Episode 1

(Attention certaines images peuvent choquer les plus jeunes.

Ce signe est là pour vous avertir /!\ Il fera office de balise. )

" Si je devais résumer ma vie en un mot, ce mot serait : Impensable...

Nous venions de terminer nos années d'études, décrochant chacune notre diplôme. Alix était une très bonne cuisinière et sa voie était toute tracée. Elle avait même déniché un petit-ami. Quant à moi, hormis mon diplôme en Arts Visuels, je n'avais rien. Ma mère avait beau me dire que j'avais encore toute ma vie devant moi, je n'avais aucun but ni aucune ambition.

Alors sous la menace - ou plutôt l'insistance- d'Alix, nous nous décidâmes à partir en vacances, afin de fêter notre diplôme, qu'elle disait. Mais je n'étais pas dupe..."

Isla Paradisio ~ Eté 2015 ~

C'était une merveilleuse île où le soleil était chaque jour au rendez-vous. Je n'étais pas de celle à dénigrer le soleil et ses bienfaits. J'en abusais même dans ma propre cour, en compagnie de mes sœurs. Mais cette chaleur était différente de Meadow Glen. Isla Paradisio était -comme son nom l'indiquait- une île paradisiaque qui regorgeait d'exotisme et de merveilles qui m'étonnaient à chaque instant.

Mais le but premier d'Alix n'était pas le tourisme. Non, Isla Paradisio était la ville natale de son amoureux : Raynald Ellison.

Raynald était un gentil garçon tout à fait charmant et généreux. Ils se ressemblaient, lui et Alix. le cœur sur la main, où tout-le-monde-il-est-beau, tout-le-monde-il-est-gentil. Je ne reprochais en aucun cas leur amour -trop dégoulinant pour moi- mais je ne me voyais pas tenir la chandelle aux tourtereaux.

Nous logions dans une maison en bord de mer, héritage de la famille de Raynald. J'avais l'impression d'être de trop, alors j'insistai pour me louer une chambre dans le complexe hôtelier jouxtant la demeure. Mais Alix se ratatina sur elle même et m'offrir ses yeux de chiot battu. Alors je ne pus qu'abandonner cette idée. Je vivais donc avec les amoureux transis depuis quelques jours dans cette maison fort agréable et calme. Mais j'avais besoin d'air, être loin de ces deux personnes toujours collés l'un à l'autre comme deux inséparables.

Tenir la chandelle ? Très peu pour moi. J'avais d'autre envie, malgré mes constantes indécisions. J'étais fébrile à chaque décision à prendre. J'avais envie et à la fois non. Ce que cela pouvait être terrible, d'être indécise. Accoudée au bar du complexe hôtelier où nous avions profité des commodités l'après-midi, je ruminais contre moi même et cette injustice qui touchait le monde.

Mais c'était futile et stérile car... Qu'est-ce que le monde avait à faire de moi ? Je n'étais qu'un être parmi tant d'autre. Futile et aussi anonyme que cet homme qui s'occupait d'étancher la soif de la clientèle. Je soupirais tout en m'appuyant plus fortement sur mes mains. J'étais lasse... Fatiguée, certes par mon après-midi à bronzer et à faire la planche dans l'eau de la piscine, mais par mes soucis inutile et infructueux. Si j'étais sérieuse, j'aurais dû réfléchir à mon avenir.

- Qu'est-ce que vous souhaitez ?

Je m'aperçus alors que je n'avais pas quitter des yeux le barman, qui m'observait également, curieux. Je soupirai encore et fixai les bouteilles qui trônaient derrière lui. Elles m'appelaient, je le sentais. C'était inéluctable.

- Un autre, s'il vous plaît. Dis-je alors en tendant mon verre vide.

L'homme haussa un sourcil puis avec un sourire prit mon verre. Sans trop faire attention à son sourire, je replaçai mes cheveux de l'autre côté de mon crâne. Adopter une telle coiffure était, certes élégant et rafraîchissant par cette chaleur, mais loin d'être pratique, car cela ne tenait guère en place.

Je pris place sur l'un des sièges, fatiguée d'être debout. C'était loin d'être mon premier verre d'alcool et mon corps commençait à ressentir les "bienfaits" de ces boissons délicieuses et libératrices. Affairé derrière son comptoir, l'homme sifflotait un air entraînant. Je l'écoutai, sans penser à rien, me laissant bercer par sa voix apaisante. Elle avait un timbre grave, légèrement suave et profonde. Elle m'attirait. J'adorais cela chez un homme : une voix posée et attractive.

- Vous, vous n'êtes pas d'ici. Me dit-il tout en versant la boisson dans son shaker.

- Bravo, Cap'tain Obvious ! Fis-je ironique.

Il ne fallait pas sortir de Saint-Cyr pour le remarquer. J'avais les yeux bleus et la peau pâle. Mais ce n'était pas forcément un indice fiable, puisque Raynald était tout aussi clair de peau que moi. Mais étant dans un complexe hôtelier, il n'y avait bien souvent que des touristes.

- Je sais, je sais ! Ne suis-je pas remarquable ? Je ferais sûrement un bon détective, vous ne trouvez pas ?

Je plaçai mes mains sur le comptoir et tapotait de mon index son revêtement en résine. Voyant que je ne répondrais pas, il reprit son cocktail avec maladresse. Cela me fit arquer un sourcil.

- De toute évidence, vous êtes bien plus doué avec votre langue qu'un shaker. Lui fis-je remarquer, avec sarcasme.

Cela le fit rire avec amusement. Il était plaisant ce rire. Et son sourire avait quelque de sauvage... Cela fit battre mon cœur. Il me lança un regard en coin puis déposa son fardeau, le visage mimant l'excuse.

- Il faut croire.

- Je suis désolée, je vous ai pris pour un employé de l'hôtel. Dis-je avec sincérité.

Cela accentua son sourire, qui se fit légèrement plus doux. Je l'invita alors à s'asseoir à mes côtés. Je n'allais tout bonnement pas exploiter une personne en vacance.

Avec élégance et aisance, il prit place sur le siège à ma gauche, m'obligeant à me tourner vers lui. Je remerciais le dossier car je tanguai légèrement. Il remarqua sûrement mon manque d'équilibre car il m'aida à me stabiliser. Gênée, je lui souris sous mes joues rouges. L'alcool, la gêne ? Je ne saurai le dire, en tout cas, mon état semblait l'amuser.

- Tout va bien ?

- Oui, la fatigue et la chaleur, sûrement. Mentais-je.

- Je vois, rit-il doucement.

Je savais pertinemment qu'il ne me croyait pas et que même, il se moquait de moi. Mais je ne voyais aucune malice dans ses yeux. De l'amusement à l'état pur vivait dans ses pupilles envoûtantes.

- Ainsi, vous n'êtes pas d'ici.

- Comme vous l'avez si ingénieusement deviné, oui. Je suis ici en vacance.

- Toute seule ?

Je me tus et resta un petit moment à fixer le verre qu'il m'avait rempli. Son mélange avait une étrange couleur mais une odeur fruitée s'en dégageait. Cela en était presque alléchant. Je trempai mes lèvres dans le breuvage, qui s'avéra excellent malgré son aspect et la préparation bancale qu'il opéra.

- Toute seule, accompagnée... Quelle importance ? Demandai-je, un peu agacée.

- Ne le prenez pas ainsi.

- Pardon... Mais vous savez, j'ai beau sourire et boire, je ne profite pas réellement de mes vacances.

Je ne savais pourquoi, mais je déliai ma langue. L'homme me prêta une oreille attentive, répondant par de simple "Hum" ou "Je vois". Son ton calme et serein m'encourageait à continuer. Le barman n'était toujours pas là, alors nous nous servions nous même en boisson. Une bouteille de bourbon disparu rapidement dans nos gosiers.

- Voilà... Vous savez à peu près tout de ma vie. Palpitant, n'est-ce pas ?

Cela le fit sourire.

- Avoir une grande famille est une aventure en soi, vous savez.

- Je ne pense pas, ajoutais-je septique. Car dans le lot, il y a toujours des oubliés. Des enfants mis de côté, au profit de certains.

Je pensais alors à Aurélianne. Elle avait toujours eu un fort caractère et bien que notre mère s'occupa de nous, lors de notre plus jeune âge, Aurélianne avait su captiver l'attention et l'amour de nos parents. Moi je fus plus maladroite, en tentant de la copier. C'était stupide et puéril. Mais je n'étais qu'une adolescente, et malgré mes grands airs, je n'étais pas si mature que cela.

Voyant le soleil décliner et ma tête devenir peu à peu de plus en plus lourde, je vida d'une traite mon énième verre. Puis d'un pas mal assuré, descendit de mon perchoir, tanguant légèrement.

- Ce fut agréable de discuter avec vous, Lennart, mais l'heure tourne et je dois rentrer, ou ma sœur va s'inquiéter.

L'homme me fixa, sans expression, puis sourit de toutes dents. Cela me fit doucement sursauter, car ses canines étaient légèrement proéminentes.

- Je crois que votre sœur profite encore des attractions de l'hôtel.

Je regardai alors derrière moi, jetant un œil par dessus-mon épaule. Alix et Raynald était dans le jacuzzi, à se câliner. Je n'existais pas, mais alors absolument pas dans leur monde. Cela alourdit mon cœur mais je tentai de faire bonne figure. Alors que je tournai de nouveau vers lui, mes jambes me trahirent et je perdis mon équilibre.

Sans hésiter, Lennart me rattrapa par la taille, calant mon corps contre le sien. Mes paumes sur son torse, j'ai pu sentir les muscles saillants sous le tissu de sa chemise. Cela me fit rougir puis, gentiment, je m'éloignai de lui. Ma tête était douloureuse et ma vision troublée. Je tentai un petit sourire contrit.

- Tout va bien, Apolline ?

- Oui... Je vais bien.

Non, je n'allais pas bien. Parler relevait d'un effort surhumain. Il sentit mon mal être car il continua de me soutenir alors que je me massais le front.

- Vous avez sûrement abusé de la bouteille.

- Possible, mais ce n'est pas grave. Je suis sur une magnifique île, en merveilleuse compagnie. Pourquoi me priver d'autres plaisirs ?

Mon sourire était légèrement forcé et Lennart s'en aperçut mais à la vu de son regard, j'ai tout de suite compris qu'il avait saisi mon message. Nous nous éloignions alors, bras dessus, bras dessous. Moi, affectueusement collée à lui, lui me soutenant avec force et tendresse.

Ce fut à cet instant que tout dérapa. Je ne me souvins de rien, encore aujourd'hui, il m'est difficile de recoller les morceaux de cette nuit de folie. Nous avions prévus de rentrer à pied, profitant de la fraîcheur de la nuit naissante pour dégriser, mais nous profitâmes de la supérette du coin pour acheter quelques bières. Assis sur le perron, nous avons vidés quelques cannettes, m'achevant définitivement.

Le seul souvenir que j'ai de cet instant fut qu'il m'aida à monter dans ma chambre, alors que je me cramponnais à lui, riant comme une idiote à mes propres blagues totalement vaseuses.

Le petit matin arriva rapidement et avec lui le bruit de vie que d'autres habitants pouvaient faire. Comme à son habitude, Alix cuisinait le petit-déjeuner, tandis que Raynald écoutait la radio afin de se tenir au courant des dernière évènements. Pour moi, ils avaient des habitudes de vieux couple, mais lorsque je les voyais ensemble, ils étaient heureux. Alix chantonnait, m'arrachant de ma torpeur. Douloureusement, je roulais sur dos en gémissant.

Je buvais rarement et surtout jamais je n'étais victime de perte de mémoire. Je tentais de me relever mais le moindre mouvement me rendait nauséeuse. Alix décida de monter, voyant que je ne répondait pas à ses appels et me découvrit sur le lit.

Je pouvais l'entendre soupirer. Je l'imaginais sans peine, les mains sur les hanches, dans sa petite robe aux motifs floraux, et ses cheveux blonds tressés. Elle était bien plus coquette que moi. L'amour avait éveillé en elle une part de féminité que je n'avais pas.

- Tu es réveillée ?

Pour seule réponse, elle n'obtint qu'un "hum" agacé. Elle soupira encore.

- J'imagine que tu ne mangeras pas avec nous.

Je tentai de faire signe que non de la tête et cela m'arracha un autre gémissement. Elle sortit, je le compris en entendant ses pas s'éloigner et la porte se refermer gentiment. Alix était un amour. Elle ne me reprocherait jamais mon état et mon irresponsabilité. Je sentais mon esprit partir loin, replongeant dans le sommeil. Je ne luttai pas... De toute façon, je n'en avais pas la force.

Le soleil frappait fort contre les vitres de sa chambres mais Apolline n'avait pas la force, ni le courage de se lever pour fermer les stores. Cela lui demandait trop d'effort et son corps était comme ankylosé depuis la veille. Les oiseaux pépiaient trop fort, ajoutant une raison de plus à sa peine. Oreiller sur le visage, elle râlait contre la nature.

Elle avait passé la journée complète au lit, et se sentait capable de faire de même aujourd'hui. Alix avait veillé sur elle, inquiète de trouver sa jumelle aussi mal et aussi blanche qu'un linge. Apolline avait alors tenté de la rassurer, lui assurant que ce n'était qu'une gueule-de-bois.

- Pourquoi as-tu bu autant ? Ca ne te ressemble pas. Lui avait-elle dit, déçue et curieuse.

Tout ce qu'Apolline trouva à répondre fut de hausser les épaules. Elle n'allait pas lui dire qu'elle s'ennuyait, qu'elle était jalouse de sa sœur et qu'elle se sentait abandonnée.

Puissant dans ses maigres forces, elle se redressa sur le bord de son lit. La pièce tournait autour d'elle mais elle se sentait plus en forme qu'hier. Elle inspira un bon coup et avança en se tenant au mur jusqu'à la salle de bain.

Les escaliers furent plus difficile à descendre que s'habiller. Elle avait pu le faire assise. Seule dans la maison à ce moment-là, elle ne put demander de l'aide à Alix tout comme à Raynald. Ils étaient tout deux de sortie. Et Apolline les y avait poussé. Elle ne voulait pas se retrouver entre les deux. La prévenance d'Alix était une chose -elle y était habituée- mais subir celle de Raynald en prime était au dessus de ses forces.

L'air n'était pas aussi frais qu'elle l'avait escompté mais c'était toujours plus agréable que l'atmosphère de sa chambre. Elle respira un grand coup, après s'être difficilement hissé sur la chaise d'observation. Elle était bien, accoudée contre la rambarde. La vue était superbe et c'était calme. La maison familiale de Raynald était implantée dans une superbe crique où peu d'âme vivait. Les voisins habitaient de l'autre côté de la rive, ou derrière la colline.

C'était un lieu parfait pour une petite retraite loin de l'agitation de la ville. Elle pouvait comprendre l'intérêt que les parents de Raynald purent porter à ce lieu. Mais toute cette eau la déprimait un peu. Elle était une fille de la terre, de la campagne. Certes Meadow Glen avait accès à la mer mais c'était différent. Le fait d'être sur une île la faisait se sentir minuscule. Cette immense quantité d'eau l'effrayait.

Maladroitement, elle tenta de changer de position et perdit l'équilibre. Dans un geste désespéré, elle s'accrocha à la rambarde et échappe de peu à la baignade forcée. Elle souffla, rassurée puis décida de descendre de son perchoir. Elle s'installa à même le sol, sur le ponton de la maison, assez loin du bord. Elle n'était pas en pleine possession de ses forces. Ses mains tremblaient encore, elle pouvait le sentir, le voir.

Le soleil réchauffait sa peau gelée. Elle était frigorifiée malgré la haute température de l'été. Elle se ratatina plus sur elle même, posant son menton sur son genou. Elle n'était pas frileuse d'ordinaire, et elle trouvait cela d'autant plus étrange. Elle expira, encore, dépitée. Elle avait froid en dedans aussi. Ce n'était pas que sa peau qui était peinte de chair de poule mais ses muscles, tout comme ses organes. Elle s'amusa à souffle et sursauta devant la fumée qui s'échappait de ses lèvres.

- Qu'est-ce qu'il se passe... Bon sang !!

Elle hurla, lâchant une larme en même temps. Elle paniquait. Elle ne comprenait pas ce qu'il se produisait. Elle n'était pas malade, mais elle était faible, sans envie, sans force, et surtout sans appétit.

L'après-midi arriva rapidement. Apolline était retournée se coucher, voulant éviter d'être assistée par sa sœur et son petit-ami. Mais Alix n'en demeurait pas inquiète pour autant. Raynald venait d'apporter un bol de soupe à la malade lorsqu'il cherchait sa belle. Son cœur le mena sur le ponton. Alix était là, en maillot de bain, observant l'horizon. Il s'approcha alors d'elle et lui passa une main dans le dos. Le froid de la bière qu'il tenait la fit sursauter. Mais elle trouva le sourire de son partenaire et le lui rendit.

- Elle a mangé ? S'enquit Alix.

- Non.

Elle soupira et croisa les bras tout en baissant le regard. Apolline l'inquiétait et si cela continuait ainsi, elle devrait la mener à l'hôpital.

- Tout va bien aller. Tenta Raynald afin de la rassurer.

Mais Alix n'était pas convaincue. Sa jumelle était une fille robuste, active et peu souvent malade. Elle retint un sanglot, lorsque Raynald se positionna dans son dos, posant le menton dans le creux de son cou. Elle se détendit un peu, coulant dans les bras de son amant.

- J'ai peur, Raynald. Et j'ai l'impression que c'est de ma faute si elle est dans cet état.

L'homme surprit, se contenta de la regarder, avant de lui baiser l'épaule avec douceur. Elle se laissa faire mais il sentit qu'elle ne répondait pas à son geste d'affection.

- Pourquoi serais-tu la cause de son mal être, Alix... C'est stupide.

- Je l'ai forcé à venir ici... Je... Je pensais que cela lui ferait du bien de s'éloigner de notre famille. De voir autre chose que nos champs et lui faire oublier l'université et ses mauvais coups de cœur.

Raynald sourit légèrement à l'évocation des béguins d'Apolline. La jeune fille avait eu une tendance à s'amouracher de divers jeunes hommes tous haut en couleur. L'un était un musicien qui ne savait jouer de sa guitare pour séduire la femelle. Un autre était un geek totalement fasciné par l'informatique et le troisième un jeune rebelle à la limite du hippie bio-terroriste.

- C'est vrai qu'elle sait choisir ses conquêtes, ta soeur. Se moqua t'il gentimment.

Alix lui offrit une pichenette sur le bout du nez. Jouant le jeu, il piailla comme un enfant alors que sa belle riait avec douceur. Elle savait qu'elle pouvait compter sur Raynald pour lui remonter le moral. Il était affectueux, charmeur et généreux, parfois railleur mais jamais méchant. Elle l'adorait. D'un regard complice, ils s'échangèrent un baiser tendre et amoureux avant de reprendre leur contemplation de l'horizon.

- Je t'aime Raynald.

- Je t'aime aussi. Et sache que jamais je n'irais mettre le feu à un bâtiment public pour prouver mes valeurs et mes opinions.

A l'évocation de cette annedocte concernant le dernier petit-ami d'Apolline, Alix ne put s'empêcher de rire à gorge déployée, faisant réverber son rire dans toute la crique. Elle s'engouffra plus encore dans l'étreinte réconfortante de son petit-ami et songea aux jours heureux qui les attendaient, ensemble.

La semaine défila rapidement. Alix s'amusait tous les jours avec Raynald, lorsque celui-ci ne travaillait pas. Il avait dégotté un petit job d'été, afin de faire une petite rentrée d'argent. Lorsqu'il n'était pas là, Alix s'occupait d'Apolline ou la plupart du temps, elle lézardait dans l'eau.

Ce soir-là, les tourteraux s'ébrouaient dans l'eau tiède de la mer comme des enfants riant et se courant après. La candeur de leur jeu fit soupirer Apolline qui était allongée sur sa serviette de bain. Le sable était encore chaud et cela lui faisait du bien. Elle avait bien récupéré mais elle se sentait toujours faible et étrange. La journée était difficile à vivre pour elle.

La nuit, les choses étaient plus agréables, plus tranquille. Mais elle avait cette colère. Une colère inconnue et incontrolable qui l'animait. Molle de jour et furieuse de nuit. Tant que ses amis la surnommaient "Demi-Face". Et ce surnom l'énervait encore plus. Elle était lunatique, et alors ? Elle n'y pouvait rien. C'était son corps qui agissait.

Elle n'était pas comme ces idiots qui se mamouraient toute la sainte-journée. Elle était perdue, désemparée, plus elle même. Elle se sentait changer à chaque minute qui défilait sur le cadran. Elle hurla tout en lançant son énième caillou. Elle avait trouvé refuge sur la plage, loin de sa soeur et son amour crétin et puéril. La mémoire lui faisait toujours défaut. Cette nuit manquante la rongeait. C'était comme si on lui avait arraché une partie de son cœur.

Elle s'arrêta de lancer des cailloux. Il n'y en avait plus. Et cela lui fit monter les larmes aux yeux. Il n'y aurait jamais assez de caillou sur cette terre pour l'aider à faire taire sa rage. Ce manque qu'elle tentait de combler était impossible à colmater. Cette plaie béante à son coeur ... à son âme. On lui avait dérobé quelque chose mais elle ignorait quoi.

- Pourquoi !? Hurla t'elle à la lune. Pourquoi moi ? Qu'ais-je fait pour mériter ça !?

Elle frappa le sable de ses poings. Enragée, furieuse, à bout... Elle ne savait quoi faire. Sa tête lui faisait mal, tout son corps était en feu.

Elle hurla de plus belle, attirant les hurlements plaintifs des chiens environnants. Elle se sentait stupide à crier ainsi, mais elle n'avait pas d'autre moyen de s'exprimer. Elle tenta de se relever lorsqu'une force douleur au crâne l'accable au sol. Ses larmes, ses cris ... Tous s'étouffèrent et elle s'effondra sur la plage.

/!\

- Pas mal... Tu feras parfaitement l'affaire, ce soir. Mon instinct ne m'a pas trahis, encore une fois.

Un regard brun, une chevelure noire et soyeuse. Cet homme la fixait avec envie.

- Tourne toi, maintenant.

Sa voix était autoritaire, presque despotique, mais son corps obéit, malgré elle. Elle n'avait aucun contrôle sur lui. Cela en effrayant, mais irrisistible à la fois.

 D'un simple geste de sa main, elle s'avança vers lui. Elle pouvait sentir une brise légère lui caresser la peau. En sous-vêtement, elle se glissa dans ses bras. Puissant, dominant, musclés. Elle frissonna dans son étreinte.

- Aurais-tu peur, douce créature ?

Sa voix était afable et suave. Elle baissa les yeux vers le sol, créant une légère hilarité chez l'homme.

- Ce que vous pouvez être faible, vous les femmes !

Son hilarité redoubla. Elle pouvait sentir leur corps trésauter ensemble. Son esprit était absent, elle ne pouvait que voir. Ses lèvres, ses mains, ses bras, ses jambes... Tout refusait de lui obéit.

Absente, sans aucune volonté, telle une marionnette, elle le laissa lui capturer les lèvres. En dépit de son attitude dominatrice, Lennard était doux. Son baiser, tendre et passionnel. Elle goûtait avec envie la saveur de cet homme. Mais elle n'arrivait à garder en souvenir ses caresses et la chaleur de son étreinte. Etrangement, ce qu'elle pouvait seulement sentir était le froid.

Sa langue parcourut le coeur de la captive. La malheureuse avait eut le malheur de faire confiance. Prise dans une étoile invisible, et engourdie par l'alcool, elle était désormais la proie d'un prédateur à l'appétit véloce et sans limite. L'humidité de la langue de Lennart lui fit un frisson dans tout le dos.

- Excellente... Ta peau est douce et alléchante. Pour une femme naturelle, tu prends soin de toi.

Elle tenta de répondre mais rien ne s'échappa de ses lèvres, si ce n'était qu'un gémissement de plaisir. Il avait défait son soutien gorge et frôler de son index la partie tendre et sensible de sa poitrine. Elle aurait voulu se débattre, crier fort. Seul un murmure mêlant plainte et plaisir s'enfuit de sa gorge serrée.

- Tu auras beau lutter, ton corps, ton esprit, ta vie... Tout m'appartient désormais.

D'un geste expert, il fit tomber sa culotte puis la renversa sur le sol, sans ménagement. Elle retint un murmure de douleur, chose qui accentua le sourire pervers de Lennart. Il releva les jambes de sa captive qui lutta, bloquant son avancée de son pied.

- Une combattante ? Où est donc passée la pauvre petite Apolline de tout à l'heure ? Dit-il avec sarcasme.

Une lueur sadique traversa ses yeux. Elle écarquilla les siens, paniquant.

- Bien, continue ! J'adore qu'on me résiste. Si tu savais le nombre de femme qui se laisse faire, c'est déprimant. Briser un esprit fort, c'est mon unique raison de vivre, ma douce.

Une larme perla de ses yeux sec. Un sourire tendre ourla les lèvres de l'homme qui essuya la fuyarde d'un revers de son pouce.

- Tu es une femme pleine de surprise, décidemment.

Cela le fit rire un peu. Sa main parcourut le corps nue d'Apolline qui frémit à chacune de ses caresses. Câjoler, aimer, dominer... C'était comme dans ses rêves érotiques. A croire qu'il lisait dans ses pensées. Même si elle était effrayée, la jeune femme trésaillait de plaisir, sous les mains expertes de sa rencontre de ce soir.

- J'exauce les souhaits, belle étrangère. Chaque femme qui passe entre mes mains succombe à mes "services".

Elle gémit alors qu'il descendait la main langoureusement vers son intimité.

- Tu es comme toutes les autres. Discrète et sage à l'extérieur, mais à l'intérieur, une trigresse sommeille, prête à bondir sur sa proie. Montre moi ta passion, Apolline.

Elle put déceler une faille dans son emprise, et elle succomba, comme l'avait prédit Lennart. Elle captura ses lèvres, les frôlant doucement de sa langue humide et avide d'amour. Amusé, charmé, il la laissa jouer avec ses envies et son corps. Il put lire en elle. Son désir de plonger les doigts dans sa chevelure nouée, de détruire son côté parfait. Cela l'amusa et attisa son envie d'elle.

Il avait beau dire, cette femme était différente. Il n'aurait jamais laissé à une proie une once de liberté, mais Apolline l'intriguait, malgré lui.

Ses doigts étaient engourdies. Elle luttait contre le sortilège qui l'emprisonnait dans sa paralysie. Ses lèvres lui étaient enfin revenue, et elle était surprise elle même d'agir ainsi. Elle brûlait d'envie. Elle voulait le posséder, et qu'il la possède également. Elle se sentait honteuse de ressentir cela. Ce n'était pas elle. Elle n'était pas aussi dévergondée, si ouverte sur le sexe.

Une main caressa sa joue, et leur regard se croisèrent. Il n'y avait plus de trace de domination. Juste de l'affection, de la tendresse... de l'amour.

Alors elle lui sourit, et bien que ses mains étaient désormais libres, elle le laissa commander, îvre de plaisir. Chaud désormais, son contact était plus mordant, empreint de souvenir. Apolline pantelait, mémorisant chacune de ses étreintes, chacun de ses gestes. Elle n'avait plus peur, plus de réserve. Son bras se leva vers le plafond et elle passa avec bonheur la main dans la chevelure attirante de son amant. Elle était comme elle l'imaginait : soyeuse.

Hypnotisée par leurs échanges, captivée par la puissance de ses bras, Apolline sursauta lorsqu'elle sentit une vive douleur dans le cou. Pénétrante et déchirante, elle voulu hurler, mais de nouveau, son corps ne lui appartenait plus. Elle se débattait pourtant d'esprit comme de corps.

- Suffit ! Pesta contre son cou Lennart.

Yeux dans les yeux, les pupilles brunes de Lennard s'illuminèrent d'une étrange lueur qui fit hoqueter la demoiselle, clouée au sol. Elle ne pouvait se défaire de cet ensorcellement. Peu à peu, elle sentit ses muscles s'engourdirent. Ses paupièrent devinrent de plus en plus lourde. Les yeux clos, la respiration ralentissant lentement, elle ne pouvait entendre que le bruit de succion qu'effectuait Lennard au creux de son cou. Il n'y avait ni douleur, ni crainte. Il exhalait d'elle une fragance sereine et paisible, qui mit le sourire aux lèvres de son amant.

L'heure avait tourné, tranquillement installé sur un coussin, Lennard soupira d'aise. La peau de son ventre était tendue à souhait, lui procurant un sentiment de bien être et de sécurité. Le sang de cette humaine était unique et délicieux. Il en salivait encore. Il n'avait pas eu un tel festin depuis des années. Être une créature de la nuit l'avait rendu exigeant et tout à la fois concilliant.

Des repas, il n'en faisait guère, et il devait être capable de disparaitre rapidement. Ce n'était guère facile de dissimuler les restes de ses repas. Alors il voguait de ville en ville, prenant d'innombrable identité. Cela l'amusait désormais.

Il était plaisant, pour lui, de jouer différent rôle. Parfois il était gentil, parfois violent. D'autre fois, un dandy, ou encore un voyou. Mais son rôle préféré restait celui qu'il venait d'interpréter cette nuit. L'homme à l'écoute, l'ami que tout le monde recherche. Le bon samaritain... A chacune de ses interprétations, elles tombaient dans ses filets. Que les femmes étaient naïves et maléables ! Cela lui était exquis !

Il se pourlécha les lèvres, tel un chat repu. Sa victime était un délice. Il mettrait des mois avant de tomver à nouveau sur un sang de cette qualité. Il regarda alors le sol, un peu déçu par l'état du tapis. Il s'étira tout en baillant puis se leva, faisant craquer son cou.

- Tout ce gâchis... Mais ma belle, dit-il en s'approchant de son oreille, ce fut un plaisir inestimable que de vivre cette nuit avec toi.

Il regarda Apolline, gisant sur le sol, inerte. Il arqua un sourcil et ourla un coin de ses lèvres, ironique.

- Mais suis-je bête... Tu ne me répondra pas ! Je crois que j'ai été un peu trop gourmand. Fit-il à demi-peiné, en se tapotant les lèvres. Il faudra que je fasse attention à l'avenir. Un tel sang... Une véritable délectation. Il faudrait je pense à en garder en réserve...

Il se recoiffa, passa sa chemise puis d'un claquement de pouce fit disparaitre le sang tâchant le tapis. Il la prit contre lui pour ensuite la revêtir de ses vêtements. D'un geste de la main, il salua le corps inanimé de sa victime, exhalant un soupir satisfait, s'autorisant même un léger rot. Amusé par cette réaction, il pouffa et disparut en un clin d'œil.

/!\

Elle ouvrit les yeux, les larmes coulant toutes seules. Elle haletait, les pupilles écarquillés. Elle comprenait enfin. Les souvenirs qui lui manquaient lui étaient revenus de plein fouet, l'accablant. Elle riait tout en pleurant. Ce qu'elle avait subi était sur suréaliste. Cela ne pouvait être vrai.

- Fumier...

Ce fut tout ce qu'elle put dire. Chancelante, elle se mit sur ses deux jambes, riant comme une démente.

Elle était rentrée, à bout de force, puis s'était changée. La lune était désormais bien haute dans le ciel et les étoiles perlaient sa couleur bleu. L'infini de la mer se mêlait au ciel nocturne. Ce paysage l'aurait fasciné, d'ordinaire, mais pas ce soir. Elle se mouvait, la tête vide de pensée. Elle suivait son instinct. Elle leva cependant les yeux vers la lune puis fut percuter à nouveau par une douleur atroce.

Or la douleur ne provenait pas de son crâne mais de son coeur. Elle ne put crier, juste simplement gémir. Cela l'empêchait de respirer. Elle avait l'impression qu'on lui arrachait le coeur, puis les poumons... Elle se sentit s'élever, la panique la gagna. Perturbée, elle regarda tout autour d'elle, tentant de comprendre la situation.

Elle entra en résonnance avec l'aste lunaire. Elle sentait comme une connexion entre elles. Puis d'un seul coup, tout se brisa. Ses pieds touchèrent à nouveau le sol, la douleur s'effaca précipitemment. Essouflée, hors d'elle, elle haletait. Elle tentait de remettre ses idées en place puis porta une main vers son coeur. Il ne battait plus -ou que très faiblement. C'était une pulsation imperceptible. Mais elle pouvait ressentir le moindre mouvement de sa cage thoracique.

Elle ouvrit les yeux et vit parfaitement le contour des arbres à l'autre bout de la crique. La lune se reflétait dans ses yeux bleus. Magnifique lueur, brilliant de malice et assoiffée. Apolline sourit, heureuse pour la première fois depuis une semaine.

Elle glissa son petit doigt entre ses lèvres, et accentua son sourire, dévoila ses dents. Elle passa ses lèvres dessus et découvrit deux protubérances aiguisées qui lui coupèrent légèrement la langue. Elle gouta avec délectation le sang qui s'en écoula. Mais une unique goûte n'était pas suffisante. Loin de là...

La lune descendait lentement dans le ciel, voulant céder sa place au soleil. Mais Apolline s'en fichait. Elle avait soif, très soif. Et elle n'avait qu'une idée en tête : étancher sa soif. Elle ferma les yeux, huma l'air et étira ses lèvres dans un sourire carnassier.

- Que la chasse commence...

Episode 2

L'été était passé depuis longtemps. Laissant l'automne filer à vive allure. Les jumelles étaient rentrées de vacances, laissant Raynald retourner à son quotidien dans une autre ville, se situant très loin de Meadow Glen. Un océen séparait désormais les deux amoureux, brisant le coeur de la blonde. Mais leur relation n'en était pourtant pas altéré. Chaque jour, entre le téléphone et internet, les deux amants vivaient pleinement leur passion.

La famille Vauganne avait entreprit des travaux dans leur maison mais durent les abandonnés. Leur terrain était régulièrement innondé, dû à un ancien point d'eau déseché qui, aujourd'hui, décidé de réaparaitre. La famille dû se résigner et changer de quartier. L'été et l'automne furent consacrés à la construction de la nouvelle maison. Anaïs et Eloi laissèrent leurs filles décider du nouveau design. Et elles choisirent un style industriel. Cela étonna fortement leur parent mais ils acceptèrent et ce qu'ils virent à la fin de la construction les bluffa. C'était un style différent mais pas déplaisant.

C'était donc désormais l'hiver et le givre s'amusait à recouvrit de son voile blanc les vitres de la maison. Bien au chaud, la famille se réveillait doucement.

- A table !!!

Anaïs avait prit l'habitude d'hurler en bas des escaliers afin de réveiller ses filles le matin et pour le petit-dejeûner. Alix était déjà présente, aidant sa mère à la confection du repas. La blonde s'était lancée dans une brillante carrière de cuisinière dans cette ville même et s'y plaisait énormément. Raynald exercant le même métier, ils comprennaient chacun les contraintes de l'autre.

- Bonjour ! Fit d'une voix enjouée Alix en apercevant sa soeur pénétrer dans la cuisine.

La nouvelle venue la gratifia d'un grognement hirsute et désagréable mais cela ne retira en rien le sourire de la blonde.

- Toujours aussi souriante de bon matin, Apolline! Ironisa Alix, toutes dents dehors.

Cela exacerba la mauvaise humeur matinale de sa jumelle qui lui jeta un regard noir. Alix soupira en la regardant partir avec son assiette de pancake.

- C'était Mon assiette, tu sais ?

Aucune réponse, si ce n'était qu'un léger haussement d'épaule. Une main vint cependant se jucher sa propre épaule, attirant son attention. Aurélianne se tenait derrière elle, la mine désabusée. Puis Alix secoua la tête, exprimant à son aînée qu'il n'y avait rien à faire.

Elles rejoignèrent leur soeur, discutant de leur vie. Il en était ainsi depuis leur retour de vacance. Et bien que cela les désolait, elles ne pouvaient rien faire contre l'abrupte changement de comportement d'Apolline.

- Apolline... Tu devrais sourire, tu sais ?

Mais le silence fut sa seule réponse. Alix plongea son regard dans son assiette. Elle regrettait son ancienne soeur. Celle qui se faisait encore appeler Apolline. Celle qui souriait et qui était sarcastique. Ses prises de bec avec Aurélianne lui manquaient également.

- Tu es déprimante, Apolline. Intervint Aurélianne.

- C'est Angéline, désormais.

- Apolline, Angéline ! C'est du pareil au même ! Protesta l'aînée. Tu daignes à peine nous parler, manger avec nous c'est aussi rare que Noël dans une année. Tu te rends compte de la peine que tu fais aux parents !?

Alix tendit une main pour calmer Aurélianne, mais cette dernière la repoussa et se leva bien vite avant de filer dans la salle de bain. C'était la plupart du temps des monologues qui mouvementaient leur quotidien.

Apolline avait regardé sa soeur disparaitre, furibonde, sans aucune expression sur le visage. Alix soupira et reprit la dégustation de son plat. Du coin de l'oeil, elle observait sa jumelle. Sa magnifique chevelure verte-bleu, héritée de leur grand-mère, avait laissé place un à blanc éclatant qu'elle laissait tout le temps détaché. La longueur était telle que la nuit elle devait les nouer. Elle avait même adopté une panoplie de tatouage. Sa soeur avait réellement changé. Elle ne s'était jamais réellement trouvée et depuis leur retour d'Isla Paradisio, Apolline n'était plus là.

- Angéline... Pourquoi un tel prénom ?

L'interéssée ne daigna la regarder. Elle avait ses raisons mais elle ne les avait jamais donné. Un vrai mystère s'était emparée d'elle. Alix regarda l'heure et se leva à son tour.

- Tu débarrassera, je dois aller travailler.

Aucun mot. Comme toujours.

Aurélianne, Alix et Eloi étaient au travail. Il n'y avait plus qu'Anaïs et Angéline à la maison. Mais les deux femmes ne se croisaient jamais. Elle s'évitait. La configuration de la maison était une bénédiction pour anciennement Apolline. Elle avait son propre étage, comprenant une chambre, une salle de bain et son atelier d'art. Elle s'était plongée à coeur perdu dans le dessin depuis son retour, y trouvant une espèce de réconfort. Installée face à la fenêtre donnant sur la cour extérieur, elle pouvait regarder le lac et ses eaux froides. Elle soupira tout en se tenant le menton. Elle aimait parfois aller dans l'eau, mais depuis son "accident" à Isla Paradisio, être dehors en plein jour était une torture. Elle faisait parfois l'effort, afin de ne pas paraître totalement étrange, mais elle était fatiguée.

Car quoi qu'elle faisait, quelques étaient les efforts qu'elle déployait, elle était systématiquement rabrouer et rabaisser.

"Apolline, tu devrais sortir plus ! Tu vas finir ta vie toute seule !"

" Jamais tu ne feras quelques choses de ta vie."

"On t'aime, ma fille, mais tu nous fais peur."

Et cela lui faisait mal. Les gens en qui elle avait le plus confiance, ceux qu'elle aimait, avaient désormais peur d'elle, ou simplement assez d'elle.

Elle souffla sur sa planche et observa d'un oeil peu satisfait ses traits. Elle fronça les sourcils et d'un geste rageur, chiffona le papier et le jeta loin d'elle. Rien... Rien n'allait dans sa vie. Elle perdait patience pour tout. Elle ne pouvait plus dormir, la nourriture n'avait plus aucun goût. Elle avait simplement soif... Une soif inétanchable. Une soif particulièrement effrayante et terrifiante : Elle voulait du sang.

Et elle se savait incontrôlable. C'était la raison de son isolement. Du matin au soir, du lundi au dimanche, elle demeurait à son étage, interdisant à quiconque de se montrer et de la déranger. Le dessin était une excuse pour qu'on la laisse tranquille. Elle ferma les yeux et se laissa tomber dans ses bras, sur sa table à dessin et laissa une larme s'échapper de ses yeux. Dénuée d'appétit, mais pas de sentiment.

En fin de journée, Aurélianne rentra du travail et se trouva à devoir aller se promener avec Guenièvre. La petite avait bien grandi et réclamait de plus en plus l'attention de sa mère. Aurélianne travaillait avec passion et rigueur mais prenait également du temps pour sa petite fille. Après avoir parcourut le quartier d'un pas lent, les filles stoppèrent dans le parc, jouxtant la maison.

Guenièvre avait demandé à sa mère de monter sur le bateau pirate, dès qu'elles franchirent le seuil de la maison. Intransigeante, comme toujours, Auri ne céda pas. Mais au retour, la petite gagna la partie, comme souvent. Avec le temps, et l'amour de son enfant, la colère d'Auri avait diminué.

- Ah ! Hurla la petite en déisignant de son doigt ganté une direction, manquant de tomber.

- Fais un peu attention ! Lui dit sa mère en la remettant droite sur le jouet.

Aurélianne vit alors le nouveau venu qui souriait en regardant Guenièvre. La petite trépidait d'impatience sur son jouet et tentait de descendre d'elle même. Enervée, Aurélianne frappa dans ses mains et rouspéta sa fille.

- Ne lui en veuillez pas, Madame.

- Pardon ? Demanda la mère, en haussant un sourcil, méfiante.

- Je connais votre fille. Guenièvre, comment ca va ma grande ?

La petite lui sourit et tendit les bras vers l'inconnu, comme pour qu'il la porte. Mais Aurélianne ne l'entendit pas de cette oreille et saisit sa fille avant qu'il ne puisse le faire.

- Je t'ai déjà dit cent fois de ne pas parler aux inconnus, Gueni ! Quand vas-tu enfin m'écouter ?! La petite commença à larmoyer, baissant les yeux. Et ne pleure pas ! C'est inutile.

- Si je peux me permettre, Madame...

- Quoi ?! S'insurgea Aurélianne.

- Je ne suis pas un inconnu. Guenièvre et moi on se connait bien.

Aurélianne écarquilla les yeux en entendant cela. La méfiance et la colère tentait son regard mais cela n'effraya pas l'étrange inconnu qui souriait avec générosité. Guenièvre tapotait l'épaule de sa mère et tentait de parler.

- 'An !

- Qui êtes-vous...?

L'homme s'expliqua, après s'être installé sur les balançoires non loin de là. La petite Guenièvre avait insisté pour jouer avec le sable, tant qu'Aurélianne dû baisser les armes. La petite venait de remporter sa deuxième bataille du jour.

- Alors vous connaissez ma mère... Milan, c'est bien ça ?

L'homme acquiéça et retourna son attention vers la mère.

- C'est bien ça. J'habite pas loin, et je me promène régulièrement dans les environs. J'aime l'ambiance et le calme qui règne ici. Ce petit parc est un de mes "arrêts". Et c'est ainsi que j'ai rencontré Madame Anaïs et la petite Guenièvre.

- Je suis désolée de vous avoir parlé ainsi, tout à l'heure. Avoua d'une petite vois Aurélianne.

Elle n'était pas fière d'elle mais elle était mère et devait protéger son enfant de tout prédateur. Sa petite était si innoncente et gentille que son sourire attirait tout le monde et n'importe qui.

- J'ai déjà perdu Guenièvre une fois... Dit-elle après un petit silence. J'étais jeune et rebelle, et elle si petite. J'ai laissé la poucette un moment le long d'un banc, le temps d'aller me chercher une boisson et lorsque je suis revenue... Une femme avait ma fille dans ses bras et commençait à s'en aller du parc. Heureusement que ma fille pleurait, sinon je ne m'en serais aperçue bien trop tard.

Elle fixa alors ses pieds tout en faisait tourner faiblement son siège. Cette expérience fut traumatisante et un véritable seau d'eau froide. Elle avait eu sa fille, elle l'aimait plus que de raison, mais elle n'était pas faite pour être mère. Elle l'avait toujours su et s'en fichait à l'époque. Guenièvre n'avait alors que quelques mois mais la petite souriait déjà au monde, illuminant le quotidien de ses proches. Aurélianne soupira et replaça une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle n'était pas fière d'elle.

- Ne vous en faites pas, je comprends tout à fait. Et puis pour ce qui est arrivé... Vous n'avez pas à vous en vouloir. Être parent ne signifie pas surpuissant et infaillible. Ce sont des erreurs que l'on apprend.

Auri ne pouvait qu'approuver cela mais une vie était un prix bien trop fort à payer pour de telles erreurs. Elle redressa son emprise sur les chaînes et se balança légèrement, laissant ses pieds créer de léger sillon dans le sol gêlé.

- Et puis, vous n'êtes pas la seule fautive, dans cette histoire, Madame.

- Ah bon ? Dit elle en clignant les yeux, ébahie.

- Bien sûr ! Votre mari aurait dû vous épauler. Soit en allant vous chercher une boisson, soit en gardant un oeil sur la petite.

Cette reflexion fit exploser de rire Aurélianne qui se tordait sur sa balançoire. Milan regardait avec stupeur ce changement soudain d'ambiance et sentit le rouge monter à ses joues.

- Ben quoi ?! Répliqua t-il, mêlant gêne et outrage dans sa voix.

- C'est juste... Hilarant ! Tu en as d'autres des comme ça ?! Finit-elle par répondre entre deux crises de rire.

- Je trouve qu'il n'y a rien de drôle là dedans ! Au contraire, quel homme ne prendrait pas soin de sa fille.

- L'homme qui engendra Guenièvre. Dit elle plus sérieusement, avec un léger sourire. Tu sais, Milan, tu es encore bien naïf pour croire que tout enfant a un père et une mère. Mais la réalité est bien différente.

Milan allait répliquer, lorsque Guenièvre se mit à hauteur d'Aurélianne et se frottait les yeux, épuisée. Aurélianne sourit avec affection et se leva afin de prendre sa fille dans ses bras. La petite bailla et se cala confortablement contre la poitrine de sa soeur, les yeux se refermant légèrement. Le ciel était désormais noir. Aurélianne n'avait pas vu le temps passer. Ce jeune homme était de bonne compagnie et avait un magnifique sourire qui la réconfortait.

- Nous allons rentrer.

- Je crois que c'est le mieux à faire. Dit le jeune homme tout en restant assis.

Aurélianne lui offrit un petit sourire avant d'hocher la tête, en guise de salut puis prit le chemin vers la maison. La petite somnolait déjà, et se laissa bercée par les pas de sa mère.

- Attendez ! Hurla Milan.

Aurélianne s'arrêta mais ne se retourna pas.

- Puis-je avoir votre prénom, Maman de Guenièvre ?

En l'entendant l'appeler ainsi, un sourire naquit sur les lèvres de la mère qui pouffa légèrement. Elle fit un pas et stoppa de nouveau.

- Aurélianne.

Et reprit son chemin, tandis que Milan, accroché à sa balançoire, observait, rêveur, la belle Aurélianne disparaitre dans la nuit.

Mais si pour certains la nuit était synonyme de peur, pour d'autre, c'était synonyme de découverte et de joie. Le ciel était clair et sans nuage, même pour une nuit d'hiver. Il faisait froid, très froid, mais la nuit s'annonçait calme et sans pluie. Le voile du ciel était teinté, par moment, d'étoiles qui filaient à toute allure, laissant derrière elle une trainée de poudre scintillante.

Angéline était là, dans un bar en sous-sol, dont elle avait prit l'habitude de fréquenté depuis son retour. L'ambiance était calme et parfois il y avait du monde. Ce soir était une soirée extrêmement calme. Seul quelques habituées se trouvaient là. Accoudée au bar, elle souffla avec exaspération.

- Qu'est-ce qui te ferait plaisir, Angéline ? Lui demandait le Barman.

- Tu veux vraiment savoir ? Demanda t'elle, en s'affalant sur le comptoir.

- Non... je crois bien que non. Avoua t'il en souriant.

- T'es nul, Mickael !! Proposes pas tes services si tu veux pas le faire ! S'insurgea t'elle en se redressant.

Mickael était le propriétaire de ces lieux et aussi le barman. Il connaissait Apolline sous sa nouvelle identité : Angéline. Et cela la rendait heureuse de ne pas être appelée Apolline. Elle en était venue à détester son prénom. C'était un boulet qu'elle gardait d'accrocher au bout d'une chaine invisible et incassable.

- Je suis ici pour servir, Angéline. Non pour assouvir les lubies de mes clients, et encore moins les tiennes.

La belle soupira et s'accouda de nouveau sur le comptoir, en boudant. Ici, elle pouvait être elle même. Parfois irritée, parfois puérile. Elle n'était pas obligée de refreiner, d'être froide et totalement associale. Mickael était un bon ami qui ne la jugeait pas.

- Bah tu devrais te renouveller ! Tiens, c'est une idée non ? " Le bar où le tenancier réalise vos rêves !" Ca attirerait du monde tiens !

- Si cette clientèle est aussi barge que toi, non merci.

- C'est ça ! Plaint toi mais en attendant, si tu peux manger c'est grâce à la barge !

- C'est pas faux. Mais en attendant, tu consommes pas. Donc...

- Ok ! Je vais prendre un Anaconda !

- Ca marche ! Je te fais ca en moins de deux !

Et le jeune homme se mit à l'oeuvre, sous les yeux pétillants de la belle Angéline. Elle adorait le regarder jongler avec ses bouteilles. Il y avait quelques choses d'hynoptisant dans la création d'un coktail.

- Merci...

- Y'a pas de quoi, la barge ! J'fais juste mon boulot.

Cela fit sourire Angéline. Oui, vraiment, même si elle était différente, ici au moins, elle s'amusait.

Elle cligna ses yeux et crû halluciner. L'homme qui se trouvait devant elle n'était plus le même. Leur peau était différente, leur stature également. Athlétique alors que le précendent était rond. Ses doigts étaient attirants et familliers.

- Et mon boulot n'est justement pas de satisfaire la moindre tes envies... Apolline ?

Elle hoqueta et faillit tomber de son tabouret. Cela accentua le rire de l'être qui se trouvait face à elle.

- Lennart...

- Et oui ! Alors ma douce, comment se passe ta nouvelle vie ?

- Un enfer, soupira t'elle.

- Allons, allons... Ne t'ais-je pas offert le plus beau des présents : l'immortalité ?

Elle se leva d'un bond, renversant son siège dans un bruit immense. Mickaël la fixa, sursautant à son tour. Il faut tellement surprit qu'il laissa tomber son shaker enflammé. Le tapis au sol prit feu et consumma le reste d'u bâtiment. Affolée, la clientièle sortit en hurlant, suivit de près par Angéline, désabusée.

La soirée, qui avait si bien commencé, fut un véritable fiasco. L'incendie fut incontrôlable et la présence des nombreuses bouteilles d'alcool fit exploser le bar. Mickaël fut souffler par l'explosion. Angéline était restée un moment, interdite, devant la porte du bâtiment en flamme. Les pompiers maitrisèrent difficilement le feu, et une ambulance avait rapidement emmené le pauvre gérant. Elle ne resta pas sur place, car les secours s'évertuaient à prendre soin des rescapés. Elle ne pouvait subir la même chose. Après tout, son coeur ne battaint plus et le sang ne parcourait son corps. Elle était morte - immortelle.

Lennart... Cet homme était la cause de tout ses tourments. Et ne cessait de venir la pertuber dès qu'elle se sentait bien. Elle ferma les yeux et soupira. Elle pouvait dire adieu à son hâvre de paix. Mickaël ne survivrait pas à ses blessures. Elle avait senti le sang s'écouler dans son ventre. Une hémoragie interne l'emporterait. Elle pouvait encore se souvenir de l'odeur, la mélodie du flux abondant qui s'écoulait dans le corps inerte de son ami. Cette envie insasiable qui lui tenaillait les entrailles. Elle porta sa main à sa gorge. Elle était sèche. Elle avait soif, excessivement soif.

Alors elle s'était isolée, dans sa pièce secrète. Son unique hâvre de paix, après ce soir. Jamais elle ne trouvera nulle autre paradis. Elle avait découvert cette pièce pendant la rénovation du bâtiment. C'était alors une espèce de grenier où était entreposés divers objets datant d'un autre temps. Un immense miroir, un autel en pierre, une improbable armoire de campagne et surtout...

... Un étrange établi. Le grimoire qui reposait avait tout de suite retenu son attention. C'était écrit dans un dialecte étrange. Elle ne le comprenait pas et avait tenté de le montrer au reste de sa famille. Mais le livre refusait de quitter le pupitre sur lequel il reposait. Il était comme scellé au bois. Alors elle avait abandonné. Tout ici semblait lui interdire de parler de ce lieu. Alors elle avait camoufflé la porte avec un vieux draps. Elle restaura la pièce elle même, nettoya les toiles d'araignée et rangea la pièce. Elle camouffla les fenêtres afin de dissuader sa famille et les êtres trop curieux de venir et par précaution, fit une unique clé, qu'elle gardait constamment dans son soutien-gorge. Elle averti également les autres habitants de la demeure de ne jamais monter au troisième étage.

Cette pièce était pour elle, uniquement pour elle. Elle l'avait capturé et elle ne serait jamais partagé. Elle dessinait le jour et étudiait la nuit. Le grimoire s'avéra être un reccueil de sort, vieux de plusieurs siècles. La poussière entre chaque page pouvait en témoigner. Mais plus elle parcourait les lignes, plus ses doigts caressaient le vélin des pages, plus le livre s'ouvrait à elle. Elle comprenait désormais l'alphabet employait et ce qu'elle lit lui fit prendre légèrement espoir en la vie.

Sa vie n'était peut être pas si noire qu'elle le présageait. Selon l'auteur - Illarus Thumbarius - il y avait plusieurs races parmi les êtres humains. Chacune dotée de caractéritisques et de pouvoirs. Il y avait tout d'abord les être humains. C'était la base. Il n'avait rien de spéçial, ils vivaient simplement, un temps limité, et mortel. Ils étaient comme un réceptacle, une espèce d'"hôte" pour les autres races de ce monde.

Les lycanthropes - ou plus communément appelés Loup-garou- était des êtres hyrbrides. A la fois canidés et humain, ils vivaient parmi eux malgré leur différence et leur agissement étrangement. Ils favorisaient la meute, l'esprit de famille, et étaient d'excellents explorateurs. Selon Illarus Thumbarius, ils auraient un flair presque aussi developpé qu'un chien.

Puis vint les Fées. Ce peuples étaient tout bonnement fascinant, pour Angéline. Car il relevait plus de la légende que les autres races. Les fées étaient parfois espiègles parfois bienfaisantes. Mais rarement, elles n'étaient destructrices et mauvaises. Leurs farces étaient des plaisanteries destinées à amuser les coeurs malades. Elles apparaissaient auprès des mourants et prodiguaient des soins psychiques et/ou physique.

Il y avait aussi le peuple des Sorciers. Ces êtres avaient une aparence humaine. Il était difficile de les différencier, contrairement aux fées qui étaient dotés d'ailes, et aux loups garous qui subissaient une transformation une fois la lune pleine. Les sorciers étaient humains, la seule différence notable entre ces deux espèces étaient la magie qui coulait dans leurs veines. Tout comme les fées, il y avait deux espèces de sorciers et sorcières. L'un pouvait se montrer généreux et bénéfiques - appelé Mystique- ; l'autre plus irracible, aimait répandre le mal autour de lui - appelé Magistral. Le plus simple des sorciers pouvaient tout simplement faire disparaitre des objets, tandis que le plus puissants pouvaient lancer des boules de feu ou encore congeler quelqu'un.

Et la pire de toutes : les vampires. Angéline avait lu et relu ce passage, ne croyant pas ce qu'elle lisait. Il était dit que ces créatures étaient la lie de ce monde. Des êtres assoiffées de sang qui s'en prenaient aux plus faibles, comme les enfants. Vivant la nez, ne supportant pas la chaleur du soleil. Leur corps froid ne réclamait nulle nourriture si ce n'était du sang. Excellent chasseur aux réflexes aiguisés et à l'instinct affuté, il possédait une aisance avec les mots et charmait ses proies grâce à une magie envoûtante.

Illarus Thumbarius ne les portait pas dans son coeur, reprochant à l'un d'eux d'avoir emporté sa femme dans la mort. Et ce vampire répondait au nom de Lennart.

Oui, Lennart. Elle avait tout d'abord crû rêver, mais non. Illarus racontait également que les vampires ne naissaient pas vampires, contrairement aux fées ou aux sorciers. Comme les loup-garous, il y avait un facteur externe. Il devait un avoir un vampire, un être à part qu'il appelait "L'unique". L'Unique détenait la mémoire de chacune de ses proies. En plus de se nourrir de leur humanité, et de leur soif, il aimait convertir à sa cause les plus faibles d'entre eux. Et si, un des convertis souhaiter redevenir lui même il existait deux manières de le faire.

Or, la partie la plus intéressante restait manquante et cela frustrait Angéline. La page avait tout bonnement disparue. Déchirée de son livre, elle n'était nulle part. Alors Angéline ne pouvait plus espérer. Trouver des solutions à son problème était impossible. Seule, elle n'y arriverait jamais et elle ne savait où chercher.

- Adieu mon monde... Pourrais-je un jour de nouveau contempler la lumière et vivre ma vie...

 

Episode 3

 

"Si les souhaits s'exaucaient par une simple pensée, je pense que plus personne ne serait triste ou en colère. Mais la vie est bien plus compliqué et l'adversité est une épreuve commune à chacun. Certains réussissent à surmonter leur épreuve, d'autres échouent. La réussite est un travail de longue haleine et je n'en vois pas le bout du tunnel. J'ai perdu foi en la magie de ce monde. J'ai beau faire partie de cet univers de légende, mon coeur est aussi asséché qu'un lac en plein désert. Où les oasis ne sont que de simple mirage éphémère."

C'était l'hiver et les nuits étaient par conséquent bien plus longues. Il était déjà sept heure du matin lorsqu'Aurélianne remontait dans sa chambre afin de se préparer pour sa journée de travail. Elle découvrit alors Alix, prostrée sur un coin du canapé.

- Tout va bien ?

La blonde releva légèrement la tête au son de sa voix et secoua la tête de droite à gauche. Aurélianne soupira et la regarda tout en croisant les bras. Alix n'était pas du genre à s'enliser dans les soucis, préférant adopter une attitude positive et pleine d'entrain.

- Et si tu racontais tout à ta grande soeur Auri ?

Son ton badin fit sourire Alix qui s'installa différement. Tête contre la paume de la main, le coude sur le genou, elle soupira.

- J'ai reçu un appel de Raynald.

- Et ? Il t'a trompé ?

- Non ! S'insurgea la blonde. Tu sais très bien que ce n'est pas son genre !

- Je sais, je sais. Qu'a bien pu faire notre si bon Raynald pour réussir à nous voler ton sourire ?

Aurélianne n'arrivait pas à trouver le désarroi de sa soeur sérieux. Elle voulait systématiquement le tourner en dérision et faire sourire sa si gentille petite soeur. Sa trop naïve petite soeur.

- Raynald va être muté.

- Oh... Et à ton air, c'est pas ici, à Meadow.

Alix secoua la tête en signe de négation. Ils avaient espéré que la prochaine promotion de Raynald lui permettrait de gérer un des restaurants de la ville, mais son directeur vit la chose différemment. Entant célibataire, juridiquement parlant, et sans enfant, Raynald n'avait pas de point d'attache et donc il était plus facile pour lui d'être muter.

- Il est muté à Roselia...

Roselia. Aurélianne tentait de remettre cette ville sur sa mapmonde mentale. Rosélia était une petite ville insulaire au grand patrimoine ancien, vivant quasiment en autarcie et visant à promouvoir le tourisme. L'Histoire était le moteur de vie de cette île. Etonnemment, Aurélianne voyait sa soeur y vivre parfaitement.

- C'est assez loin en effet.

- Loin ?! C'est de l'autre côté de ce continent. Auri... Je ne sais pas quoi faire. Raynald veut que je l'accompagne. Mais j'ai ma vie ici.

L'aînée prit les mains de sa soeur et la força à la regarder dans les yeux. Alix avait le regard humide et se mordait la lèvre inférieure.

- Tu n'as pas à avoir peur, Alix. Tu aimes Raynald, non ? La blonde hocha la tête en rougissant légèrement. Alors n'hésites pas. Pars faire ta vie avec lui. C'est un homme bon qui saura prendre soin de toi.

Sans un mot, la blonde se blottit dans les bras d'Aurélianne et laissa quelques larmes couler. Aurélianne comprennait le dilemme qui la tenaillait. Laisser derrière soi ses proches, sa vie, son passé... Elle qui avait tant souhaité le faire, plus jeune, n'avait jamais eu le courage de le faire lorsqu'elle le put.

Le soleil prit rapidement la place de la lune et chassa son voile obscure par un ciel bleu azur. Ses rayons se reflétaient sur l'eau, éblouissant les habitants et les rares promeneurs. Eloi ouvrit la porte afin de se rendre à l'extérieur, comme chaque matin, afin de profiter des rayons de lumière bienfaiteurs pour ses vieux os. Son dos craqua alors qu'il s'étirait les bras et vit sa petite fille se balancer sur le jouet à ressort. Cela le fit sourire puis il chercha du regard sa propre fille. Mais Aurélianne n'était pas là. Il se gratta la tête et rejoignit Guenièvre qui jouait en riant.

- Papy ! Hurla t'elle en levant les bras alors que le vieil homme la saluer.

Elle manqua de tomber, provocant un sursaut de frayeur chez le vieil homme qui se précipita. Mais la petite se réceptionna tout en agrippant les barres, transperçant les tempes de l'hypocampe de bois. Voyant la mine appeuré de son grand-père, elle explosa de rire.

- Ce n'est pas drôle, Guenièvre ! Tu aurais pû te faire mal !

La voix réprobatrice de son aïeul lui fit baisser le regard, mais ses sourcils étaient froncés. Elle savait pertinnemment ce qui allait suivre, car comme toujours, Eloi était protecteur et refusé de la voir s'égratiner. Bras croisés, yeux fixés sur le lointain, elle ignora les mains tendues du vieil homme.

- Tu ne vas pas recommencer. C'est bien trop dangereux. Je veux que tu descendes.

- Na...

- Guenièvre ! Trancha Eloi.

Contrainte et forcée, la petite abdiqua et leva les bras, tout comme les yeux, au ciel.

Elle foudroya du regard son grand-père lorsqu'il la hissa dans les airs. Eloi ne put s'empêcher de rire, car même si elle se voulait menaçante et impressionnante, elle était totalement mignonne et à croquer. D'ailleurs, Eloi lui croqua la joue puis lui souffla dans le cou.

- A'ête ! Papy ! Atouille !

- Ooh... Ca chatouille ?

Et leur regard complice s'unirent. Eloi recommença, tout en la chatouillant partout. La petite riait comme une folle tout en suppliant son grand-père d'arrêter. Eloi revoyait Aurélianne en Guenièvre. Son tempérament était certes un peu plus doux mais elle savait comment mener ses proches et les avoir dans sa poche.

C'était un autre jour et un jour de congé pour Alix. L'après-midi débutait à peine lorsqu'on sonna à la porte. Elle sursauta légèrement alors qu'elle se préparait un thé, renversant un peu d'eau chaude sur sa main. Elle pesta contre sa propre maladresse puis passa la tête par l'encadrement de la porte. Elle écarquilla les yeux lorsqu'elle reconnut l'homme qui attendait sur le pas de la porte. D'un geste gracieux, mêlé à l'anxieté, elle tenta de replacer ses tresses puis se dirigea vers la porte afin d'accueillir leur invité.

Timidement, elle s'approcha de Raynald. Cela faisait deux semaines qu'ils ne s'étaient vu. Les mails, le téléphone, la communication par vidéo... Tout cela était loin d'être suffisant. Elle se sentait comme une jeune adolescente lors d'un premier rendez-vous.

- Bonjour...

- Bonjour.

Il la prit contre lui, sans dire un autre mot. Elle se laissa faire, fondant dans ses bras chauds et réconfortant. Leur dernier échange fut loi d'être romantique. Passionné, oui, mais tournant à la dispute. Elle avait voulu réfléchir à la proposition de son petit-ami. Et il avait mal pris sa demande, le comprenant comme un refus.

Elle inspira profondémment, respirant son parfum, puis inconsiemment passa ses bras dans le dos de l'homme qu'elle aime. Raynald lui rendit son étreinte avant de se détacher d'elle. A contre coeur, elle accepta cette séparation.

- Nous devons parler Raynald.

L'homme acquièça, puis sur un geste de la main d'Alix, ils pénétrèrent dans la maison.

C'était la première fois qu'il venait dans la nouvelle demeure des Vauganne. Alix et lui se voyait dans l'ancien appartement de Raynald, étant plus tranquille. Elle le guida sans un mot dans une des chambres de l'étage. La plus grande de toutes : celle d'Aurélianne. Elle savait qu'Auri ne serait pas d'accord, mais elle était au travail, et Alix ne voulait pas oblitérer cette conversation en partie de jambes en l'air.

Raynald s'installa sur la canapé et attendit qu'Alix fasse de même. Mais elle ne le fit pas. Préférant s'accroupir devant lui, elle soupira tout en se prenant la tête d'une main.

- C'est une bien jolie maison. Et cette chambre... tenta le jeune homme.

- Raynald !

Il se tut automatiquement. Alix haussait rarement la voix et cela l'impressionna, car c'était la première fois qu'elle le faisait devant lui. Même pendant leur dernier échange téléphonique, elle n'avait pas haussé le ton.

- Pardonne moi Alix.

Elle releva les yeux un instant puis retourna son attention sur le sol. Elle n'avait aucune envie que tout s'arrête. Raynald allait partir, il le devait. Mais faire sa vie sans lui était une chose qu'elle n'arrivait à concevoir. Tout comme être arrachée à Meadow Glen et sa famille.

- Je sais que ma demande est égoïste. Dit Raynald, faiblement.

Cela attira son attention. Il était rarement si déprimé. Elle se mordit la lèvre et secoua la tête.

- Mais j'ai envie que tu viennes avec moi, Alix. Je t'aime et je veux faire ma vie à tes côtés. C'est si difficile de ne plus entendre ta voix chaque jour, de ne plus sentir la chaleur de ton corps contre moi au réveil. Tu me manques... Cruellement...

Sa voix se brisa et Alix décela dans ses yeux verts une larme. Le voir ainsi lui déchira le coeur. Elle s'assit près de lui, mais assez loin pour qu'il n'y ait aucun contact entre eux. Elle ne voulait en aucun cas briser ce moment. Cette conversation devait avoir lieu, mais elle connaissait son coeur et son corps. Ses envies... Elle rêvait d'un baiser, long et suave. D'une main de Raynald parcourant sa peau... A cette pensée, elle frissonna à un instant puis revint dans le présent.

- Alix...

- Je ne sais pas Raynald. C'est si soudain.

- Je sais...

- Non, Raynald. Tu ne sais pas. Tu n'as de famille ! Oh... Pardon...

La blonde venait de faire preuve de manque de tact. Raynald était orphelin depuis quelques années déjà, ayant perdu ses parents lors d'un nauffrage. Etrangement, il n'avait jamais développer de syndrôme ou une peur liée aux voyages et ses différents mode de transport.

- C'est cruel Alix. Imaginer que je ne puisse pas comprendre ce que le mot "Famille" signifie... Je ne te savais pas si mesquine.

Elle se mordit la lèvre. Elle non plus, elle ne se soupçonnait pas si méchante et cruelle. Raynald souffrait la perte de ses parents, et plus que quiconque, il connaissait la douleur et le manque que l'on éprouvait lors de la disparition d'un être cher ou d'un simple éloignement. Elle en avait d'ailleurs elle aussi fait l'expérience, ces mois derniers. Elle jeta un regard sur lui. Il ne l'avait pas quitté des yeux et la tristesse était lisible sur son visage.

- J'ai toujours vécu parmi les miens. Mon premier voyage fut avec toi, à Isla Paradisio, Raynald. Tout comme mon premier rendez-vous, mon premier restaurant entre ami. Mon premier baiser...

Oui, elle avait fait toutes ses premières fois avec Raynald. Elle n'avait aimé qu'un seul homme dans sa courte vie, et il se trouvait à vingt centimètres d'elle. Elle soupira et changea de position. Elle plaça une main sur la cuisse de son petit-ami qui la regardait, les yeux empli d'amour. Elle lui sourit alors et d'un simple hochement de tête, elle accepta.

Transporté par la joie, Raynald hurla puis souleva sa belle dans les airs, la faisant tournoyer. Alix s'agrippait à lui, partageant sa liesse et riait de tout son coeur. Elle savait pertinemment qu'elle ne regretterait jamais son choix. Elle allait partir, vivre sa vie loin de Meadow Glen, mais elle ne serait pas seule. Jamais.

- Je t'aime Raynald.

- Je t'aime aussi Alix.

Elle partait, indépendante et dépendante de cet homme. Il n'y avait pas de bague, pas de restaurant, pas de robe. Juste elle et lui, dans cette chambre qui n'était pas la leur. Accepter de partir avec lui était une promesse de mariage. Son coeur commandait sa raison : il serait l'unique, sa moitié éternelle et sûrement le père de ses enfants.

Une autre forme de joie vivait dans le salon. Aurélianne riait si fort qu'elle devait se tenir les côtes. Milan à ses côtés, la belle actrice ne voyait plus les jours comme avant. Ils étaient désormais ensoleillées et radieux. Le jeune homme avait réussi à la convaincre que la vie était une magnifique aventure, qui se devait d'être vécue, malgré les embûches.

- T'es pas possible ! Pouffait-elle.

- Mon patron m'a dit la même chose.

- Et pourtant, il te garde à son service ?! Se moqua Aurélianne.

- Faut dire que je bosse bien.

Aurélianne essuya une larme qui perlait de ses yeux et scruta son nouvel ami d'un oeil nouveau. Elle avait régulièrement retrouvé Milan au parc, prétextant que Guenièvre souhaitait le revoir. Ce mensonge était si gros que même elle, refusait d'y croire. Mais il était si bon de se bercer d'illusion.

- Et tu sûr que c'est pour ton boulot ou bien pour ton corps ? Dit-elle, taquine.

L'homme prit une fausse expression choqué et détourna le regard, provoquant de nouveau l'hilarité chez Aurélianne. Il savait la faire rire, elle qui était si souvent en colère. Et, elle avait appris à apprécier l'humour et la générosité chez un homme plutôt que ses tablettes de chocolats. Kaelig l'avait immunisé de ce genre d'homme.

Même si il lui avait brisé le coeur et son amour propre, il avait laissé derrière le plus inestimable des cadeaux : Guenièvre. Sa petite puce grandissait paisiblement à ses côtés, appréciait de tous et recevant de l'amour à l'infini. Elle jeta un regard derrière elle et Guenièvre roulait dans son trotteur tout en chantonnant. Cette image lui mit le sourire aux lèvres.

Sa fille fut la meilleure chose qui lui arriva. Elle ne se voyait pourtant pas mère et avait eut si peur de ne pas s'en sortir avec elle. Certes ce n'était que le début de leur aventure commune, mais les premiers contacts étaient toujours les plus importants. Guenièvre lui ressemblait. Leur regard était identique et selon Eloi et Anaïs, elle avait hérité du caractère d'Aurélianne.

Cela ne lui faisait forcement pas plaisir, car elle se savait insupportable et parfois irrespectueuse. Du moins, par le passé, elle s'était bien trop souvent disputée avec son père. Cependant, Guenièvre n'avait pas de père, alors peut être que ce conflit n'existerait jamais ?

Elle fronça les sourcils et se prit le menton entre la main. Elle avait prit cette attitude, suite à son dernier rôle, lorsqu'elle réflechissait. Cela faisait toujours sourire Milan, car cela la rendait irristiblement mignonne. Bien qu'elle soit plus âgée que lui - quelques années les séparées- elle était une magnifique femme à l'identité unique. Le blond passa un bras derrière elle, attirant son attention.

- A quoi penses-tu ?

- Oh... Je me demandais si j'avais bien fait de rayer de ma vie Kaelig.

En entendant ce nom, Milan tiqua et serra le poing contre l'épaule d'Aurélianne. La jeune femme le sentit et le regarda avec un peu de pitié.

- Je croyais que ce prénom était interdit.

- Pour toi, seulement. Dit-elle avec malice.

- Petite futée...

Cette référence au film Jurassic Park fit sourire Aurélianne qui s'approcha de lui, fermant les yeux délicatement. Milan connaissait les signes qui signifiaient ses envies. Amusé, et tenté, il ferma les yeux à son tour et frôla de ses lèvres celles d'Aurélianne.

- C'est tout ? Souffla t'elle, contre lui.

Sans un mot, il réitéra son approche et approfondit leur échange. Cette fois-ci, ce fut plus long et plus passionnée. Il adorait l'embrasser car elle jouait avec ses nerfs. Elle aimait lui mordiller la lèvre et le dévorer du regard lorsqu'ils reprenaient leur souffle.

- La suite sera pour plus tard. Lui dit-il.

Aurélianne gonfla ses joues, boudant légèrement. Cela fit rire le jeune homme qui fut rapidement rejoint par sa petite-amie. Elle était adorable, mature, généreuse, taquine, indépendante et si irristible.

- Alors, pourquoi avoir mentionné... Tu-sais-qui ?

- Voldemort ?

- Mais non, idiote ! Kaelig !

Elle arqua un sourcil et le fusilla du regard. Elle avait pourtant cru que ce baiser serait une bonne diversion, mais Milan était bien plus mâlin - et borné qu'il n'y parait.

- Tu l'as revu ? Fit il entre les dents.

- Non ! Ca jamais ! Je me disais juste que je n'aurais pas dû le virer complétement de ma vie... Pour Guenièvre.

- Je ne le connais pas et je ne veux pas lui cracher dessus mais...

- Mais tu vas quand même le faire ? Se moqua gentimment Aurélianne.

- Auri, j'essaye d'être sérieux. Elle lui tira la langue. Tu as fait ton choix lorsque tu l'as revu la dernière fois. Cet homme t'a blessé et abandonné. Je crois pas qu'il ait besoin de vous, les filles. Est-ce qu'il a déjà cherché à te recontacter, depuis ?

- Non.

- Auri... Et si ... Je...

Elle posa son regard bleuté sur lui et Milan se mit à rougir. Il se ravisa et secoua la tête, lui assurant que ce n'était rien. Aurélianne était la première à avoir des secrets ou simplement des choses à ne pas vouloir partager. Elle respecta donc le choix de Milan puis se calla plus confortablement contre le torse de cet homme au coeur généreux.

Ciel clair, toit givré. La lumière du phare balayant la ville, rasant de près les plus hautes toitures. L'ambiance était calme et paisible, comme toujours à Meadow Glen. Alix préparait ses affaires, après avoir apprit à ses parents son intention de quitter le nid. Anaïs en fut effondrée. Un autre de ses bébés prenait son envol. Et cet oisillon s'envolait très loin. Alix passa un long moment à la réconforter, pleurant elle aussi. Eloi n'avait rien dit. Il avait observé la scène dans le mutisme. Alix était une enfant calme, proche de ses frères et soeur. Il ne resterait bientôt que les deux plus explosives jeunes femmes de la famille : Aurélianne et Apolline -dite Angéline.

En parlant d'Angéline, cette dernière était de sortie et profitait d'un autre bar de la ville. Mais ce dernier était loin de lui convenir, comme celui de Mickaël. Elle n'avait plus de nouvelle de lui. Elle ne savait pas s'il était mort ou tout simplement partit de la ville. Et cela la peinait, car elle s'était prise d'affection pour ce garçon. Elle réclama une boisson à la jeune femme qui tenait le bar, mais cette dernière ne semblait guère disposée à la servir.

- C'est trop vous demander que de me servir un verre ?! S'exaspérait la vampire.

- C'est bon ! C'est bon ! J'vais le faire ton verre, ma belle. T'es pas à la pièce.

Angéline rongea son frein. Cette femme était irritable, mais elle n'allait pas succomber à l'envie de la tuer. Même la mordre la dégoûtait.

- Vu sa mentalité, elle doit être indigeste.

- Alors on a des envies de meurtres ?

Angéline sursauta, renversant un des verres qui étaient près d'elle. Lennart avait pris la place de la barmaid. Elle fronça les sourcils et se frotta les yeux. Mais le jeune homme était toujours là devant elle, manipulant avec agilité le shaker.

Elle soupira, tout en se prenant le front dans les mains. A chaque fois, elle le voyait apparaître, avec son stupide sourire. Elle planta un de ses crocs dans sa lèvre et se força à l'ignorer.

- Tu n'existe pas... Psalmodiait-elle.

- Oh que si, j'existe, ma belle ! C'est juste que personne ne peut me voir à part toi.

- Génial... Les gens vont encore plus me prendre pour une folle...Se dit-elle.

- Un peu plus, un peu moins... Qu'est-ce que ça changerait pour toi ? De toute façon, tu vis recluse, non ?

Elle se redressa d'un bond et le foudroya du regard. Amusé, Lennart lui sourit, dévoilant ses dents pointues. Elle ne le lâcha pas des yeux. Non, elle devait se montrer forte.

- Si tu continues à me regarder comme ça, je vais finir par te prendre sur le comptoir, tu sais ?

- Je ne crois pas, non. Siffla t'elle entre ses dents.

- Ah ! Du répondant ! Enfin, ca commençait à me manquer. Alors Apolline, entama t'il en déposant son verre devant elle, tu aimes ta nouvelle vie ?

- A ton avis ?

- Moi ? Ahahaha !! Je crois que tu l'adore, même si tu as dû mal à l'accepter. Moi aussi, j'ai eu du mal au début tu sais.

- Qu'est-ce que j'en ai à faire... Souffla t'elle, mordante.

Il rit doucement, tout en se prenant le mentaon d'une main. Apolline avait réellement changé. Aujourd'hui, plus rien ne lui apportait. Elle aurait préféré mourir cette nuit-là, plutôt qu'être transformée en cette espèce de monstre. Elle goûta sa boisson et se surprit à recracher.

- Hey ! Ca va pas dans ta tête de cracher comme ça ?

Angéline ouvrit les yeux de nouveau et tomba nez à nez avec la barmaid qui la fixait avec dégoût et pitié. Apparamment, Lennart avait disparu et elle avait passé son temps à discuter toute seule. Elle reposa son verre, déposa l'argent sur le bois du comptoir puis s'esquiva sans autre mot. La barmaid la regarda partir, sans aucune émotion, prit l'argent et cracha sur le bois afin de nettoyer avec son chiffon.

- Ville de barge, j'aurais jamais dû venir m'enterrer ici.

Angéline regrettait d'être venue ici. A croire qu'elle était suivit par son "géniteur". Lennart était une vraie plaie et pouvait parfaitement apparaitre comme bon il lui semblait. La dernière fois, il avait réussi à la surprendre dans son bain. Elle avait alors hurlé si fort que son père et Milan entrèrent en trombe dans la pièce alors qu'elle était nue. La scène qui suivit aurait pu en faire rire plus d'un mais pas elle. Certes lancer des objets sur des gens, d'un point de vue, cela pouvait être comique, mais pour elle, ce ne fut, ne serait-ce qu'un peu, exultoire. Elle en avait assez que l'on contrôle sa vie. Et Lennart semblait adorer la torturer ainsi.

C'était le petit matin lorsqu'elle rentra chez elle. A défaut de pouvoir profiter de la journée pour se balader, Angéline parcourait la ville de nuit et à pied. Elle tentait de se vider la tête de cette manière mais c'était loin d'être suffisant. Alors qu'elle remontait la dernière rue pour rejoindre la maison, elle put découvrir un camion de déménagement devant celle-ci. Intriguée, elle s'approcha et vit Alix en train de discuter avec l'un des hommes.

- Alix ?

Lorsqu'Angéline prononça son nom, Alix se retourna avec un petit sourire contrit. Elle fit signe aux déménageurs d'y aller puis demanda à Angéline de la suivre dans la cour, à l'arrière de la maison. Chose qu'elle fit en silence, regardant tour à tour le dos de sa jumelle et le camion qui s'éloignait.

- Tu peux m'expliquer ?

- C'est simple Apo...Le regard noir de sa jumelle la fit se corriger. Angéline, je pars.

- Tu pars ?!

- Oui. Et c'est prévu depuis longtemps, tu sais ?

Non, elle n'en savait rien. Elle n'avait pas parler avec sa famille depuis des mois. Alix soupira devant la mine déconfite de sa jumelle et posa sa main sur son bras.

- Je ne sais pas ce qui s'est passée cette nuit-là, lorsque nous étions en vacances, mais tu as changé Angéline. Je ne te reconnais pas.

Elle ne dit rien, préférant se plonger dans son mutisme habituelle. Alix soupira, peinée par la réaction de sa sœur.

- Pourquoi ne m'as-tu pas prévénu ?

- C'est..

- Je suis ta soeur ! Merde ! Ta jumelle même ! Comment peux-tu me faire ça ! Alix !!

Elle s'était réfusée de pleurer, et pourtant Angéline pleurait. Sa chère soeur, son unique amie allait la quitter, l'abandonner à son triste et éternel sort.

- Apolline, j'ai ma vie à mener. Raynald et moi allons vivre sur l'île de Rosellia.

- Rosellia ?! Mais c'est quoi ce bled !

- Calme toi et écoute-moi, s'il te plaît. Tu sais que j'aime Raynald. Elle fit signe que oui, à contre-cœur. Alors essayes de comprendre. J'ai besoin de lui.

- Et... et moi alors ?

Les bras croisés contre son aine, Angéline tentait de contrôler ses tremblements. Le soleil la détruisait peu à peu, mais elle ne pouvait partir comme ça, se réfugier et quitter sa soeur sur une fausse impression. Alix soupira et tenta de la toucher, mais elle rejeta son geste.

- Je ne te reconnais vraiment plus Apolline. Tu n'es plus ma soeur... Pourquoi ne peux-tu pas être heureuse pour moi ?

- Ces tatouages, cette coloration, ce style ! Tu as changé, on ne te reconnait plus ! S'exaspérait Alix. Regarde toi bon sang ! Apolline !

- C'est Angéline... Sanglota t'elle.

- Oui et ça ! Pourquoi changer de prénom ? Maman et Papa ont tellement réféchi à ça. Ils y ont mis tout leur amour et toi... Toi, tu rejetes d'un bloc ce qu'ils t'ont offert : la vie.

- Tu ne pourras jamais comprendre, Alix... Jamais.

- Si tu ne m'expliques pas, je ne risque pas, c'est sur.

Angéline sanglotait en silence. Elle ne pouvait en parler. Elle ne voulait pas leur faire peur, ni voir le dégoût sur leur visage. Elle était devenue une abération, un monstre. Tant que se regarder dans un miroir était une punition. Alix la fixait, attendant une quelconque révélation mais rien ne vint. Angéline regardait par terre, les poings serrés, et pleurant.

Cela exaspéra sa jumelle, qui, sur un soupir se détourna d'elle. Elle était attendue et voulait partir le plus tôt possible afin d'éviter les embouteillages et de ne pas louper son avion.

- Soit, si tu le prends ainsi, Angéline, on se dit Adieu.

Elle fit quelques pas avant de sentir le corps glacé de sa jumelle se coller contre son dos. Elle frissona à son contact mais ne la rejeta pas. Elle savait que sa soeur n'allait pas bien, qu'elle était au bord du gouffre. Mais cette dernière refusait pertinemment qu'on l'aide. Et Alix savait qu'il était impossible d'aider une personne qui refuser de l'aide. Elle posa une main sur celles de sa soeur. Elles étaient tremblantes, tout comme le reste de son corps. Alix ferma les yeux et entama une petite berceuse, les lèvres closes. Elle faisait simplement vibrer sa voix, comme elle le faisait pour calmer Guenièvre.

- Et si tu me racontais ?

- Je ... Je suis un monstre Alix.

- Un monstre ? Répéta t'elle, a demi-amusée. Je n'ai qu'une demoiselle au look révoltée dans le dos pourtant.

- Tu ne comprends pas Alix...

Elle soupira avant de porter son regard vers la mer et la montagne. Non, elle ne comprenait pas et surtout elle ne souhaitait pas le faire. Ca serait mâcher tout le travail à Angéline et elle se refusait de le faire. Elle devait prendre conscience d'elle même de certaine chose.

- Tu promets de ne pas me détester ?

- Je te le promet...

- Car malgré tout ce que pourras dire, ou bien faire, tu resteras à jamais ma soeur. Ma jumelle.

En entendant cela, Angéline éclata de nouveau en sanglot et un flot incessant de mot cascada de sa bouche. Sa rencontre avec Lennart, cette nuit folle et pleine d'alcool. Son isolement, sa transformation... Tout. Et Alix resta là, à l'écouter, sans dire un mot. Le soleil réchauffait déjà fortement la terre et leur visage lorsqu'Angéline termina son récit. Et la seule réaction d'Alix fut un sourire aussi chaleureux que le soleil.