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Episode 12 - Ce qu'offrent les ans
Episode 12
La vie à la maison est paisible, malgré le nombre croissant de ses habitants. Les années passent tranquillement, suivant les saisons avec grâce. Ma petite Audaline est vrai petite perle. Ma fille chérie ressemble tant à son père.
Elle est un ange. D’une gentillesse sans faille. Malgré les taquineries incessantes de Neeve, elle reste d’un calme olympien. Je n’aurais jamais cru voir ça dans ma propre famille. Nos filles sont réputées pour leur caractère trempé et une légère impatience.
Si nous, êtres humains, vivons heureux, nos amis félins également. Tyrinel avait bien vieilli et notre Maya ne tarda pas à suivre son exemple. Je ne sais pas si l’amour chez les animaux existe, mais si c’est le cas, ces deux-là l’illustre bien.
Et voici mon dernier joyau. Othilie, ma dernière-née. Cette enfant est si joyeuse, elle égaye mes journées. A force de grossesse, j’ai dû quitter mon emploi. Cela avait bien embêté Céleste, lorsqu’elle dû me demander de choisir entre ma famille et mon boulot, mais la réponse fut évidente. J’aimais mes enfants et jamais je ne pourrais privilégier mon travail à leur dépend. J’avais pris la décision sans en discuter avec Servan, mais lorsqu’il apprit la nouvelle, il m’a souri, simplement.
Ma vie est parfaite, nous vivons heureux dans cette maison familiale, le tout en suivant l’exemple de mes ainés. J’ai parfois contact avec Anthelm, mais conjuguer nos vies devient de plus en plus difficile. Lui il a son travail et sa famille, et moi la mienne.
Et mon petit doigt me dit qu’elle ne tardera pas à s’agrandir d’ici peu. En ce moment, la salle de bain reste ma pièce favorite de la maison.
Servan va bien. Enfin en apparence… Je crois que son époque lui manque, il passa la plupart de ses soirées dans la cour à discuter avec ses amis du futur… Enfin, il croit que je ne le vois pas mais, il est difficile de louper ça.
- Hé Audaline !
- Quoi ? Dit-elle la bouche pleine.
- C’est vrai qu’on t’embête à l’école ?
La fillette ne prit aucunement la peine de lui répondre. Elle lui lança cependant un regard noir ce qui fit déglutir son aîné. Puis elle se leva de table.
- Alors mes choux ? Bien dormi ? S’enquit leur mère.
- Ca va M’man. Répondit Neeve tandis qu’Audaline le pria silencieusement de ne rien dire à leur mère.
- Audaline ? Ça va ma chérie ?
Elle ne dit rien et sourit tout simplement à Aèla. L’adulte resta un moment muette alors que la petite quittait la pièce. Audaline ressemblait tant à son père, physiquement et psychologiquement.
Plus tard dans la matinée, les enfants attendaient leur bus. Neeve chevauchait avec hargne sa moto. Mais la conversation était loin d’être terminé pour lui. Il aimait sa petite sœur, même si il l’embêtait souvent, hors si quelqu’un venait à l’embêter, il ne l’accepterait pas.
- ‘Line…
- Je sais ce que tu vas dire, Neeve. Oublie ! Les enfants sont stupides c’est tout.
- Tu es une enfant aussi, tu sais ? Cette réponse fit rire sa benjamine. Sérieusement Audaline… Si on t’embête, faut me le dire.
Elle stoppa son mouvement et observa son frère. Il était sérieux derrière le rouge qui tâchait ses joues. Il n’était pas du genre à étaler ses sentiments, de toute façon la blonde n’avait pas besoin de cela pour savoir que son frère l’aimait mais l’entendre dire changer parfois les choses.
- Merci… Dit-elle simplement en souriant.
Puis elle reprit de plus belle son rodéo, histoire de mettre à l’aise son ainé de frère et de passer à autre chose. Cela fit rire Neeve à son tour qui voulut la rejoindre dans sa longue chevauchée, mais la voix de leur mère brisa leur espoir. Il était l’heure d’aller à l’école.
Les plus âgés partit, Servan au travail, Aèla était seule avec sa cadette. La petite se confrontait à l’apprentissage et défiait ses épreuves avec facilité. Pour le bonheur et la fierté de sa mère. Othilie maîtrisait de mieux en mieux les mots et ses pas s’affirmaient au fils des exercices.
L’automne était là depuis longtemps, et les enfants rentraient de l’école. Alors que l’on s’attendait à des rires, ce fut des éclats de voix qui désignèrent à Aèla le retour de ses enfants.
- Neeve !
- Non, Audaline ! Tu te tais !
Aèla attendait son fils de pied ferme dans l’entrée, tapant du pied, sous l’impatience. Quand Neeve vit sa mère qui fulminait, il avait conseillé à sa sœur de se taire et de filer directement dans sa chambre.
- Tu peux m’expliquer ? Demanda-t-elle, la voix proche du cri.
- Maman…
- Neeve ! J’ai reçu un appel de ton directeur me disant que tu t’es battu !?
L’enfant baissa la tête. Il n’était pas fier de son geste, mais il ne regrettait cependant pas cet acte. Il l’avait fait pour protéger sa sœur. Hors, il avait fait la promesse à cette dernière de ne jamais dire à ses parents ce qu’il se passait à l’école. Audaline y tenait.
- Pardon Maman…
- "Pardon" ? C’est tout ce que tu trouves à dire, Neeve ? Et en plus de ça, tu as perdu tes chaussures…
Le petit prit peur un instant, les yeux de sa mère ressortaient de leur orbite. Mais il prit sur lui et écouta sans une larme le sermon interminable de sa génitrice. Il garderait le secret jusqu’à sa mort.
- Tu n’étais pas obligé de faire ça Neeve…
- Audaline, on en parle plus !
- Mais à cause de moi tu as reçu des coups et tu es puni…
La fillette était pleine de remord. Elle n’aimait pas les disputes, ni lorsqu’il y avait des cris. Cela lui faisait peur et elle pleurait facilement. C’était ce côté sensible et renfermé qui lui attirait les ennuis. Des petits camarades s’amusaient à la brimer, à lui tirer les cheveux et parfois même à la frapper. Neeve avait passé ses dernières récréations à surveiller sa sœur à son insu, puis avait pris les devants. Une bagarre se déclencha et Neeve fut accusé.
Si certains apprenaient les problèmes de la vie, d’autres affrontaient des ennemis bien plus petits encore, et parfois mortels. Stupéfix, une des filles de Tyrinel et Maya, avait réussi à attraper des puces. Servan était donc de corvée et à son grand étonnement, la chatte se laissa laver sans trop de soucis.
- Tu te rends compte Servan ?
Aèla venait de lui expliquer l’évènement du jour : la bagarre de Neeve. Servan avait écouté, en silence, les propos de sa femme. Elle était encore en colère après son fils, mais c’était surtout l’inquiétude et la peur qui la faisait agir ainsi.
- Neeve, mon grand… Tu ne veux pas me dire pourquoi tu t’es battu ?
Le petit dévisagea son père, comme si il se sentait en danger, mais le visage doux de Servan lui fit perdre son assurance et il baissa les armes. Après avoir jeté un regard à sa sœur qui lui donna l’autorisation de parler, il fixa ses parents tour à tour.
- C’est pas vraiment de ma faute, Papa. Ce sont eux les méchants, ils n’arrêtent pas t’embêter Audaline.
- Qui ça ? Demanda Servan.
- Les grands du collège. Il lui tire les cheveux, lui prennent ses affaires, même une fois, ils l’ont trainé jusque dans les toilettes et l’ont enfermé.
Audaline baissa les yeux dans son assiette, le visage éteint. Sa mère hoqueta d’horreur puis se mit à pleurer tout en prenant sa fille entre ses bras.
- Pardon… Je sais que j’aurais pas dû me battre, mais…
- Non, c’est vrai, tu n’aurais pas dû ! Le petit baissa les yeux à son tour, s’attendant à un autre sermon. Mais tu as défendu ta sœur, et pour ça, je te remercie. Mais la prochaine fois, parles en a un adulte. Ma chérie, cela vaut pour toi également.
La petite hocha la tête, elle ne pleurait pas, sa mère s’en chargeait pour elle. Servan prit la main de sa femme qui lui sourit. La pauvre ne comprenait pas la cruauté des enfants à l’encontre de leurs semblables.
Après le repas, la famille vaquait à ses occupations, Aèla prit à part son fils. Elle lui devait quelques excuses malgré son comportement. Elle ne prônait la violence, même pour défendre quelqu’un mais elle était fière de lui malgré tout.
Pourtant, lorsqu’elle voulut lui parler, le petit s’illumina et se sentit étrange. Elle se rappela enfin la chose importante qui la taraudait toute la journée.
C’était l’anniversaire de Neeve. Le petit garçon devint un bel adolescent aussi brun que sa grand-mère, ce qui fit plaisir à sa mère. Emue, elle oublia ses excuses.
- Bon anniversaire mon grand.
- Merci M’man !
- Tu te rends compte bébé ? Ton frère est un grand aujourd’hui !
- Euh Maman…
- Hum ?
- Tu me pardonnes, dis ?
Si elle avait oublié les frasques de son fils, lui n’avait pas perdu le nord. Elle resta un moment muette, tout en le fixant.
Elle était déjà prête à lever la punition et à lui pardonner, mais il fallait faire durer le suspense. Après tout, son autorité en serait sapée si elle acceptait sans hésitation.
Et rien que pour voir cette bouille, cela en valait la chandelle. Au plus profond de son cœur, elle était émue, elle en pleurait presque, tant elle était fière de son ainée.
- Bon… Je vois que tu as compris ce qu’on te reprochait. Ta punition est levé mon chéri.
- C’est vrai ? Oh merci Maman !!
Elle aimait sa bouille suppliante mais son sourire était encore plus beau. Elle se jura de tout faire pour qu’il reste à jamais.
Sans s’y attendre, la blonde se retrouva dans les bras de son aîné. Neeve avait acquis une certaine force en devenant adolescent et cela la déconcerta. Elle ferma les yeux et profita de l’étreinte.
- Allez, il est l’heure d’aller au lit.
- Tu as raison…
Alors qu’il s’éloignait, il se retourna et vit sa mère plongée dans ses pensées.
- Maman ?
- Hum ? Fit-elle en se retournant.
- Vivement la naissance du bébé.
Cela arracha un sourire à sa mère qui lui ordonna de filer avec lui avoir envoyé un baiser.
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