au foyer, son époux rapportait assez d'argent pour faire vivre leur grande famille, et ses enfants étaient en pleine santé.

Les jumelles étaient encore bien jeunes, mais elles grandissaient à vu d'œil. Chaque jour, elles s'éveillaient de plus en plus à la vie, enchantant le coeur de leurs parents. Eloi était totalement gaga de ses petites dernières, même Aurélianne passait après.

Or cette dernière ne l'entendait pas de cette oreille, et faisait tout pour mettre son père en colère. C'était bêtise sur bêtise. Cela usait l'homme, qui, sans le vouloir, reportait toute son affection sur les dernières nées.

Aslinn découvrait avec souffrance les nouvelles difficultés qu'amenait l'adolescence : les devoirs étaient plus coriace. Elle n'avait jamais eu de réelles difficultés dans le passé et se retrouver ainsi, confronter à des impasses, cela l'enrageait. Cet après-midi, encore, elle luttait pour ne pas tout envoyer paitre.

- Aslinn, si tu coinces, va prendre l'air et reviens dessus plus tard. Ce n'est pas pour demain ?

- Non... Mais j'aime terminer ce que j'ai commencé.

- Maman ! C'est moi que tu aides ! S'écria Adam en pointant son carnet de son crayon.

- Oui, pardon mon chou. Quel est le problème ?

Adam soupira, car c'était déjà la troisième fois qu'il expliquait le problème à sa mère. Anaïs ne semblait pas du tout attentive, et le petit garçon en avait assez.

- Maman ! J'ai pas envie de passer toute ma soirée dessus ! Tu peux te concentrer, s'il te plait ?!

Anaïs resta coite devant l'exaspération de son fils mais ne dit rien et se ressaisit.

- Pardon, je suis un peu fatiguée.

- C'est pas grave, Maman, mais s'il te plait, aide-moi ! J'ai pas envie d'avoir une mauvaise note !

Adam était un enfant sérieux mais pas dans les meilleurs. Il maintenait sa moyenne, tendant vers le très bien, mais Anaïs était fière de son fils car il était toujours sérieux en classe et s'appliquait à comprendre ce qui le bloquait.

Dans la même semaine, c'était à nouveau l'heure de souffler les bougies, et c'était au tour des jumeaux de passer le cap de l'enfance. Aurélianne était excitée, elle était ainsi depuis plusieurs jours déjà, entamant la bonne humeur du reste de la maisonnée.

Aslinn n'en pouvait plus. Elle était presque heureuse de voir sa sœur la rejoindre dans l'adolescence, afin de ne plus l'entendre parler qu'à la première personne du singulier et d'elle même à longueur de journée. Aurélianne devenait de plus en plus narcissique et imbuvable.

Mais l'heure n'était pas à la rancune et la mauvaise humeur. Après tout, c'était un anniversaire, elle avait le droit d'être heureuse. Aslinn lui souhaita tout le bonheur du monde, bien que sous ses vœux bienveillants se trouvait une part de malveillance : Aurélianne allait certes grandir mais elle allait goûter "aux joies" de ce nouvel âge, ainsi que ses nouvelles responsabilités.

La princesse grandit, laissant ses couettes de côté, préférant un style plus négligé mais féminin à la fois. Elle s'examina et se trouva magnifique.

- Hahaa ! Bienvenue chez les grands Aurélianne. Tu vas souffrir. Murmurait Aslinn.

Aurélianne, choquée, se retourna vers son aînée et l'interrogea du regard. Mais la blonde ne répondit rien, préférant arborer un sourire. Cela irrita Aurélianne qui commença à s'énerver.

Mais un rappel à l'ordre de son père et du chant si caractéristique de cet évènement lui chatouillant les oreilles, elle ravala sa rage et porta son attention sur son jumeaux, qui jusqu'à la n'avait dit mot. Il formula son vœux, souffla fort ses bougies et prit son envol, à son tour.

L'aîné des garçon s'appropriait de plus en plus des traits de son père. Les mêmes yeux, ce regard un peu tombant et sa mâchoire carrée. Cyprien était devenu un parfait jeune homme charmant.

Ce même soir, les jumelles suivirent leurs aînées et passèrent à l'âge suivant. Alix était aussi blonde que sa mère et avait hérité de ses yeux bleus si perçant.

Tandis qu'Apolline était son contraire le plus totale : les cheveux bleu-vert (hérité de son ancêtre Wyatt) et les yeux de son père.

La vie suivait son cour. La famille ne pouvait aller à son encontre, aucune famille ne le pouvait. La vie était une notion temporelle, rythmée par le levé et le couché du soleil.

- Et maintenant, tu dors. D'accord ?

Apolline hocha la tête, en signe d'assentiment. Pourtant elle avait donné cette même réponse, bien des heures avant, lorsque sa mère tenta pour la troisième fois de la coucher. Mais la petite préféra pleurer, usant les nerfs de sa mère. Anaïs n'avait pas dormi de la nuit et Apolline ne semblait pas encline à dormir.

Après lui avoir baisé le front et chantonné une berceuse, la bambine sombra enfin dans les bras de Morphée. Anaïs se permit un soupir avant de voir les signes d'un réveil éminent chez Alix. La blonde secoua la tête. Elle allait être privée de sa nuit, encore une fois.

Alors qu'Eloi venait de partir travailler, Aslinn s'occupait de gérer ses autres frères et sœurs, laissant les plus jeunes à sa mère.

- Adam ! N'oublie pas de te brosser les dents ! Cria t'elle au plus jeune alors qu'il s'engouffrait dans la salle de bain. Cyprien, tu débarrassera ton petit-déj', d'accord ?

- Comme d'hab ! Répondit son frère avec flegme.

- Tu parles ! Hier, c'est encore moi qui ai du le faire ! Se plaignit Aurélianne, alors qu'elle regardait la télévision.

Aslinn soupira. Aurélianne était toujours prompte à ramener chacun des sujets à sa propre personne. Avec Cyprien, la blonde échangea un regard, et tout deux haussèrent les épaules, lassés. Refermant le robinet, Aslinn s'essuya les mains et vit Adam ressortir de sa chambre. Mains sur les hanches, elle l'interrogea du regard.

- Mes dents sont propres !

Il souriait, afin de prouver ses dires, ce qui fit rire Aslinn, qui d'un geste affectueux replaça une mèche folle de sa chevelure bleu-verte.

Le bus scolaire arriva rapidement, bien trop aux yeux d'Adam qui s'amusait comme un petit fou sur le canapé à jouer à la course. Aslinn jouait avec lui tandis qu'Aurélianne pestait contre le bruit persistant de son frère et sa sœur, l'empêchant de regarder sa série préférée.

Pendant ce temps, Cyprien terminait ses dernières ablutions dans la salle de bain. Il n'était pas des plus coquet, mais il appréciait passer du temps à se coiffer. Selon lui -et surtout sa jumelle- il était important de bien présenter, car, malgré tout ce que l'on pouvait dire, la première chose que l'on voyait chez l'autre, ce n'était pas son cœur, mais son corps.

Plus tard, dans la journée, Anaïs s'occupait des petites. C'était l'heure de la sieste pour Apolline, laissant le champ libre à sa jumelle Alix. Anaïs avait réussi à instaurer entre les deux bambines une espèce de roulement, de sieste à tour de rôle. Cela lui laissait la possibilité d'être à 100% disponible pour chacune. L'apprentissage était plus simple et productif. Mais ces fillettes n'étaient pas comme leurs aînés. Elles aimaient faire plaisir à leur mère et se pliaient à chaque exercice qu'Anaïs demandait.

Anaïs commençait à savoir manier ses enfants, car à chaque effort produit, une récompense les attendait. Aujourd'hui, come il faisait beau, la mère avait promit un tour d'abeille à sa fille. La fillette ne cessait de réclamer après, ayant vu Adam jouer avec un bon nombre de fois.

- Surtout, tu te tiens bien, d'accord ?

- 'Accord. Répondit Alix, se cramponnant aux antennes de l'abeille.

Anaïs appuya sur le bouton et la machine se mit en route. Le jouet était automatisé et se balançait de droite à gauche, et d'avant en arrière. Alix se tenait toujours fermement, mais là où Anaïs attendait des hurlements de joie, elle ne trouva que crispation.

- Tu as peur mon chat ?

La petite secoua la tête de droite à gauche, mais sa mère devina qu'elle était effrayée. Alors elle se résigna et arrêta la machine. La petite se décontracta et regarda en coin sa mère, un petit sourire aux lèvres.

- Ce n'est pas grave, ma chérie.

- Alix bébé...

La petite voix de la fillette fit fondre le cœur de la mère qui la serra contre elle avec amour. Bien sur qu'elle était encore qu'un bébé, et elle sera toujours son bébé. Mais elle ne pouvait pas dire cela à sa fille.

- Alix, tu as le droit d'avoir peur.

La petite scruta le visage de sa mère, cherchant à comprendre ce qu'elle venait de lui dire. Mais l'incompréhension resta longtemps gravé sur son visage.

- Ce n'est pas grave, mon chat... Tu veux faire autre chose ?

La petite prit le temps de réfléchir, mettant son doigt sur ses lèvres, comme si elle y pensait sérieusement. Ce geste arracha un rire franc à Anaïs.

- Mais où tu as appris ça ?!

- 'Yen !!

"Yen" n'était autre que Cyprien. Cela fit redoubler le rire de la blonde qui déposa sa fille au sol.

- Ton frère est bête.

- Yen bête ! répétai avec conviction la petite, tandis qu'Anaïs s'éloignait.

- Et Papa, il est quoi ?

- Papa beau !

- Oui, Papa est beau. Et Maman ?

La petite s'arrêta dans son mouvement, et fixa sa mère. D'une extension de bras, elle toucha le visage de sa mère, avec maladresse, et offrit un immense sourire à sa mère avant de plonger dans ses bras, tout en fourrant son nez dans le cou d'Anaïs.

- 'Lix aime Mama !!

- Oh mon chat !

- Mama aime 'Lix ?

- Bien sur que Maman t'aime, mon chat !

Et Anaïs souleva sa petite bambine afin de jouer avec elle. Elle n'aurait pu rêver d'une plus belle famille. Chacun de ses enfants avaient son propre caractère, et créaient ainsi une immense famille aimante. Bien sur, il y avait des hauts et des bas. Comme chaque famille, chaque enfant apporté son lot de bonheur et d'inquiétude, alors parfois, les punitions tombaient.

- C'est franchement pas cool de la part d'Abi' de t'avoir dénoncé...

La fin des cours pour les lycéens avaient depuis longtemps retentie, mais Aslinn s'occupait du petit club de journalisme de l'école, en compagnie de sa cousine Romane. Elles rentraient donc plus tard, et profitaient du voyage de retour pour parler de chose et d'autre.

- C'est comme ça... Dans un sens, je la comprend. Avoir ma mère, mon père et Oncle Taliesin sur le dos, ça doit être lourd.

- Quand même, c'est de sa faute si tu es restée toute la nuit dehors. Insista la plus jeune.

- Pour un pari, il faut deux parties, Romane.

- Mouais... Mais tu me permets de douter ? Abigaïl reste assez gamine, même si elle est plus vieille que nous.

Aslinn ne pouvait lui donner tort. Leur cousine était leur aînée mais agissait la plupart du temps comme une enfant gâtée. D'une certaine façon, elle retrouvait un peu d'Aurélianne en Abigaïl, même si elle n'était pas aussi méchante. Abigaïl pensait simplement à s'amuser.

Elles arrivèrent chez Romane rapidement. Elles saluèrent le chauffeur en descendant, puis reprirent leur conversation.

- Je suis sûre que Théo te fixait pendant toute la réunion.

- Mais qu'est-ce que tu vas encore t'imaginer... Soupirait Aslinn.

- Arrête un peu de te voiler la face, Aslinn. On sait tous ce que tu ressens pour.

- Je ne vois pas de quoi tu parles...Tenta Aslinn.

- C'est ça, continues à faire l'autruche, Aslinn, et tu te le feras piquer.

Romane dépassa la blonde, qui soupira. Sa cousine avait raison, elle en pinçait pour ce garçon mais il n'était pas pour elle. Elle croisa les bras et observa l'horizon, ses yeux bleus rivés vers le bâtiment scolaire. Théophile -Théo de son petit nom- était le petit nouveau du club du journal. Il avait fait une entrée assez remarquée, quelques semaines plus tôt. Cela fit rire Aslinn en se remémorant cet évènement.

- La terre appelle Aslinn ! Aslinn à la terre ! Ouhhouuu !!

Aslinn sursauta en entendant sa cousine. Elle porta alors son regard sur elle, et vit que cette dernière lui souriait avec espièglerie. Si Abigaïl était une éternelle enfant en quête de rébellion, Romane était un modèle de maturité et de taquinerie, malgré sa timidité.

- Encore à rêver de ton prince charmant ?

- Mais arrête tes bêtises !

- Ecoute Aslinn, moi ce que j'en dis, c'est pour toi. J'ai pas envie de te ramasser à la petite cuillère lorsqu'il se sera dégoté une petite amie.

- Merci de ta sollicitude, Romane. Mais qui te dit que j'ai envie d'être en couple ?

- Arrête ! Se moqua t'elle. Ca se voit en plus milieu de ta figure. Tu en pinces pour lui.

Aslinn soupira à nouveau et rendit les armes. Elle ne pouvait lutter contre ses sentiments - et encore moins devant l'entêtement de sa cousine. Elle en pinçait pour le beau nouveau.

- Admettons...

- Aha !!! Fit triomphale la plus jeune.

- J'ai dit "admettons" ! Admettons que je sois attirée par Théophile... Il est plus jeune que moi.

- Et ? Rétorqua Romane. Tu te cherches encore des excuses là, Aslinn. T'as un bon exemple de couple avec une bonne différence d'âge sous le coude et tu te caches derrière ça ?! Tes parents sont très heureux, malgré ça !

Oui... Mais ce sont ses parents. Et la différence était là. Elle pouvait envisager -enfin elle n'avait pas le choix que d'accepter- que ses parents s'aimaient malgré la différence d'âge, mais elle n'arrivait à concevoir un amour, son amour, ainsi.

- Tu as raison... C'est pas une excuse. Mais quand même... Il a l'âge de Cyprien et Aurélianne, c'est assez perturbant.

- Bon je viens bien comprendre ça. Mais franchement, tu devrais rapidement agir avant de te le faire piquer sous le nez.

- Ah bon ? Demanda timidement la blonde.

- Il en a pas l'air comme ça, mais il a du succès auprès d'un certain nombre de fille, au lycée.

Le visage d'Aslinn devint blême, chose qui fit rire aux éclats Romane qui d'un geste de la main l'invita à entrer. Elle aimait taquiner Aslinn, à cause de sa candeur, mais elle n'avait pas réellement menti : Théophile était un garçon charmant et drôle qui avait charmé bon nombre de ses camarades de classe. Si Aslinn souhaitait agir, elle devra le faire rapidement et avec prudence.

- Ca suffit !! Tu es punies !

- QUOI ?! Encore ?!!!

Des voix s'élevèrent furieusement de la maison de chez les Vauganne. Encore une fois, ce concert était orchestré par les mêmes musiciens. C'était devenu presque quotidien.

- Bien sur ! Et ça sera comme ça jusqu'à ce que tu comprennes.

Aurélianne gonfla une de ses joues, de colère. Elle avait secrètement espéré que son intervention dans la libération des grenouilles dans les couloirs de l'école ne serait jamais révélée, mais elle avait, encore une fois, misé sur le mauvais cheval. Son complice l'avait balancé. Elle baissa le regard, tout en se mordant l'intérieur de la joue.

- Mais Papa ! Je n'ai rien fait de mal ! Ces grenouilles allaient être disséquées ! Je les ai sauvé ! On devrait plutôt me remercier.

L'heure était à la plaidoirie, désormais. Les négociations avec son père étaient terminées depuis sa dernière aventure. Elle avait réussi à se faufiler dans le bureau du directeur et avait glissé un coussin péteur sous le cousin de son siège. Or le directeur découvrit son geste, la main dans le sac, car il était revenu plus tôt de sa pause de midi. Résultat : Quatre heures de colle et privée de sortie pendant une semaine à la maison.

- Tu sais autant que moi que, même pour une bonne cause, désobéir aux règles de l'école est récompensée d'une punition.

- Oui Papa... Dit-elle d'une petite voix, faussement pitoyable.

Elle avait appris à manier son père. Eloi était un homme qui se fâchait sur le moment, mais si elle le suppliait du regard et qu'elle restait sa petite fille chérie et obéissante, elle arrivait à ses fins. La voyant fixer le sol, comme une petite fille, Eloi soupira.

- Je ne peux rien faire contre la punition de l'école, Aurélianne. Tu vas devoir faire ta semaine de civisme auprès de ton directeur.

- Alors... Elle releva la tête, les yeux plein d'espoir.

- Oui...Ta punition à la maison est levée. Mais je veux que tu me fasse la promesse de ne plus recommencer et surtout de ne plus te faire remarquer.

- Oui ! Promis !!

Et elle avait encore gagné ! C'était si facile de berner la confiance de son père. 1817

- Papa ! Je t'adore ! T'es le meilleure ! Dit elle en se jetant dans ses bras.

Elle ne mentait pas. Elle adorait son père car il était toujours de son côté, malgré ses frasques et son caractère. Elle allait bien entendu tenir sa promesse, une semaine ou deux, puis cela recommencerait, encore. C'était plus fort qu'elle, il fallait qu'elle s'amuse. Rien n'était plus ennuyant que la vie de lycéen. Elle ne pouvait agir comme son frère ou sa sœur. Trop sage, trop gentil, trop studieux.

En parlant de son frère, Cyprien n'avait aucune activité aujourd'hui, et était rentré avec Adam. Les deux garçons étaient attablés et travaillés sur leurs exercices respectifs.

- S'il te plaît, Adam... Tu pourrais me laisser travailler ?

- Mais j'arrive pas à comprendre mon problème !

Cyprien soupira encore une fois, et prit le temps de regarder la consigne. Il fronça les sourcil et parcourut de nouveau les lignes. Quelque chose n'allait pas...

- Dis-moi Adam... Tu ne te serais pas trompé ?

- Trompé ?

Cyprien pointa du doigt un des mots de la consigne.

- Regarde bien...

- Si j'ajoute les trente billes de Billy à celle de Billy, combien ça fait de billes ?

Le petit Adam fronçait lui aussi les sourcils, relisant plus d'une fois la phrase. Cyprien pointa du doigt le deuxième Billy et le visage du garçon s'éclaira.

- Aaah je me suis trompé de prénom !!

- Et oui ! Comme quoi c'est important de bien écouter en classe.

Adam gonfla une de ses joues, boudant légèrement, tandis que son frère le taquinait sur son étourderie.

Une autre soirée, un autre tandem. Cyprien était en charge d'Apolline pendant que sa mère s'occupait d'Alix. Cela ne dérangeait pas l'adolescent de s'occuper de ses petites sœurs, car elles étaient bien plus calme et adorable que sa jumelle qui ne cessait de se disputer avec Aslinn.

- Et surtout, on y va doucement avec le dada. Ok ?

- Comme 'a, 'Yp'ien ?

La petite tanguait d'avant en arrière, balançant avec exagération son petit corps potelé, un grand sourire ourlait ses lèvres. Cyprien l'applaudit, riant de bon cœur. Apolline et Alix étaient des anges à côté d'Aurélianne qui ne cessait de se faire remarquer. A l'école, il n'en pouvait plus de sa jumelle car à cause d'elle, il était souvent pris pour un voyou et trouble-fête. Se faire des amis lui était par conséquent difficile.

Il prit alors sa petite soeur dans ses bras et mit leurs yeux à la même hauteur. De la même couleur, ils se sondaient. L'un était un peu triste, l'autre curieux. La petite tendit sa main et tira sur l'une des mèches de cheveux brun de son frère.

- Pas même ! Y'ien pas même zeveu !!

- Arrête de tirer ! Apolline ! Tu me fais mal ! Se plaignit l'adolescent.

Mais la petite n'arrêta pas. Au contraire, elle insistait. Elle était intriguée par la couleur sombre de son frère. Elle n'avait pas la même, c'était étrange et drôle en même temps.

- Vengeance !!

- Hiii !!! N'arrête Y'ien !! Hurlait avec délice la plus petite, tandis que son frère la soulevait vers le ciel.

Les rires fusèrent dans la cour arrière. Oui, heureusement qu'il avait sa famille pour lui faire oublier les soucis de l'adolescence et les bêtises d'Aurélianne.

Le samedi arriva rapidement. Entre l'école, les devoirs et les corvées, les enfants ne voyaient pas leurs journées défiler. Ainsi, surpris par ce soudain jour de congé, ils décidèrent de se détendre dans le parc du centre-ville. Aslinn invita alors Adam, Aurélianne et Cyprien mais Aurélianne déclina l'offre, car, citons-la : "C'est trop naze les sorties en famille"

- C'est la dernière fois que je lui propose quelque chose !

Aslinn était énervée. Aurélianne était sa petite sœur, et par conséquent, elle n'arrivait pas à la détester complétement. Comme si un faible espoir de voir une once de gentillesse en elle germait au fond du cœur de la blonde.

- Le prend pas mal, Aslinn. Tenta d'apaiser Cyprien.

- Et pourquoi ca serait toujours à moi de faire des efforts ?! Je commence sérieusement à en avoir marre de son comportement à deux balles !

- Aurélianne est pas méchante...

- Je commence à en douter.

Aslinn venait de louper son tir, ce qui redoubla sa colère. Elle râla tout en tapant du pied.

- Franchement, Cyprien, comment tu fais pour la supporter ? Demanda sincèrement la blonde.

- Je sais pas... On a partagé le même ventre, faut croire que je suis immunisé à sa bêtise.

Cela fit pouffer Aslinn qui se reprit immédiatement. Cyprien était l'opposition totale d'Aurélianne. Elle connaissait les problèmes que sa sœur créait à son frère. Elle en était malade, mais elle ne pouvait rien faire, si ce n'était lui remonter le moral. C'était d'ailleurs une des raisons de leur sortie du jour.

- Plus sérieusement.

- Sincèrement, je ne sais pas Aslinn. Je connais Aurélianne, j'ai jamais eu réellement besoin d'apprendre à la connaitre, pas comme toi, pas comme nos parents. Elle est, tout simplement. Comme tu es... je peux pas expliquer.

Aslinn fixa son frère ramasser le fer dans le sable. Il semblait las et à la fois résigné à son sort. Aurélianne serait toujours Aurélianne, comme lui serait toujours Cyprien. Elle croisa les bras et soupira. Il était pourtant possible de changer. Elle l'avait bien fait pendant son enfance.

- Aslinn ?

Une vois derrière eux les stoppa dans leur discussion, la blonde regarda derrière elle et découvrit le propriétaire de la voix.

- Théophile ?

- Ah c'est bien toi ! Dit le jeune garçon en la rejoignant. J'ai eu peur, un instant, de confondre.

- Euh je...

- Je dérange peut être ?

- Non, non ! Pas du tout ! Pas vrai, Cyprien !?

Le brun fit signe que non, bien ce que fut le contraire. Il avait une conversation importante avec son aînée et lui arrivait comme un cheveux sur la soupe. Mais le brun garda sa rancœur et reprit son jeu. Le visage de sa sœur était cramoisie et son sourire totalement stupide. Il fallait être aveugle pour ne pas comprendre.

- Il a pas l'air si Ok que ça ton copain.

- Mais si ! Ne t'en fais pas ! Et euh... C'est mon frère. Dit-elle, confuse.

- Oh...

Un long silence s'installa entre les deux adolescents, seul le bruit du fer à cheval lancé par Cyprien retentit alors qu'il frôlait la tige fichée dans le sable. Aslinn regardait ses pieds, tandis que Théohile se mordait les lèvres. Ils avaient l'air bien fin, à agir ainsi tout les deux.

- Qu'est-ce que tu fais ici... ?

Ce fut Aslinn qui brisa le silence. Ils ne s'étaient jamais retrouvés seul. Le club était leur seule lieu de rencontre et excuse pour se croiser. Cela faisait battre le cœur de la demoiselle à vive allure. Elle adorait son visage et sa voix, tout en lui l'affolait.

- J'étais sorti faire une course. J'habite pas loin.

- Oh, ça doit être pratique pour les cours. Nous on doit traverser la rive.

- Je vois...

Et le silence retomba de nouveau. Aslinn se giflait mentalement pour son manque de conversation et la banalité de ses propos.

" Il doit me prendre pour une idiote !" se lamentait-elle.

- Bon... ben... je vais y aller, alors. Dit-il, tout en déviant son regard des yeux bleu d'Aslinn.

Elle se rendit alors compte qu'elle l'avait dévoré du regard. Le rouge sur les joues du garçon la fit rougir de plus belle, également. Derrière elle, elle put entendre son frère se racler la gorge et lui souffler un mot.

- Attends ! ... Ce soir, c'est le bal de l'école... Ca te dit de m'accompagner ?

Elle avait achevé sa question d'une petite voix. Ses doigts s'entortillaient entre eux et elle mouvait un de ses pieds sur le sol. L'adolescent sourit alors, soulagé et charmé par l'attitude de la blonde.

Il glissa sa main dans celle d'Aslinn et la força à le regarder ainsi. Yeux dans les yeux, il lui dit :

- D'accord... Mais je suis qu'en première année...

- Et ?

- Je vais ... Je ne sais pas si je suis le bienvenu...

Pour toute réponse, la blonde lui baisa tendrement la joue. Le rouge ne quittait les joues des deux adolescents, puis sans un mot, ils se quittèrent. Aslinn le regarda partir, les yeux pétris d'amour, devant le regard exaspéré de son frère.

Le soir venu, une limousine attendait devant la maison. Initialement prévue pour les trois adolescents de la maison, Aurélianne se retrouva seule à prendre la voiture. Elle baisa la joue de chacun de ses parents, laissant derrière elle un Eloi fébrile et une Anaïs à la fois amusée et émue. Elle aussi fut adolescente et avait profité de son bal, en compagnie de ses trois frères.

Voir une de ses filles porter une belle robe avec sa silhouette à mi-chemin entre le corps d'enfant et de femme, remua les tripes de la femme et de la mère qu'elle était désormais. Avec mélancolie elle regarda s'engouffrer sa fille dans la limousine, puis parcourut son appareil photo. Ils avaient pris une photo ensemble -Aurélianne, Eloi et elle. Elle aurait aimé avoir Aslinn et Cyprien également, mais ils étaient restés dans le parc et avait décidé de se changer chez Azilis qui habitait juste à côté de l'école.

Arrivée à destination, Aurélianne retrouva sa soeur dans sa robe jaunâtre. Elle la trouvait bien ridicule avec sa tenue assez enfantine. Elle était bien plus féminine qu'Aslinn.

- Salut ! Fit elle avec dédain. On tu as tenté de te faire belle ?

Mais Aslinn passa son chemin, ne jetant qu'une simple regard peiné sur sa sœur. Aurélianne eut un temps d'arrêt, et fixa le dos d'Aslinn qui s'engouffrait dans le hall.

- Tu te crois maligne, Aurélianne ?

Aurélianne trouva derrière elle Abigaïl. Cette dernière la fixait avec mépris et dépit.

- T'as pas de leçon à me donner, Abi. T'es mal placée pour ça.

- Peut être, mais moi je taquine ta sœur, contrairement à toi qui est odieuse.

Elle suivit sa cousine, dépassant à son tour Aurélianne qui avait un de ses sourcils qui tressautait, sous le coup de la colère.

- Être méchante ne fera pas de toi quelqu'un d'important, Aurélianne. Au contraire, tu vas rester seule et triste, si tu continues.

Puis Abigaïl referma la porte derrière elle, et sans un mot, glissa son bras dans le dos d'Aslinn, qui surprise sursauta avant de sourire difficilement devant la mine radieuse d'Abigaïl qui l'emmena à sa suite. Aurélianne resta un long moment sur le parvis, ne pouvant admettre la véracité des propos d'Abigaïl.