Episode 16

L’hiver s’installait tranquillement à Roaring Heights, bien que l’automne ne semble pas vouloir partir. Mais parfois la neige ne voulait tout simplement pas se montrer.

Au grand damne de bien des enfants qui ne rêvaient que d’une chose : ne pas aller à l’école.

Mais les rêves n’étaient là que pour être des rêves, surtout à cet âge.

- C’est nul l’école… Se plaignit Adélaïde.

- Je trouve pas, moi.

- Je sais pas ce qu’il te faut ! On doit se lever tôt, écouter en classe et faire des devoirs… C’trop nul…

- Vois les bonnes choses Adélaïde, on peut se faire des copains.

- Tu rigoles ?! Y’a pas d’enfant de notre âge ici.

- Tu oublies euh…

- Vas-y, cherche des noms… Franchement, à part nos cousins, c’est trop nul ici.

- T’es quand même négative Adé… Franchement, c’est pas si mal ici. C’est joli.

- Ouais ben j’en ai marre du joli.  Je veux des amis…

Aveline n’ajouta plus rien. Elle ne pensait pas comme sa sœur mais il fallait bien reconnaitre que les enfants à Roaring Heigths n’étaient pas légions. Surtout ceux de son âge. Leur classe était à peine complète et les élèves ne portaient pas les jumelles dans leur cœur, car elles étaient les nièces de la Directrice : Audaline Miller.

Adélaïde se retira, ayant terminé ses devoirs, laissant Aveline seule dans la salle à manger. Léonie sortit de la cuisine avec une assiette de hamburger. Elle trouva alors sa fille en train de travailler.

- Ca va ma grande ?

- Hum…

Le silence se fit pesant. Aveline ne parlait pas beaucoup et Léonie s’y était accoutumée, mais cela la rendait triste malgré tout.

- Quelque chose ne va pas ?

- Non…

- Aveline, si tu ne parles pas, je ne pourrais jamais comprendre.

- C’est bon Maman… Il n’y a rien.

Léonie n’insista pas mais elle se dit qu’elle devra redoubler de vigilance dans les années à venir.

La vie continuait et Wyatt gagnait en succès. Ses plus grands fans bravaient le froid de l’hiver et venait réchauffer l’atmosphère en dansant.

Même Nordine était parmi eux, s’agitant comme un adolescent pré pubère.

Mais l’hiver permettait parfois, entre deux averses de neige, de s’ébrouer dans la nature. Mais la liberté était souvent proportionnelle à l’âge. Les petites Aveline et Adélaïde étaient libre de jouer, mais elles ne devaient ne jamais franchir les frontières de la cour.

Cependant les frontières étaient faites pour être étirées et écarter. Une frontière, ce n’était qu’une interprétation de l’homme pour asseoir son pouvoir et sa force sur d’autres hommes. Hors, il n’était question que de fillettes, qui elles aussi, pouvaient élargir leur horizon en s’évadant dans différents scénarios.

Aveline rejoignit sa sœur qui s’amusait dans la récente cabane acquise et la héla.

- Adélaïde ! La blonde regarda vers le sol où sa sœur lui faisait signe.

- Oui ?

- Je peux venir ?

La blonde observa sa sœur un long moment, en silence. Elle était maîtresse des lieux, tel un capitaine sur son navire. Elle se gratta le nez en réfléchissant. Elle était bien seule. Personne ne l’embêtait, mais en même temps, on s’amusait bien à plusieurs. La question était ardue.

- D’accord ! Mais c’est moi qui commande !

- Héé ! Mais pourquoi ? Demanda Aveline.

- C’est ma cabane !

- Mais Papa l’a acheté pour nous deux… Se plaignit Aveline d’une petite, une main sur un barreau de l’échelle.

- Ouais mais j’étais la première. La prochaine fois, c’est toi qui commande, d’accord ?

Le sourire d’Aveline fut sa seule réponse, puis elle grimpa l’échelle rapidement rejoignant sa sœur pour de merveilleuses aventures, digne des romans d’Aèlys Vauganne.

Wyatt avait un jour de congé et en profitait pour rester avec son garçon. Le petit Aldrick faisait le bonheur de ses parents, et plus encore à Wyatt en jouant avec le xylophone. Le chanteur voyait déjà en lui une graine de musicien. C’était d’ailleurs une de ses fiertés –futiles et stériles.

- Non mon grand… un La ! Joue-moi un La, s’il te plait !

- Il encore trop petit pour comprendre, dit Léonie.

- C’est en s’y mettant maintenant qu’il deviendra bon.

- Laisse-lui le temps d’assimiler les bases comme marcher et parler. On verra plus tard pour la musique. Conclut Léonie.

Alors que Léonie revenait de courses, accompagnée de Wyatt qui se chargeait de les ranger, elle se souvint d’une chose importante en voyant leur fils venir les accueillir.

Il passait à l’enfance, rejoignant ses sœurs dans l’insouciance et le jeu.

- Bon anniversaire mon loup !

- Merci M’man ! Dis, dis !!! J’ai vu Papa avec de gros paquets…

- Oui, Aldrick. C’est ton cadeau : une nouvelle chambre !

Le petit sauta sur place en levant les bras, tout en hurlant de joie. Cela fit rire Léonie qui l’incita à renter au chaud afin de découvrir les lieux.

Soleil brillait sur la ville. Le printemps était enfin arrivé et avec lui une multitude de bourgeon et de fleur.

La vie était paisible, les jours se ressemblant avec une petite touche d’exotisme dû aux caprices des enfants. Maintenant qu’Aldrick était un enfant, Léonie pouvait de nouveau se centrer sur elle-même. Elle reprit son jogging avec joie.

Pouvoir parcourir les rues du quartier sous un soleil timide. Sentir le vent qui transportait les fragrances printanières.  Mais Cette fois-ci, Léonie avait une petite mission : calculer le nombre de calories usés lorsqu’elle court pendant une heure. Cette expérience était rémunérée…

… Et sa commanditaire n’était autre qu’Audaline. Une nouvelle occasion pour elle de se voir.

- Merci Léonie. Ça fera un bon sujet pour les lycéens.

- De rien… Comment ça va chez toi ?

- Bien ! Très bien ! Affirma Audaline.

- Tu es sure ?

- Pourquoi ça n’irait pas ?

- Pour rien. Oublie !

Elle lui dit alors qu’elle allait rentrer chez elle mais Audaline la retint.

- Léonie, tout va bien chez toi ?

- Tu cherches à te venger ?

- Alors pourquoi tu me poses cette question ? Dit Léonie, offusquée.

- Tu ne trouves pas qu’Adélaïde est insolente.

- C’est ça le problème ? Que ma fille ait du caractère ?!

- Léonie… Plusieurs professeurs se sont plaints d’elle.

- Mais qu’ils viennent me voir alors ! Pas toi…

- C’est mon rôle en tant que directrice, tu sais.

Léonie croisa les bras et tapa du pied. Adélaïde était une enfant très intelligente et agréable, généreuse et gentille. Mais Insolente ?! C’était le pompon !

- Je les trouve gonflés…

- Adélaïde, je peux m’en occuper, mais Aveline elle…

- Parce qu’Aveline aussi pose problème ? Mais c’est quoi cette école ?!!

- Aveline est trop discrète, trop effacé ! Léonie, il faut que tu agisses ! S’emporta Audaline devant la colère de sa sœur.

- Mes filles sont très bien comme elles sont.

- Léon…

- Tais-toi ! Je m’en vais !

Et sans un autre mot, la blonde tourna les talons et reprit son pas de course pour rentrer chez elle, laissant derrière elle son aînée, dépitée.

Wyatt jouait encore, toujours de nuit, lorsque les gens pouvaient venir. Il s’en fichait de jouer la nuit, au contraire, ça apportait une certaine ambiance.

Et pis le public était plus à même à relâcher la pression. Laisser tout ressortir.

Mais parfois la vie était arrachée bien trop rapidement. Et un vieil homme présent devait faire ses adieux au reste du monde.

Wyatt en voyait tout autant qu’un médecin lors de ses tournées. La vie lorsqu’une femme accouchait, la joie dans les yeux de son public, la sensibilité des gens et parfois même la mort.

- Maman !! Mamaannn !!

De bon matin, les cordes vocales d’Adélaïde était parfait état. Ce qui n’était plus réellement cas des tympans de sa mère.

- Qu’est-ce qu’il y a ? Demanda Léonie tout en enfournant son plat.

- On peut aller au parc aujourd’hui ?

- Pourquoi ?

- Ben… On a envie d’y aller avec Aveline.

Léonie referma le four et regarda sa fille, droit dans les yeux. Ce que lui avait dit sa sœur la tracassait depuis, et elle faisait plus attention aux caractères de ses filles. Il s’avérait que les réflexions d’Audaline étaient justes. Adélaïde croyait tout acquis et qu’il suffisait de battre des cils pour les obtenir. Aveline restait toujours en retrait sous le dictat de sa sœur.

Adélaïde revint auprès de sa sœur, peu de temps après, la mine renfrognée.

- Alors ?

- Alors rien ! Maman veut pas…

- Je te l’avais dit.

- C’est nul, depuis quelques jours elle est toujours contre nous.

- On devrait en parler à Papa ?

- Papa est toujours du côté de Maman… Ronchonna Adélaïde.

- Ben…

- Non, oublie… On va devoir y aller en secret.

- Comme dans les films ? S’étonna Aveline.

- Ça serait trop bien, hein ?!

- Qu’est-ce qui serait trop bien ? Wyatt venait de sortir de la salle de bain et n’avait rien manqué de cette petite réunion secrète.

- Bonjour Papa ! S’éclaira Aveline.

- B’jour…

- Alors c’est quoi cette mission secrète ? Demanda-t-il sur le ton de la confidence.

- On aimerait aller au parc, aujourd’hui. Dit simplement Aveline, ce qui lui value un regard noir et un coup de coude d’Adélaïde. Quoi ?

- T’as rien saisi au mot « secret » ma parole ! Cria-t-elle.

- Adélaïde ! Dis pardon à ta sœur. Réprimanda sévèrement Wyatt.

- Pardon… Mais Papa, on veut vraiment y aller…

Wyatt soupira en se prenant la tête entre les mains. Il allait devoir avoir une conversation avec Léonie. Resserrer la vis, soit, mais qu’elle leur laisse de la liberté.

- Je vais en parler avec Maman, mes chéris. Mais je ne promets rien.

- Merci Papa ! Hurla la blonde en lui sautant au cou.

- Comment ça "Excessive" ?

- Ce n’est pas vrai ?

- Je ne suis pas trop sévère avec elles ! Se défendit la mère.

- Léonie, vouloir aller au parc n’est pas la mort. Pourquoi elles ne peuvent pas y aller ?

Léonie vida sa bouche avant de reprendre la parole. Les propos de Wyatt lui faisaient mal, mais même elle n’approuvait pas l’idée de brider la liberté de ses enfants.

- Parce que je l’ai décidé.

- … Tu ne trouves pas ça arbitraire ?

- Non. Après tout, elles sont mes filles, elles me doivent obéissance.

Wyatt conserva le silence. Sa femme ne tournait pas rond récemment, et il ne pouvait rien y faire. Et plutôt que de jeter de l’huile sur le feu, il préféra conserver le silence et la laisser ruminer dans son coin. Il allait devoir annoncer la mauvaise nouvelle à ses enfants.

La sortie au parc étant compromise, les filles restèrent à la maison à travailler leur devoir. Le soir venu, ce fut dans l’oublie qu’Aveline et Adélaïde passèrent à l’adolescence.

Elles posèrent pour faire plaisir à leur mère qui arriva bien après. Mais elles ne sourirent guère, fatiguée et déçue par cette dernière.