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Episode 11 - A deux, c'est bien aussi
Episode 11
Dans la matinée, Aveline avait contacté son frère et sa sœur afin d’organiser une petite cérémonie funéraire en l’honneur de leur père. Elle avait donc levé et lavé sa fille, puis nourrit partageant avec elle le repas, dans un grand silence. La petite babillait insouciante. Devant se préparer, elle préféra laisser sa fille dans la chaise à bascule.
Aveline savait qu’elle pouvait laissait Ambrine sans aucune inquiétude. D’une, la petite adorait cela. Ces mouvements de va et vient, rapide comme lent, l’amusait grandement. De deux, cela était très sécuritaire. Aveline la quitta alors, ses pas accompagnés par les rires de la bambine.
Elle pénétra alors dans sa chambre en soupirant. Il lui était assez difficile de rester figée dans un sourire bienveillant. Heureusement que la petite était encore innocente et que la notion de la mort était très étrange et quelque chose d’aussi banal qu’un câlin à sa peluche.
L’adulte se posta devant les portes de son armoire et les ouvrit. Elle n’avait pas grande conviction mais sa tenue actuelle était loin d’être de circonstance.
Elle prit un ensemble noir et assez classieux. Elle l’étendit devant elle sur le lit et l’observa en silence. Elle hésitait. Se vêtir tout de noir faisait trop cérémonieux, mais en même temps, c’était une marque de respect que de suivre une quelconque tradition. Elle soupira à nouveau et passa la tenue avant de refermer l'armoire.
La sonnette résonna dans toute la maison. Aveline n’était pas pressée d’accueillir ses invités. Mais en bonne hôtesse, elle alla les accueillir avec un sourire.
Si Aldrick avait fait un effort – en ressortant le costume de son mariage- Aveline soupira en retrouvant Iorhaël en tenue décontracté.
- Mazette Ior’ ! Se moqua Aldrick. Tu dois faire fureur dans les soirées mondaines avec de telles fringues.
- Et bien quoi ? Demanda sincèrement le roux.
- Iorhaël… tu aurais pu faire un effort.
- Je suis sûr que Wyatt aurait préféré quelque chose de moins pompeux que toutes ces simagrées traditionnelles. Libre à vous de les respecter mais je pense que respecter les morts par le cœur est plus important.
Iorhaël conclut la conversation ainsi, forcé par son fils qui réclamait son aide pour aller aux toilettes. Les deux frères et sœur restèrent silencieux en voyant disparaitre les deux énergumènes.
- Aveline… Si j’avais su… Je ne serais jamais partit. Avoua Aldrick, le regard triste.
- Aldrick…
- Ce doit être difficile pour toi. Seule avec la petite. Elle ne doit pas comprendre grand-chose. Non ?
Sans attendre, la brune plongea dans les bras de son frère et laisser quelques larmes couler. Elle s’était promis de ne pas pleurer, mais il était si difficile de ne pas éprouver de regret, de tristesse lorsque l’on père quelqu’un.
- Je vais en parler à Mathis, mais je suis sûr qu’il sera d’accord.
- Pour quoi ? Demanda la scientifique contre l’épaule de son frère.
- Pour revenir…
Elle se détacha de son étreinte mais n’osa guère affronter son regard. Qu’il revienne serait un bonheur mais elle savait qu’il devait rester loin d’elle, pour son propre bien-être.
- Tu n’as pas à revenir Aldrick…
- Mais tu ne peux pas assumer cette maison seule !
- Bien sûr que si !
- Revends là alors !
- Jamais ! Tu entends Aldrick !!! C’est la maison de nos parents. Ils l’ont construite pour nous. Je me dois de la garder…
Le blond se tût à son tour et regarda la pointe de ses pieds. Il avait oublié ce détail : cette maison, leurs parents l’avait faite spécialement pour eux. C’était leur héritage, et lui, l’avait quitté.
Un peu plus tard, les visites s’enchaînant, arriva la doyenne de la famille. Unique survivante de la cinquième génération : Othilie. Aveline n’arrivait toujours pas à comprendre le secret de cette longévité, sachant que ses premiers jumeaux étaient séniors également. Othilie avait eu la joie de connaître enfant, petits-enfants et arrière-petits-enfants.
- Tout va bien ma grande ?
- Oui, merci Othilie. Et toi ?
- Moi… je me sens bien, en parfaite santé, mais je me dis que je suis la suivante sur la liste.
- Mais pourquoi dis-tu ça ? L’espérance de vie a augmenté avec la médecine. Et puis tu es en parfaite santé, donc tu n’as pas à redouter la mort.
- Ma chérie, tu es gentille mais je ne me fais pas d’illusion. C’est dans l’ordre des choses. Même si il est étrange cet ordre, car j’ai vu mon petit frère et ma petite sœur partir avant moi.
Aveline ne savait quoi dire de plus. La vieille femme le remarqua et lui offrit un sourire ainsi qu’une étreinte furtive avant de repartir. Santé ou pas, elle se fatiguait rapidement.
Pour certain, deuil ou pas deuil, profiter de la voiture familiale avec passion était une activité tout à fait respectable.
Chacun avait sa façon de se consoler. Mathis et Aldrick, eux, se consoler en s’aimant.
Adélaïde arriva tard, la nuit étant déjà tombée. La blonde avait eu du mal à venir car sa présence serait comme une acceptation de la mort de son père. Elle vint quand même, et se dirigea sans un mot, sans une étreinte jusqu’au cimetière familial afin de pleurer.
Elle retrouva sa sœur, après avoir étanché sa tristesse.
- Aveline, viens habiter avec nous ! Insistait-elle.
- Non… Adé, vraiment… Je suis bien ici.
- Mais ça transpire de souvenir. Tu ne vois pas Papa ou encore Maman partout ici ?
- Si, bien sûr, comme je vous vois Iorhaël et toi, toujours aussi amoureux, ou Aldrick et ses crises de jalousie. C’est chez moi ici. Chez nous, même si vous êtes partis.
- Je ne te comprends pas, Aveline. Pourquoi restes-tu toujours seule. C’est pas une vie.
- J’aime la solitude, et puis je ne suis plus seule. J’ai Ambrine désormais, et c’est à mon tour de lui offrir une vie rêvée et de l’amour intarissable.
La blonde soupira. Elle savait qu’elle ne tirerait rien de plus de sa jumelle. La brune était têtue, et si rester, elle avait décidé, elle resterait.
Mais ce qu’Aveline oublia de préciser à sa sœur, ce fut qu’elle n’était pas seule, loin de là ! Leurs ancêtres foulaient la même terre qu’eux. Bien que mort, ils parvenaient à utiliser les ustensiles culinaires et à leur offrir de bon repas.
Kahei s’en était fait une vocation. Il n’avait jamais négligé les petits déjeuner mitonnés avec amour, et il en ferait profiter le plus possible son arrière-arrière-arrière-arrière-petite-fille. Il avait suivi sa vie et ses déboires et la belle avait besoin d’un peu de tendresse. Un bon plat de pain perdu légèrement doré et tout chaud ne pouvait que mettre du baume à son cœur déchiré.
Aveline ne se doutait jamais de ce qu’elle pourrait trouver en cuisine. Certes c’était devenu une espèce de routine, mais les plats variés inlassablement. Elle se doutait qui était l’auteur de cette bonne nourriture, mais elle préféra émettre des réserves. Après tout, elle était une scientifique, et elle devait conserver un esprit pragmatique et septique.
Aveline se rendit en ville afin de rendre visite à sa cousine Jane qui venait de mettre au monde son deuxième enfant. Le petit garçon se portait à merveille et la maman également.
Le petit Goulven pouvait se greffer à l’arbre généalogique sans aucune honte. Jane était une mère attentionnée, mais laissa avec joie sa cousine prendre la relève un moment. L’accouchement fut difficile et très long, bien qu’ils fussent tous deux en bonne santé.
Lorsqu’elle rentra chez elle, Aveline trouva sa fille en plein repas, aux côtés de la baby-sitter qui bataillait joyeusement avec la nourriture que la bambine s’amusait à recracher. Ambrine s’exclama joyeusement en apercevant sa mère dans la cuisine. Aveline l’embrassa avant de payer l’adolescente qui fila sans demander son reste, pestant contre l’enfant d’avoir salie son tout nouveau haut.
- Alors on fait des misères à sa nounou ?
- Pas bonbon.
- Oh, elle ne t’a pas donné de bonbon ?
- Na !
- Et elle a bien fait ! Les bonbons c’est trèèès mauvais. Surtout pour les bébés comme toi.
- Moi grande !
- Oui, tu es mon grand bébé !! La taquina Aveline.
- Nan ! Moi grande ! Insista la petite.
- Si tu es grande, qu’est-ce qu’elle est Maman ?
- Belle, Mama !
- Ma chérie… Fit Aveline attendrie. Allez viens, il est l’heure d’aller dormir.
Et Aveline prit la direction de la chambre de l’enfant, tandis qu’Ambrine rouspétait. Elle ne voulait pas aller dormir, bien qu’elle baillait facilement et se frottait les yeux.
Elle changea sa fille en lui chantant une petite chanson. C’était un air simple que son père avait l’habitude d’employer avec la petite. Ça avait le don de la calmer et l’apaiser. Aveline baisa le front de sa petite aux cheveux bleu et laissa la veilleuse allumée avant de quitter la pièce. Il ne fut à peine deux minutes pour qu’Ambrine s’écroule de fatigue.
En semaine, Aveline profitait de ses derniers jours de congé en s’occupant de sa fille lorsque son téléphone sonna. Elle répondit trop rapidement pour voir le numéro.
- Oui ?
- Aveline ?
La voix qu’elle entendit alors lui fit un choc. Elle était certaine de ne plus jamais l’entendre.
- Maxance ?
- Ah ! Tu me réponds enfin ! J’essaye de te joindre depuis une semaine. L’homme parlait de façon dégagée et naturelle.
- Qu’est-ce que tu me veux… Soupira la brune.
- Et bien quel enthousiasme… Ça fait plaisir.
- Il faut dire qu’on ne s’est pas quitté en très bon terme. Tu m’as traité de … fille facile !
- Je sais… Je suis désolée Aveline. J’étais en colère contre toi.
- J’ai pu le remarquer. Répliqua-t-elle de façon acerbe.
- S’il te plait, Aveline. N’en garde pas rancœur. Je t’appelle en ami.
- En ami ? Non je ne crois pas que ce soit possible.
- Ne sois pas comme ça. Notre fille a besoin d’un père, d’une figure masculine.
- Et tu crois que tu es le meilleur exemple ?
- Je suis son père ?!
- Tu n’es que le géniteur. Tu n’as rien d’un père, Maxance.
- Si tu m’en laissais la possibilité…
- Non… Vraiment… C’est mieux pour tout le monde.
Elle raccrocha sans laisser de temps à Maxance de répondre. Après tout, il avait déjà fait son choix lors de leur dernière rencontre. S’il ne voulait pas d’enfant, il n’aura jamais Ambrine.
Un autre enfant vivait et grandissait très bien. Elouan passait régulièrement chez sa tante, quel que soit la saison.
- Elouan ? Encore ? S’étonna Aveline en ouvrant la porte.
- Coucou Tata !
- Qu’est-ce que tu veux ? Tu es déjà passé hier…
- Oh allez Tata ! S’il te plaît ! Dit-il en brandissait son étrange panier en forme de citrouille.
La brune soupira. S’il n’y avait que lui, mais non, les autres enfants, et même les adolescents, du quartier venaient quémander des bonbons à longueur de temps. Cela inquiétait la mère car ils courraient au-devant d’une crise sérieuse de carries et d’obésité infantile.
Mais Aveline était faible devant son neveu et lui refusa aucunement une nouvelle poignée de bonbon. Heureux comme tout, il remercia sa tante et fila en direction de chez lui. C’était son trajet habituel. Il partait de chez lui, faisait quatre maisons et atterrissait ici. Elle était son fin de parcours. Et c’était mieux ainsi.
- Tu fais attention surtout ! Lui criait-elle alors qu’il s’éloignait.
Ambrine avait appris à parler correctement depuis le temps. Il fallait envisager à lui apprendre à marcher. Alors Aveline s’y attela avec foi. La petite n’était pas un génie, mais elle comprenait très bien les consignes de sa mère.
Elle voulut faire un test, en bonne scientifique qu’elle était. Elle lâcha les mains de sa fille et d’une caresse rassurante elle demanda à son enfant de la rejoindre, après avoir effectué quelque pas en arrière. Ambrine la fixa un moment, tiraillé entre l’envie de la rejoindre et de pleurer. Le sourire de sa mère l’encouragea et elle effectua deux malheureux pas branlant, mais seule.
- C’est bien ma chérie ! C’est bien ! Allez encore trois pas et tu seras avec Maman !
- Maman…
- N’aie pas peur. Je suis là. Tu es une grande fille non ?
Oh ! Les mots magiques. La petite s’enorgueillit et avança jusque sa mère. Son élan fut trop violent et elle tomba dans les bras de celle-ci qui riait aux éclats devant la maladresse de son fille.
- Tu as marché ma chérie ! Et toute seule !
- Moi grande !! Dit avec fierté Ambrine.
- Oh que oui ! Maman est fière de toi !
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