Episode 12

L'aube se profilait doucement sur les douces rive du fleuve de Meadow Glen. Les arbres rougeoyaient de joie face à la faible chaleur du soleil d'automne. Les nuages, légèrement rosés, nappaient le ciel et venaient caresser les montagnes qui bordaient la ville.

Si le réveil de la nature se faisait plus doux et plus calme, les Vauganne subirent un tout autre genre de réveil. Aslinn avait décidé de se lever, et comme les adultes étaient bien trop long à la servir, la petite donnait de la voix.

Ambrine arriva alors et avec un immense sourire, fit semblant de la réprimander. Cette enfant était un ange qui ne pouvait encore s'exprimer avec des mots. Son apprentissage était assez long mais la petite évoluait à son rythme. Avec six enfants, il y avait bien une chose qu'Ambrine avait apprise : la patience.

Alors elle était bien décidée de l'appliquer et l'inculquer à ses petits-enfants capricieux. Aslinn eut beau réclamer sa pitance, elle ne l'obtint qu'en même temps que sa grand-mère. Après tout, un repas se passait toujours en famille. Apprendre cela dès le plus petit âge était important.

Mais enfant on demeure longuement impatient. Et Aslinn savait comment s'exprimer. Elle frappait, tapait des pieds et bougonnait dans son coin. Mais Ambrine était hermétique à tout cela. Si ses quatre aînés étaient des anges de patience, Azilis était loin d'être ainsi. Cela mit le sourire aux lèvres de la vieille femme, qui mâchait avec délice sa part de gâteau.

Mais ses bonnes résolutions furent légèrement brisées par un jeune père impatient et bien trop gaga de sa fille. Aslinn riait de bon cœur lorsqu'Eloi la sortie de sa chaise, lançant un léger regard triomphant à sa grand-mère.

- Ce n'est que partie remise, petite diablesse, lui souffla Ambrine.

La petite se mit à rire de plus belle et commença à agripper le nez de son père. Eloi lui sourit tout en la stoppant dans son geste et la posa sur le sol.

C'était à leur de manger. Anaïs et Eloi venaient de terminer leur devoir de parents envers les jumeaux et prenaient un léger temps pour eux. C'était le week-end et Eloi ne travaillait pas. Anaïs se délectait de ce moment à venir. La petite Aslinn à leur pied, ils discutaient de tout et de rien.

- Tu sais, mon cœur, Maman a raison.

- A propos de quoi ? Demanda Eloi.

- Aslinn.

Eloi battit des paupières et scruta sa femme. Il ne voyait absolument pas où elle voulait en venir. Ambrine s'occupait avec gentillesse et efficacité de leurs enfants, et il n'avait rien à lui reprocher.

- Je ne vois absolument pas de quoi tu parles, Anaïs.

- Mais si ! Ma mère pense qu'on la gâte trop et que cela lui gâtera le caractère.

Eloi soupira. Ambrine s'en faisait trop. Certes, la petite était couverte d'attention et d'amour, mais n'était-ce pas ce dont un enfant avait le plus besoin ? De plus, sa place d'aînée en faisait une enfant spéciale.

- Anaïs... Ta mère s'inquiète trop. Aslinn était notre petit ange.

- Je ne veux pas qu'elle me ressemble, Eloi.

L'homme s'étouffa alors, puis observa sa femme. La tristesse teintait sa voix, mais son visage était sérieux. Le roux reprit contenance en se tapotant légèrement la gorge puis posa sa fourchette. L'heure n'était plus à son pancake.

- Anaïs... Tu t'entends ?

- Parfaitement. Eloi, tu sais comment je suis. Timide, incapable de prendre une décision et bien trop naïve. Je me déteste pour tout cela. Mais j'ai eu de la chance de te rencontrer, mais si mes enfants n'ont pas cette chance... Je...Je ne le supporterai pas...

Sa voix se brisa dans un léger sanglot. Anaïs était encore faible. Son accouchement datait d'il y a une semaine à peine, et les hormones n'étaient pas encore stabilisées. Mais son époux savait pertinemment qu'Anaïs s'estimait de peu de valoir et que ses peurs étaient sincères. Il quitta alors sa place et pris sa belle dans ses bras afin de la consoler et la rassurer. Ses enfants ne seront jamais faible, bien que sa femme ne le soit pas. Il en était convaincu. Et s'ils lui ressemblaient, cela serait un des plus cadeau qu'on puisse lui offrir.

 

Le lendemain, dimanche, alors que la petite famille vaquait à ses occupations, la porte d'entrée s'ouvrit avec fracas et laissa place à une Azilis sur-enjouée, qui pénétra dans la demeure d'un pas dansant.

- Salut la compagnie !

Lawrence, qui avait relevé la tête en entendant sa fille entrer, lui sourit et la salua à son tour.

Derrière elle suivit la fratrie, Taliesin, Willheim et Yoric. Les enfants s'étaient donnés rendez-vous à l'extérieur, souhaitant faire une belle entrée et surprendre leurs parents. Pari réussi, car Ambrine eut un hoquet de peur alors qu'elle était tranquillement installée devant la télévision. Elle les réprimanda alors que tous riaient.

La raison de leur présence ? Elle était simple : un anniversaire. Mais lequel ? Le temps filait à une telle allure qu'Anaïs ne sut que tard dans la matinée que ses parents avaient décidé de lui donner une petite fête familiale pour ce moment particulier. Anaïs était plus que touchée de voir sa famille auprès d'elle. La blonde pleurait légèrement dans les bras de son frère, tandis que le reste des convives arrivaient.

- C'est gentil d'être venue. Surtout que c'est aussi vos anniversaires, à Will, Eudes et toi.

- Bah on a toujours fêté nos anniversaires ensemble, ce serait bizarre de pas continuer, tu crois pas ?

Anaïs sourit alors à son frère. Il n'avait pas tort. Les quadruplés, bien qu'aujourd'hui séparés, ne pouvaient se défaire de ce petit lien qui les reliaient. Leurs anniversaires étaient commun et donc cela était naturel pour eux que la fête le soit également.

Mais, alors que tout le monde discutait de sa petite vie, Eudes dût partir précipitamment. Son père l'accompagna jusqu'à la voiture, affichant son sourire habituel. Eudes était triste de devoir quitter la fête aussi rapidement, mais une urgence était une urgence.

- Ne t'en fais pas, mon fils. Ta femme est plus importante qu'une petite fête.

- Merci Papa, mais je suis quand même déçu, pour une fois qu'on était tous réuni.

- Tu n'es pas le seul à devoir partir. Ta mère doit aller travailler, Tal' et Azilis également.

Mais cela ne consola guère le brun qui baissa le regard. Lawrence plaça une main sur l'épaule d'Eudes et la pressa légèrement. Eudes était une personne discrète et parfaitement terre-à-terre, mais il aimait profondément sa famille.

- Va rejoindre Sybille, Eudes. Après tout, elle va donner naissance à ton nouvel enfant. Et surtout, prends garde sur la route.

Il était si difficile de réunir tant de personne à la fois. Mais bien que peinée, Anaïs put que comprendre les obligations de ses frères et sœurs. Elle soupira devant son gâteau, tandis que les derniers invités lui souhaitaient un bon anniversaire.

Elle leur sourit puis se tourna vers le gâteau, se concentra sur le vœux qu'elle pourrait souhaitait. Elle prit le temps qu'il lui fallut puis se décida enfin à souffler ses bougies. Les flammes s'éteignirent péniblement, comme si elles refusaient de prendre part à l'histoire, comme si elles ne souhaitaient faire parties du passé.

Mais le temps était plus puissant que n'importe quel souhait. L'on pouvait souhaiter la jeunesse éternelle, jamais elle n'arriverait. On pouvait souhaiter vaincre la mort, jamais la vie ne pouvait prendre le dessus. Vieillir n'était pas une fatalité, mais un passage obligatoire dans le cycle d'une vie. Anaïs n'avait pas peur de vieillesse, cela ne l'empêcherait jamais de vivre ou d'aimer.

Gâteau découpé, et convives installés, les Vauganne discutaient de tout et de rien. Relatant leur petite histoire de famille. Toute la fratrie avait des enfants, sauf Azilis et Keiko. Cela faisait beaucoup de monde et les branches de l'arbre familial ne cessait de croitre. Lawrence et Ambrine comptait parmi leur rang neuf petits-enfants resplendissants de santé et aimant à problème.

Mais cela n'empêchait pas les parents de les aimer. Les enfants étaient ainsi, facilement détestable mais ils ne pouvaient jamais perdre l'amour de leurs parents. Yoric, bien que jeune et ambitieux, travaillait dur à élever ses fils dans un foyer plein d'amour, auprès de Jessica. Mais il croulait sous les dettes et dû déménagé de sa belle demeure. Lawrence était peiné et inquiet de savoir son fils dans la panade.

- Ecoute Papa, c'est gentil ! Mais non !

- Avec ta mère, on a de quoi se retourner, Yoric. Donc si tu as besoin d'...

- J'ai dit non !

Keiko, qui était dans la cuisine, écoutait l'échange avec intérêt. Si Yoric avait des soucis financiers, et qu'il refusait toute aide de ses parents, peut être qu'avec Azilis, elles pourraient l'aider. Elles avaient beau être originales et assez égoïste de prime abord, le couple de femme avait un grand cœur. Le jumeau de sa femme allait très mal, mais sa fierté l'empêchait d'accepter de l'aide. Keiko savait qu'Azilis saurait le convaincre d'accepter leur aide. Sa jumelle, en bonne enquêtrice, savait manier les mots et se défaire des situations difficiles. Et elle même, avec son jeu d'actrice, savait comment simuler certaines émotions.

Plus loin, dans le couloir, Anaïs et Jessica tenait le même discours que Yoric et son père. Mais la rousse était bien plus compréhensible que son entêté de mari.

- Je sais que Yoric déteste demander de l'aide.

- Il est fier... et surtout très entêté.

- Contre ça, je ne peux rien y faire... Déplora la blonde. Mais je peux vous aider à sortir le nez de l'eau, Jessica.

- Je te remercie, Anaïs. Sérieusement, on a pas besoin de beaucoup, juste de quoi boucler notre mois. Yoric pense à notre réputation, mais moi je vois l'avenir de nos enfants. Tanguy et Charles demandent beaucoup de ressources. Avec ton frère, on peut se passer de beaucoup de chose, mais nos enfants ont droit à une enfance digne et décente.

Anaïs fut touchée par la sincérité et la peine qu'éprouvait Jessica face à la fierté mal placé de son époux. Yoric était un homme bon, aimant et chaleureux, mais le milieu de la politique l'avait rendu fier et intransigeant.

La fête avait continué jusqu'à tard dans l'après-midi, mais tout le monde avait regagné sa maison une heure plus tôt, laissant la maison sans dessus-dessous. Alors qu'Anaïs et Eloi rangeait, Lawrence s'occupait des enfants. Mais, malgré le calme du crépuscule, un drame arriva.

Le rouge des feuilles se confondaient avec celui du ciel et des briques du gymnase de la ville. Ambrine en franchissait le seuil, fatiguée. Sa journée de travail fut éprouvant, bien qu'elle ne courrait plus guère après la balle, mais avoir un rôle représentatif était tout aussi épuisant si ce n'était plus. Elle songeait de plus en plus à prendre sa retraite. La porte se referma alors derrière elle mais elle ne s'en soucia guère, sentant son cœur s'alourdir brutalement.

Mais cela ne lui faisait nullement mal. Aucune douleur, aucune peur. Juste un sentiment de plénitude. Elle regarda alors autour d'elle et découvrit son corps translucide. Elle comprit alors qu'elle venait d'atteindre le terme de sa vie. Elle qui avait vécu tant de chose, elle passait de l'autre côté après tant d'années.

Une grande explosion retentit alors sur sa gauche puis un juron s'échappa des buissons. Une silhouette capée et sombre s'extirpait avec difficulté des buissons puis enjamba le murés péniblement, s'empêtrant dans sa longue robe noire. Ambrine soupira. Voir ainsi la Faucheuse ne pouvait confirmer ses pensées. Elle était morte et elle venait la chercher.

- Ah ! Je te trouve enfin ! Toi qui est de cette sale engeance !

- Pardon ? S'offusqua la vieille femme.

- Oui ! Ton infâme ancêtre, Aimée, je peux enfin me venger d'elle ! Enfin !!!

Ambrine papillonna des yeux un long moment avant de saisir les propos de la Dame en noir. Dans le passé, il y a des siècles bien avant sa naissance, son ancêtre Aimée avait réussi à duper la mort et à allonger sa vie.

Et il semblait, malgré le temps passé, que cette noble Faucheuse, avait une dent contre son ancêtre. Cela fit rire Ambrine.

- Ris-tu de moi, Mortelle ?

- Pardon, mais il faut reconnaître que c'est drôle. Cette rancune qui vous habite est totalement désuète, aujourd'hui.

- Comment ? S'offusqua de nouveau la Mort.

- Aimée est morte et enterrée depuis des lustres, et vous êtes encore là à ruminer contre elle. A quoi sert cette soif de vengeance, puisqu'elle est déjà assouvie ?

La Dame en Noir sembla réfléchir un instant puis rit à son tour. Sa voix était éraillée et terrifiante, mais Ambrine n'était pas du tout impressionnée, au contraire, elle gardait son sentiment de sérénité. La Mort la remercia en lui serrant la main. Puis elles disparurent, toutes deux, dans une épaisse fumée.

A l'autre bout de la ville, alors qu'il s'apprêtait à coucher Aslinn, Lawrence sentit son cœur se serrer, et entendit comme une espèce de verre qui se brise. Il releva un sourcil, cherchant du regard la source de se bruit, puis les larmes lui montèrent aux yeux. Il comprit alors qu'une chose terrible venait de se produire. Main sur le cœur, il ne put contenir sa tristesse.

Sa femme venait de partir, à jamais. Loin de lui, sa moitié, son amant, son meilleur ami. Il perdait un élément important de sa vie. On lui volait une partie de son cœur. La petite, au sol, pleurait de tout son corps, tremblante. Elle aussi comprit que sa vie serait différente désormais.

Le téléphone retentissait dans la maison, alors qu'Anaïs nettoyait les restes des festivités. Ce fut le sourire aux lèvres qu'elle décrocha le téléphone et avec une voix enjouée qu'elle salua son interlocuteur.

- Anaïs ...?

- Oh ! Bonsoir Régis ! Comment allez-vous ?

Un long silence s'installa. Intriguée, la blonde pencha la tête sur le côté.

- Régis ?

- Oh pardon ! Se reprit l'interlocuteur. J'ai cru un instant que c'était Ambrine.

- C'est ma mère que vous cherchez ? C'est dommage, elle n'est pas encore rentrée du travail. Je peux toujours lui demander de vous rappeler.

- Anaïs...

La voix de l'homme était brisée et chargée de tristesse. Cela ébranla l'adulte qui sentit son coeur se serrer.

- Que se passe t'il, Régis ?

- Je suis désolée, Anaïs, mais ta mère... ta mère nous a quitté.

Le silence résonna dans son crâne. Elle le trouva assourdissant et perdit l'équilibre un instant. Elle se rattrapa au meuble, puis raccrocha le téléphone, tremblant de tout son être.

Eloi arriva alors, curieux de savoir qui avait téléphoné, mais il trouva sa femme murée dans un silence indescriptible et terrifiant. Sans attendre il l'a prit dans ses bras et la forca à le regarder. Mais les yeux de la femme restèrent vide d'expression.

- Anaïs... Parle-moi...

Mais tout ce qu'il obtint fut un sanglot déchirant présageant un long moment de larme. Il sut alors qu'une chose terrible venait de se produire. Il la serra contre lui et la berca légèrement. Elle pleurait à chaude larme, trempant sa chemise, mais il s'en fichait. La peine qu'éprouvait sa femme était bien plus importante et inquiétante.

- C'est Maman...

Inutile d'en dire plus. Ces simples mots avaient confirmé les doutes du jeune homme. Ambrine venait de trépasser, laissant derrière elle six enfants et neuf petits enfants -Eudes venait tout juste être Papa d'une petite Romane. Ses larmes se joignèrent à celle de sa femme. Ambrine était une femme en or, une belle-mère aimante et une bonne amie, pour le jeune homme. Son absence allait créer un vide inconsolable...

- Adieu Ambrine. Je vous promet de prendre soin de votre famille... Se dit-il.