Episode 14

Même si Wyatt était occupé, il prenait le temps de prendre soin de ses enfants. La petite Aveline adorait les bains avec son père. Tant que Léonie abandonna cette tâche – à regret- pour la déléguer à son époux.

Le chanteur agrémentait cette activité de chanson enfantine que la petite reprenait tant bien que mal. Il en faisait un jeu et Aveline n’était que demandeuse.

- Qui est-ce qui grandit ce soir ?

- ‘line !!

- Et oui, toi et ta sœur vous grandissez.

Wyatt avait un petit pincement au cœur. Le temps filait à une telle vitesse qu’il avait l’impression que c’était hier qu’elles venaient de rejoindre la famille.

- Bon et si on sortait de l’eau maintenant ? Demande Wyatt après avoir regardé l’heure.

- Na ! Fit-elle taquine.

- Oh que si jeune fille ! Papa doit aller travailler.

- Na ! Papa rester maison.

- Je suis désolée ma puce mais si Papa doit travailler.

- Pou’quoi ? Demanda-t-elle avec tant d’innocence et de tristesse

Wyatt soupira et baissa les armes. Il promit encore cinq minutes de jeu à sa fille, lui ramenant le sourire aux lèvres.

Plus tard dans la journée, alors que Léonie terminait l’apprentissage d’Aveline, Fabien revenait de l’école.

- Bonjour Tata.

- Salut Fabien ! Alors ta journée ?

- Bof… Normal… Dis ça te dérange si j’amène quelqu’un à la maison ?

- Non pourquoi ?

- On doit rendre un boulot pour le cours d’Histoire, et c’est un truc en groupe.

- Ton camarade doit arriver quand ?

- Il est déjà là.

Léonie haussa un sourcil tout en jetant un œil vers l’entrée. Elle aperçut alors un autre de ses neveux qui passait le pas de la porte de façon décontracter, le sac sur le dos. En reconnaissant Muiris, la blonde ne put que sourire et le saluer. Il lui fit la bise, taquina de son doigt les joues d’Aveline et répondit aux questions de sa tante qui prenait des nouvelles d’Othilie. Cette dernière venait de mettre au monde deux autres petites filles, Séverine et Michela.

Elle laissa alors les adolescents s’installer dans la salle à manger pour travailler, puis reprit son activité. A croire qu’elle et ses sœurs étaient très fertiles, car, elle-même avait eu  les jumelles et Aldrick. Audaline, bien que sur le tard, eut Maverick et deux jumeaux le même jour que la naissance d’Aldrick, répondant aux noms de Jean-Pierre et Jane. Et ce fut le tour d’Othilie qui fit un deux paires de jumeaux dans sa vie. Muiris et Moïra, adolescents au jour d’aujourd’hui, puis les deux petites dernières.

- T’es sur qu’on aurait pas pu aller chez toi ?

- Non, avec les deux petites, impossible…

- Tu crois que c’est mieux ici ?

- Contrairement à Aveline et Adélaïde, mes sœurs sont de nouveau-nées. Elles braillent tout le temps…

- D’accord, d’accord ! J’ai rien dit… N’empêche, je suis bien heureux d’être fils unique.

- T’imagines même pas ta chance !

Le soir venu, Wyatt était rentré plus tôt pour l’occasion, et le gâteau fut rapidement installé. La petite Adélaïde regardait cette étrange chose avec un petit rictus, mais son père lui indiqua les flammes qui se reflétèrent dans ses yeux. La petite était obnubilée par leur danse.

- Bon anniversaire ma chérie ! Hurlait Léonie.

- Chouette du gâteau ! Tout compte fait je vais rester plus longtemps, dit Muiris alors qu’il s’apprêtait à rentrer.

Au sol, la petite blonde se sentit différentes, comme des picotements  qui lui parcouraient tout le corps. Elle se releva sur ses deux jambes flageolantes et tourna sur elle-même.

Pendant ce temps, alors qu’on félicitait Adélaïde, la petite Aveline était dans la cuisine en train de subir la même métamorphose.

Une petite danse promettait toujours de l’agréable. Et si un pas permettait un nouvel avenir ? Comme sa jumelle, elle passa de l’âge ingrat à l’enfance. A elle la liberté !!!

Mais elles n’étaient pas les seules à franchir un cap cette nuit-là. Aldrick aussi fêtait son anniversaire. Le petit laissa apparaitre les traits de ses deux parents : les yeux de Wyatt et les cheveux de sa mère.  En découvrant cela, Léonie eut une petite déception, espérant vainement qu’il devienne comme Neeve.

- Alors les gars ? L’école ?

- Ça va, tonton. On fait aller.

- Et toi Muiris ?

- Bah tu sais, j’m’en sors bien. Lança avec flegme l’adolescent.

- Pas de petite amie ?

- Nan les filles ici sont trop nazes ! Répliqua rapidement le châtain, sous les rires idiots du blond.

Cela dépita Wyatt qui préféra garder le silence et prier que son fils ne devienne jamais ainsi.

Les petites étaient passées devant le miroir afin d’améliorer leur style et être plus à leur goût. Elles avaient adopté toutes deux la même coupe de cheveux trouvant cela jolie.

Alors que les filles se brossaient les dents, Léonie se sentit étrange. Elle se rappela alors les sensations de chaque anniversaire qu’elle vécut. Comment avait-elle pu oublier un jour si important ?

Dame Léonie passa à l’âge adulte sans trop fracas, troquant sa queue de cheval pour des queues. Lorsque Muiris vit cela, il se moqua immédiatement d’elle.

L’adulte lui offrit une réplique cinglante doublée d’une tape à l’arrière du crâne et le fit rentrer chez lui.

Elle changea donc de coiffure et rejoignit ses enfants afin de leur souhaiter une bonne nuit. Elle trouva alors sa benjamine debout, tandis que son cadet pleurait à chaude larme.

- Qu’est-ce qu’il se passe ?

- J’ai rien fait Maman ! Se défendit tout de suite Adélaïde.

- Calme-toi mon cœur. Pourquoi ton frère pleure ?

- Il est fatigué ?

- Oui. Il devrait être au lit depuis longtemps. Et toi aussi d’ailleurs.

- Je sais Maman. Dit la petite blonde en se glissant sous les draps. Mais je t’attendais.

- Pourquoi ?

- Tu veux pas me lire une histoire ?

Léonie se retourna vers sa benjamine et lui sourit tendrement.

Elle coucha son fils dans le berceau et répondit à sa fille.

- Ma chérie, il est tard. Demain tu vas à l’école. Fais comme ta sœur et dors.

- Mais je veux vraiment une histoire ! Insista-t-elle.

- Pas aujourd’hui. Vraiment… On est tous fatiguée. Elle se redressa et vit sa fille somnolente. Même toi tu tiens à peine éveillée.

- C’pas vrai… Bougonna-t-elle.

Léonie rit et alla baiser le front de chacun de ses enfants pour terminer par Adélaïde qui dormait profondément. Elle se dirigea alors vers la sortie et dans un dernier sourire, quitta la pièce en refermant tout doucement la porte derrière elle.

" Aujourd’hui nous sommes dimanche, et comme chaque dimanche, nous prenons notre petit déjeuner en famille. Enfin tous… J’aimerais pouvoir dire cela car il y avait souvent de gros dormeurs dans notre maison. Ninon rentrait au petit matin avec ses gardes de nuits et Magnus travaillait tard pour pouvoir être éveillé aux mêmes horaires qu’elle. Fabien était donc un peu comme mon aîné. Il s’entendait à merveille avec mes puces. Ils étaient si complices et jouaient sans cesse ensemble. Pour elles, il était capable de mettre de côté sa révulsion pour l’extérieur.

Mon cher et tendre époux quant à lui prenait son rôle de père au sérieux. Je crois qu’il n’a jamais eu besoin de beaucoup de sommeil, car toutes les nuits il me veillait. Désormais, mes cauchemars appartenaient au passé et reportait son attention sur nos enfants.

Adélaïde et Aveline était de vraies petites perles. Je n’aurais jamais pu rêver de meilleures filles. Douces et calme –bien qu’Aveline est toujours plus réservée que sa jumelle- elles s’exprimaient, dansaient, chantaient… Elles étaient mon rayon de soleil !

Mais aujourd’hui notre univers allait changer. La fin de la cohabitation était arrivée. Magnus allait nous quitter. Vous allez dire qu’il était temps ? Mais lui et moi sommes d’accord là-dessus… Il n’y a jamais de bon moment pour dire au revoir lorsqu’on s’aime.

Alors chacun joue les prolongations, profitant de chaque instant, espérant qu’il dure à jamais. Wyatt adorait mon frère. Ils étaient devenus plus de amis : ils étaient des confidents. Ce que Wyatt ne m’a jamais dit, c’est qu’il sauva mon frère lorsqu’il coupa les ponts avec son actuelle femme. Il fut un phare parmi une brume si épaisse qu’il ne discernait ni devant lui, ni derrière lui.

Nous avions annoncé la nouvelle aux filles la veille. Elles n’avaient pas réellement compris mais à force d’explication, on réussit à leur tirer des larmes. Elles ne voulaient que rien ne change. Elles n’avaient connu que cela en même temps.

Elles ne voulaient rien entendre. Adélaïde hurlait tout en pleurant, tandis que dans ses bras, sanglotait en silence Aveline. Quatre adultes qui tentaient de démêler un sac de nœud n’arrivèrent à rien. Fabien intervint alors et leur dit simplement qu’ils partaient mais qu’en rien ça ne changeait leur relation.  Les larmes devinrent sourire.

Si seulement nous pouvions tous rester enfants… C’était si simple d’être un enfant…

L’heure du départ sonna. Retentissant comme une corne de brume annonçant l’apocalypse.  Je dû les regarder partir. Mon Wyatt était trop fier pour montrer ses larmes et prétexta devoir s’occuper d’Aldrick. Mais j’ai su qu’il voulait rester seul, ainsi je n’ai pas insisté.

Mes filles, elles restèrent loin et observèrent la scène du jardin, cachées derrière un arbre. Mais mon instinct me fit comprendre qu’elles pleuraient encore. Et moi ? Moi j’ai dû faire bonne figure car si je pleurais également Magnus ne serait jamais parti et cette cage que j’ai construite ne se serait jamais ouverte.

Non, jamais il ne serait parti si je ne l’avais forcé. Mais c’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Pour lui, pour son couple,

Au revoir mon frère ! Tu seras à jamais le bienvenu chez moi, car mon toit est ton toit. Ton sang est mon sang, ton passé est le mien. Nous sommes à jamais lié. Nous sommes frère et sœur… »