Episode 17

Le soleil venait à peine de se lever, nimbant de ses rayons la propriété Vauganne ainsi que le reste des habitants. Le calme était au rendez-vous, les oiseaux pépiaient.

- Mais calme toi… Tenta de temporiser Wyatt.

Oh ! Oh !? Il y aurait de l’eau dans le gaz ? La tranquillité et la quiétude des lieux étaient brisés par des éclats de voix.

- Que je me calme ? Mais tu t’entends Wyatt ? Depuis des jours tu me reproches d’être sur le dos des filles.

- Parce que ce n’est pas le cas ?

- Pas du tout ! Réfuta en bloc la blonde.

- Tu leur interdit de sortir, de fréquenter. Tu les surveilles aux moindres gestes, à la moindre parole, tu les rabroues ! Tu ne crois pas que c’est exagéré ? S’indigna Wyatt.

- Non ! J’éduque mes filles et je prends soin d’elle. C’est tout !

Wyatt soupira puis quitta la pièce laissant sa femme seule avec ses nouvelles règles de vie. Il en avait plus qu’assez de son côté despotique.  Il avait beau être patient, Léonie était une tête de mule doublée d’une bourrique mal lunée lorsqu’elle s’y mettait.

La blonde le regarda quitter la pièce, exaspérée. La porte claqua et Léonie souffla à son tour tout en se massant le cou. Elle savait qu’elle allait trop loin. Interdire à ses filles la moindre activité était totalement déraisonnable. Mais maintenant qu’elle avait fait et dite ces choses, il lui était difficile de revenir en arrière, sans saper son autorité. Sa fierté l’empêchait de s’excuser. Elle était la mère, elle devait se montrer inflexible. Mais, bien que tout cela l’ennuyait, voir son mari si remonté contre elle était encore plus perturbant et blessant qu’une bonne gifle.

Juste à côté, loin des tumultes et des querelles parentales, les enfants profitaient du petit déjeuner avant d’entamer une longue journée d’école. Le petit Aldrick s’était rapidement habitué à sa nouvelle école et classe, se faisant plein d’ami. Il était très social mais restait bien plus facilement avec les filles.

- Salut Al’ !

- Dis Aveline…

- Hum ? Fit-elle en s’asseyant.

- Tu crois … Tu crois que Maman et Papa s’aiment plus ?

Aveline suspendit son geste et observa son jeune frère qui la fixait avec chagrin. Son petit frère était vite perdu, et n’avait guère de repère car leurs parents passaient leur temps à se disputer dans leur coin. Aveline savait que sa mère était devenue sévère du jour au lendemain, sans aucune raison apparente. Elle était allée se renseigner alors auprès de son oncle Magnus et ce dernier lui raconta qu’elle perdit un frère lors de son adolescence, et qu’elle n’était pas présente lorsque cela arriva. Elle s’en était toujours voulu.

- Ce n’est pas ça Aldrick… Au contraire, c’est parce qu’ils s’aiment qu’ils se disputent.

- C’est parce que je suis méchant ? Cela fit glousser Aveline qui mâcha sa part de pancake. Ben quoi ?

- Si toi tu es méchant, qu’est-ce qu’elle est, Adélaïde ?

Le petit retrouva le sourire, car Aveline avait raison. Son autre sœur était intraitable et irascible la plupart du temps.

Et en parlant du loup, la voilà qui arrivait à son tour, plat à la main.

- C’est quoi ces messes-basses ?

- Rien, rien. Dit Aveline.

- Oh allez ! Me laissez pas hors du coup !

Aveline conserva le silence. Connaissant sa sœur, Adélaïde reporta son attention sur son jeune frère.

- Aldrick ?

- Je… Je n’ai rien à dire…

Elle posa un coude sur la table, recueillit son menton au creux de sa main, et de son autre main piqua un morceau de pancake qu’elle porta à la bouche. Elle n’était pas stupide, elle avait parfaitement entendu ce qu’ils venaient de dire. Mais la blonde se savait excessive, mais c’était toujours drôle de voir son petit frère dans cet état. Elle mâcha avec plaisir son repas, tout en le fixant avec insistance. Mais elle rencontra le regard noir de sa jumelle qui la poussa à ne pas aller plus loin dans son jeu.

- Vous êtes vraiment pas drôle ! Râla la blonde en piquant dans un autre morceau avant de l’engloutir.

La journée se passa sans encombre, avec une énième réconciliation  pour Wyatt et Léonie. Ils s’aimaient et se savoir fâcher trop longtemps leur était insoutenable. Alors que tout le monde dormait, Elven sortait de terre pour bricoler sur la nouvelle acquisition de Léonie.

Un autre jour arriva. Aveline prenait du plaisir dans les vestiges du jardin de son oncle Magnus. Le pauvre coin de verdure n’avait guère supporté le dernier hiver.

La brune aimait se trouver là, parmi les plantes, car elles au moins n’aimaient pas s’en prendre aux autres sans raison, elles ne vilipendaient guère et étaient d’un calme absolu.

Léonie, elle reprenait un peu de son ancienne activité, maintenant qu’Aldrick était plus autonome.

Adélaïde, elle, s’adonnait à la peinture. Enfant déjà, elle avait sans cesse réclamait un chevalet. Ses parents cédèrent à son caprice pour son dernier anniversaire.

Et Aldrick ? Le petit garçon profitait de son jeune âge et de l’accès total au salon pour s’imaginer sur un champ de course automobile.

Léonie était plus paisible, ses derniers jours. Elle n’élevait plus réellement la voix. Aucune dispute avec son mari depuis des lustres, ses enfants s’appréciaient et les rires étaient légions dans la maison. Cela la ramenait des années en arrière, lorsque que tout était encore merveilleux.

Le sourire était sur toutes les lèvres. Mais Aveline ne se sentait pas si bien. A l’instar de sa sœur, elle était renfermée et timide. Sociale s’il le fallait, mais les amis ne courrait pas les rues et elle n’attirait pas vraiment le regard.

- Allez Aveline… Courage ! Se disait-elle chaque soir devant sa glace, en se forçant à sourire.

Mais le courage n’était pas son allié, la plupart du temps.  Elle n’était pas aussi belle, aussi intelligente et aimée que sa sœur. Alors elle se réfugiait dans ses passions : le jardinage et la danse.

Dans la pièce d’à côté, Léonie faisait la lecture à son fils. Le petit aimait l’entendre raconter les aventures d’Avangard le Terrible, un pirate qui parcourut les mers de Barbacle Bay. Aldrick croyait dur comme fer que ce personnage exista réellement, et cela amusait énormément Léonie qui trouvait cela si mignon qui complaisait son fils dans ce délire.

- C’est alors qu’arriva le terrible Barbe Grise !

- Non !! S’indigna le petit garçon.

- Oh que si ! L’ignoble Barbe Grise, réputé sur toutes les mers pour sa cruauté sans faille ! Avangard se trouva bien embêté. Ce terrible ennemi arrivait au mauvais moment. Comment le capitaine de la Flèche d’Argent allait se sortir de ce guêpier ?

- Moi ! Je sais Maman ! Cria Aldrick.  Le Capitaine Avangard et ses hommes vont détourner l’attention de Barbe Grise !

- Oui, mais comment ?

- Euh…

- Rappelle-toi, ils sont sur l’île sans fin, leur bateau n’est qu’à deux pas d’eux, et Barbe Grise en a pris possession !

- Mais comment vont-ils faire Maman ?

- Tu ne fais aucun effort, mon loup ! Se moqua gentiment Léonie.

Le petit fit la moue alors que sa mère lui ébouriffait les cheveux. Aldrick bailla fortement.

- Il est l’heure d’éteindre.

- Oh nonn… Maman ! Je veux la fin de l’histoire ! Supplia l’enfant.

- Demain. Aujourd’hui Avangard a assez navigué. C’est à son second de prendre la relève.

- C’est qui son second ? Demanda Aldrick tout en s’allongeant.

- Mon petit loup ! Répondit Léonie en remontant les couvertures sur les épaules de son fils.

Cette réponse fit sourire l’enfant qui sans trop se battre, entra dans un sommeil profond et plein de rêve. Léonie embrassa alors son dernier né avant de lui souhaiter une bonne nuit et de sortir de la pièce sur la pointe des pieds.