• Episode 11 - D'eau et de joie

    Episode 11

    Bien des mois passèrent, l'automne laissait péniblement sa place à l'hiver et le feuillage des arbres persistait à demeurer rougeoyant. Enveloppée dans une douce brume, Meadow Glen s'éveillait à une nouvelle journée. L'un partait au travail, l'autre à l'école.

    Eloi lui était resté chez lui, profitant d'un de ses rares jours de congé. Sa petite famille grandissait et évoluait loin de lui. Mais il était à deux doigts d'obtenir l'ultime promotion de sa carrière et pour cela, il ne lâcherait rien. Enchaînant les heures supplémentaires, les aller-retour pour des congrès, Eloi se faisait bien voir auprès de son patron.

    Or, malgré son travail acharné, il restait en dessous de ce dernier. Il était alors heureux de retrouver sa place de chef de famille et d'apprendre les bases du langage à sa fillette. Mais Aslinn était une élève assez récalcitrante. Elle rêvassait la plupart du temps, son esprit était comme un papillon : attiré par le moindre son, moindre mouvement.

    La porte s'ouvrit laissant pénétrer le froid à l'intérieur. Eloi frissonna légèrement et découvrit ses beaux-parents sur le pas de la porte. Sans un mot, le vieux couple défit leur manteau et le saluèrent. Ambrine se précipita sur la petite et lui dévora les joues à l'aide de baiser. Aslinn riait au éclats.

    - Alors, cette visite ? S'enquit Eloi auprès de Lawrence.

    Ce fut à cet instant qu'Anaïs entra dans la pièce. Lawrence sortait de sa visite hebdomadaire de l'hôpital. Depuis son retour d'Al Simhara, Lawrence était suivi afin de prévoir sa potentielle malédiction de la momie. étonnement, lorsqu'il raconta son histoire, le médecin fut nullement surprit et lui indiqua les marches à suivre si jamais il développait de quelconques symptômes.

    - Concluante. Se contenta de répondre le vieil homme.

    - Papa ! Tu pourrais être un peu plus précis ! Râla Anaïs depuis la cuisine.

    - Ton père va bien, ma chérie. Plus que bien même. Le médecin lui prédit encore de belles années.

    Cela rassura la blonde qui sourit à sa mère avant de se saisir d'une part de gâteau. Son état lui faisait céder à de nombreuses folies, comme du gâteau en guise de petit-déjeuner.

    Elle rejoignit son père devant la télévision, confortablement installé dans le canapé. Il ne pouvait l'avouer, mais il avait eu peur un bon moment avant d'admettre qu'il était sorti d'affaire. Ce n'était pas la mort qui l'effrayait mais plutôt le fait de laisser derrière lui sa famille. Il avait de nombreux enfants et bien plus encore de petits-enfants.

    - Tu dois être soulagé, non ? Lui demanda Anaïs.

    - Ce sont ces visites récurrentes à l'hôpital qui me fatiguaient. Dit Lawrence.

    - Arrête de mentir, Papy ! Intervint Ambrine, qui s'occupait d'Aslinn un peu plus loin.

    - Papy ?

    Anaïs arqua un sourcil mais ses lèvres ne pouvaient résister à l'envie de sourire. Ses parents ont toujours été proches, malgré leurs problèmes passés. Elle admirait leur amour et la solidité de leur couple. Cependant, sa mère n'avait guère changé et elle aimait toujours autant le taquiner. Lawrence se contenta de rire, alors Anaïs s'autorisa à le rejoindre dans son hilarité.

    Bien plus tard dans la journée, chacun vaquait à ses occupations. Les informations se terminant, Lawrence éteignit la télévision et s'engagea dans le couloirs en direction de son fauteuil. C'était l'heure de sa sieste quotidienne. Anaïs, dans les bras d'Eloi regarda avec amour son père s'éloigner. Il vieillissait à vu d'œil et ses habitudes se conformaient aux idées reçus des séniors.

    - Il va bien, ma Chérie.

    La voix d'Eloi la fit légèrement sursauter. Elle se tourna légèrement vers lui et put découvrir son magnifique regard sur elle. Malgré le temps, malgré son amour pour lui, elle se sentait toujours gênée.

    - Je sais qu'il va bien... Mais je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter. Ce voyage était une folie.

    - Une folie qui a rapporté gros ! La pierre que ta mère a ramené lui a valu un sacrée prime !

    - Eloi ! S'insurgea Anaïs.

    Il semblait oublié que la vie de Lawrence fut mise en jeu, tout celle de sa mère, lors de cette aventure. Eloi eut la décence de baisser le regard. Il ne l'oubliait pas, mais son beau-père allait mieux maintenant. Alors pourquoi ne pas en plaisanter ?

    - Tu es incorrible... Lui murmura la blonde.

    - Et c'est pour ça que tu m'aimes ?!

    Elle lui offrit une tape sur la cuisse, faussement en colère. Bien qu'elle l'aimait et que cette qualité lui avait en partie dérobé le coeur. Mais entre le savoir et l'admettre, le fossé était très grand. Elle se contenta alors de lui sourire. Front contre front, yeux dans yeux, ils s'avouèrent, encore et encore, leur amour.

    - Je suis si heureuse avec toi, Eloi.

    - Et moi bien plus encore... Fit-il en passant une main sur le ventre bien rond de sa femme tout en échangeant un baiser.

    L'heure fatidique était proche et Anaïs approchait de son terme. Son ventre était tendu et lourd et la vie fourmillait en elle, gesticulant à toutes heures, à tout moment de la journée. Les nuits étaient souvent très longues pour elle. Elle bailla et s'étira. Eloi l'aida à se lever et la conduisit dans leur chambre, afin qu'elle se repose.

    Une fois Anaïs endormie, il la quitta et relaya sa belle-mère. Ambrine allait travailler et Aslinn avait besoin d'apprendre à être plus autonome, avec la naissance des futurs bébés.

    - Allez ma Grenouille. Fais plaisir à Papa et fais caca comme les grands, d'accord ?

    Mais Aslinn le fixa un long moment, s'interrogeant. Mais Eloi joua de patience et la remit en place un nombre de fois sur le pot et lui dicta inlassablement ce qu'elle devait y faire.

    Peu après, il quitta la pièce, laissant Aslinn au soin de son grand-père puis décrocha son téléphone, lorsqu'il sonna. Il n'aimait pas ce qu'il avait vu sur l'écran de son téléphone, mais il pouvait ignorer l'appel.

    - Oui, Eloi à l'appareil.... Hum... Oui, c'est bien moi qui suis sur ce dossier... Pardon ?

    Sa voix se répercuta contre les murs du couloir, sous la panique. Il tenta de calmer son cœur puis répondit à la dernière question que son patron lui posa.

    - Très bien, Monsieur. Le temps de prendre mes clés et je suis à vous.

    Il raccrocha tout en jurant. Lui qui pouvait enfin se détendre avec sa famille, le voilà à devoir faire des heures supplémentaires. Il soupira tout en se massant la nuque puis s'engagea dans le salon.

    Il y retrouva sa belle, qui inquiète, se levait du canapé. Il lui offrit un léger sourire qu'il voulait rassurant, mais il ne pouvait la tromper. Anaïs passa alors ses bras autour de la taille et le serra contre son gros ventre. Eloi fut touché par son geste et lui rendit son étreinte.

    - Je suis désolé, mon amour. Je dois partir.

    - Encore une urgence ?

    Il n'y avait dans sa voix aucune trace de rancune, ni de colère, juste une pointe de tristesse et de peur. Il lui baisa alors le front et lui caressa les cheveux.

    - Je fais au plus vite, je te le promet.

    - Je sais... Mais soi prudent surtout... Si jamais il t'arrivait quelque chose...

    Un sanglot l'étrangla légèrement. Eloi la serra plus fort contre son corps et la rassura de sa chaleur.

    - Pour rien au monde je ne vous quitterai, toi et les enfants.

    La nuit était là depuis un petit moment, et Anaïs nourrissait Aslinn. La petite peinait avec la cuillère mais elle mangeait plus ou moins toute seule. Lawrence entra à cet instant dans la pièce et salua les deux têtes blondes.

    - Comment vous mes deux reines, ce soir ?

    - Coucou Papa... Et bien, on va bien ! N'est-ce pas Aslinn ?

    Anaïs chercha une réponse auprès de sa fille, mais la petite l'ignora, occupée par sa pitance. Cela fit rire le vieil homme qui rejoignit sa fille.

    - Anaïs, je sais que tu ne vas pas bien.

    - Ce n'est rien. Juste un peu de fatigue. C'est normal.

    Lawrence n'insista pas, mais il voyait bien qu'Anaïs était bien plus pâle que d'ordinaire. Ses traits étaient tirés en un rictus douloureux. Mais cette dernière s'obstinait à ne rien laisser paraître. Il secoua la tête puis entra dans cuisine car lui aussi avait faim.

    Repas englouti, Lawrence délivra sa petite fille de sa chaise, tandis qu'Anaïs peinait rejoindre sa chambre. Lawrence avait dû faire des pieds et des mains pendant tout le repas pour qu'Anaïs aille se coucher et qu'elle lui laisse la garde de la petite. Un hurlement le coupa dans ses rêveries et il se précipita à la suite de sa fille, Aslinn dans ses bras, appeurée par les cris. Il découvrit alors Anaïs, pliée en deux, une main contre le mur afin de rester debout et l'autre sur son ventre.

    Il posa alors Aslinn et tenta d'approcher Anaïs qui hurla de nouveau. Une flaque se forma à ses pieds, mêlant eau et sang. Lawrence paniqua plus encore, accentuant la propre peur de sa fille.

    - Papa... je t'en prie ! Aide-moi !! Le suppliait Anaïs entre deux respirations difficiles.

    Mais il restait là, à regarder à droite à gauche, cherchant quoi faire. Il n'avait jamais réellement su prendre les choses en mains lors des accouchements d'Ambrine et voir sa propre fille dans une telle peine l'incommodait et l'attristait bien plus encore.

    La porte de l'entrée claqua, suivit rapidement d'un "C'est moi !" retentissant, comme Ambrine avait l'habitude de faire lorsqu'elle rentrait du travail. Elle trouva étrange de voir le salon vide et surtout les hurlements qui tapissaient la maison était inhabituels. Elle se précipita alors vers la source et découvrit le désastreux spectacle qui s'offrait à elle. Elle giffla sans ménagement son époux, lui fourra la petite dans les bras et lui ordonna d'appeler l'hôpital, afin de prévenir de leur arrivée.

    Sans plus attendre, elle guida sa fille vers le garage où elle démarra la voiture en trombe. Elle savait son époux impressionnable, mais le sang sur le sol était une chose inhabituelle qui aurait dû faire réagir son époux. Elle soupira et roula à vive allure, pestant contre lui.

    Dans les rues sombres de Meadow Glen, un homme courrait à en perdre haleine. Trébuchant et s'essoufflant, l'homme d'affaire avait la peur qui lui tenaillait les entrailles. Son beau-père venait de l'appeler afin de lui prévenir qu'Anaïs était en route pour l'hôpital. Il quitta alors son patron avec précipitation, se fichant totalement de ses performances. La vie d'Anaïs était bien importante qu'une promotion.

    approchant de l'hôpital, il put découvrir deux silhouettes se découper dans la lumière du hall d'entrée. Anaïs avait les traits tirés et Ambrine l'aidait à se déplacer. Eloi, pantelant, arriva à leur hauteur. Ambrine sourit alors avec gentillesse à son gendre et lui laissa Anaïs. Une infirmière arriva enfin, un fauteuil roulant dans les mains et ils y installèrent la future maman.

    Le trio pénétra dans le bâtiment, le cœur battant.

    Au petit matin, Lawrence tentait de rester éveillé en s'occupant des tâches ménagères. Il fermait le robinet lorsque la porte d'entrée s'ouvrit. Il leva alors le regard et découvrit les nouveaux arrivants. Eloi avait les traits tirés mais le sourire ne quittait ses lèvres. Il se dégagea du passage et aida sa femme à entrer elle aussi dans la maison, dans ses bras reposé un petit bout d'eux qui dormait sereinement. Lawrence put sentir son cœur se réchauffer à la vue de ce petit être.

    - Bonjour Papa, dit faiblement Anaïs.

    Le sang peinait à rosir ses joues. Elle avait dû avoir une très longue nuit, et surtout très éprouvante. Mais elle semblait aller bien. Soutenu par Eloi, elle pencha la tête sur le côté et offrit le plus des sourires à son père.

    - Je te présente Cyprien.

    La porte se referma dans un bruit mat et Ambrine se présenta à son tour à son époux. La vieille femme tenait contre son sein un autre petit bout d'humain qui était plus virulent que le précédent. Pourtant empaqueter, le bébé ne semblait pas dénuer d'énergie.

    - Et voici notre nouvelle petite fille : Aurélianne.

    Une heureuse nouvelle pour un foyer chaleureux. Lawrence et Ambrine comptaient parmi leur rang déjà neuf petits-enfants. Leur vie ne fut pas plus brillante ni des plus joyeuses, mais ils ont toujours su tirer le bon des mauvais moments. Le sourire aux lèvres, le foyer s'endormit avec bonheur. Le passé était toujours là, mais loin d'eux. L'avenir était leur seul objectif.


  • Commentaires

    1
    Jeudi 16 Avril 2015 à 19:47

    J'ai adoré ton épisode, tout en douceur :) la vie de famille, rien de tel :D

    Bienvenue aux bébés :) et bisous à la grande soeur ^^

    2
    Vendredi 17 Avril 2015 à 11:13

    Merci Linaewen ^^ J'ai voulu faire quelque chose de simple, après tout, la vie ne l'est elle pas lorsqu'on est heureux ?

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