Episode 27

Tout allait bien dans le meilleur des mondes. Cyprien avait reprit ses repères et avait entamé son poste à l'hôpital. La famille vivait tranquillement et prospérait au rythme de la ville.

Aurélianne s'était levée tôt car elle avait un rendez-vous en ville. Un rendez-vous d'ordre professionnel. Et elle l'attendait depuis longtemps, ce rendez-vous, car il était déterminant pour sa carrière d'actrice.

En effet, on lui avait fait passer une audition pour un premier rôle pour un film local. La jeune femme était si excitée qu'elle avait monopolisé les sujets de conversation pendant des jours entier, attirant la lumière sur elle. Même si les membres de la maisonnée étaient habitués à cette attitude, les plus jeunes commençaient à en avoir assez. Heureusement pour eux, la réponse qu'elle obtint fut celle qu'elle escomptait.

- C'est vrai ?

- Et oui ! Tu as devant toi la prochaine effigie d'une grande dynastie.

- Toi qui en rêvais... Incarner Aimée.

Et oui, Aurélianne avait décroché le rôle de sa propre ancêtre. C'était un rêve fou et il allait se réaliser.

- Je te sens ... tendue. Dit simplement son aînée, en la fixant.

Aurélianne soupira et laissa légèrement retomber ses épaules. Bien que la joie et la fierté primait, elle devait reconnaître que c'était un sacré poids, une sacrée responsabilité qui lui échouait.

- Je sais pas... Je suis contente de ce rôle mais en même temps...

- Notre famille à une très longue histoire. Banale par moment, mais représentative de la réalité. C'est toujours plus simple de créer de la fantaisie que de relater des faits réels.

Voilà ! Aslinn venait exactement exprimer ce qu'elle ressentait.

- Je n'aurai pas dit mieux ! S'exclama la plus jeune. Si je me souviens bien de l'histoire, Aimée a eut une adolescence difficile, aux amours déçus.

- Elle a même perdu un enfant.

- Oui... Mais Kahei l'a énormément soutenu. Par contre, notre réalisateur s'est permis pas mal de fantaisie.

- Ah oui ?

Aurélianne fit signe que oui puis croisa les bras avant de se lancer dans les explications. Le réalisateur ne faisait que répondre aux exigences des producteurs, mais la vie d'Aimée sera revisitée et parsemée de magie. Cela fit rire la blonde car c'était un peu trop extravagant pour répondre au caractère trempé de leur ancêtre.

Aurélianne quitta l'appartement de sa soeur, une heure plus tard. Elles avaient discuté longuement de leur vie respective et de leur travail. Aslinn progressait tranquillement dans sa carrière de journaliste, préférant un rythme calme afin de mieux apprendre son métier. Aurélianne comprenait son point de vu mais pour sa part, elle était pressée d'atteindre son rêve : parcourir le monde et être en tête d'affiche.

En arrivant dans le centre-ville, jouxtant l'appartement d'Aslinn, Aurélianne tomba nez à nez avec leur cousine Abigaïl (fille de Taliesin). Cette dernière avait emprunté la voie de leur grand-père et s'était lancée dans une carrière musicale.

- Comment va la vie de famille ? Lui demanda Aurélianne.

- Bien ! Bien ! Jasmine grandit à une vitesse folle ! C'est pas croyable.

- J'arrive pas à croire que t'aies déjà un gosse... Soupira l'actrice.

- Je suis plus vieille que vous, c'est normal, je trouve. A mon avis, c'est toi qui traîne trop Aurélianne.

La jeune femme faillit s'étouffer en entendant sa cousine lui dire cela. Elle, mère ? C'était une bonne blague !

- Mais ca va pas la tête ?! Tu me vois, franchement, entourée de mouflets ?

Abigaïl prit le temps de réfléchir et explosa de rire à l'idée de voir Aurélianne avec une ribambelle d'enfant autour d'elle. Elle devait reconnaître que l'actrice était loin d'avoir la fibre maternelle. Son égoïsme, elle en était consciente et l'assumait parfaitement.

Après s'être quittée, Aurélianne reprit son chemin, tout en prenant un temps pour elle en s'installant dans une de ces cabines auto-bronzante que les festivités estivales proposaient. Elle avait donc un magnifique teint et cela la rendait que plus confiante. D'une démarche assurée, elle monta les escaliers et passa les toilettes publiques, lorsqu'elle se fit interpeller.

- Mademoiselle !

Elle regarda autour d'elle, puis s'apercevant qu'il n'y avait qu'elle dans les parages, elle s'approcha du stand où le jeune homme qui venait de l'interpeller se tenait.

- C'est pour quoi ? Demanda t'elle brusquement.

- Ouhla ! Faut pas le prendre comme ça, ma belle ! Je fais juste mon boulot, et comme tu peux le voir, c'est loin d'être la montagne du fun, comme taf. Alors j'me suis dit autant joindre l'utile à l'agréable et faire la conversation à une belle nana comme toi.

Aurélianne laissa un soupir lui échapper des lèvres. Des hommes comme lui, elle en rencontrait à la pelle : égo démesuré, la langue bien pendue et inutilement beau. Mais il fallait reconnaître qu'il était plaisant de se faire complimenter.

- Tu pourrais présenter les choses autrement, tu sais ? Dit-elle, avec ironie. Après tout, ton boulot c'est pas de vendre des glaces et des boissons.

- Yep ! C'est tout à fait ça, mais bon, j'vois pas pourquoi je changerais ma façon de parler. Ca plaît aux poulettes ! Lui répondit-il avec un clin d'œil.

Elle soupira de nouveau. Quelques mois auparavant, elle n'aurait pas dit non à cette drague du dimanche, mais aujourd'hui, elle était lasse des amourettes improductive. Elle n'était pas sa sœur, Aslinn, la tête pleine de rêve et de licorne rose. Elle avait les pieds sur terre, et le coup de foudre, elle n'y croyait pas. Alors elle avait offert son corps, à défaut du cœur, à divers homme.

- Alors, ma belle, ca te dit ?

Elle releva alors la tête et croisa le regard vert de cet inconnu. Son sourire était étincelant et fit battre le cœur de la belle. Sans un mot, elle tendit sa main et saisit la glace qu'il lui donnait. Et, sans un mot s'éloigna du stand.

- Hey ! Et ma monnaie ?

- T'en fais pas, mon grand. J'vais pas m'envoler ! Tu vois ? Dit-elle en s'asseyant simplement sur le banc.

Elle fixa un instant la glace que ses doigts retenaient. Il faisait chaud aujourd'hui et la fraicheur qui se dégageait du bâton lui procurait une sensation agréable. Voyant ses traits se détendre un instant, l'homme profita de cette ouverture pour l'interpeller à nouveau.

- J't'ai déjà vu quelque part, non ?

Glace dans la bouche, elle le regarda du coin de l'œil. Bien sur qu'il l'avait déjà vu, elle passait par ce chemin tous les jours, après le travail.

- Hey, me regarde pas comme ça, ma belle. Tu sais qu'une femme avec une glace dans la bouche... ben c'est excitant.

Aurélianne suspendit son geste et le fixa, sans réellement montrer d'émotion. Cela accentua le sourire suave du vendeur.

Elle croqua une dernière fois dans sa glace avant de se lever et se diriger vers la poubelle afin de la jeter. Le vendeur scrutait le moindre de ses gestes, et elle le savait. Alors elle se mouvait avec élégance, frôlant l'indécence.

- Dis donc toi, tu sais comment mettre l'eau à la bouche tu sais ?

- J'ai l'habitude des chasseurs, tu sais ? Dit elle de façon suave.

- Magnifique, ma biche.

Elle lui offrit un clin d'œil avant de glisser sa main dans la poche arrière du vendeur, puis elle colla ses lèvres contre l'oreille du jeune homme.

- Appelle moi quand tu veux. Je trouverais bien un moment pour conclure cette chasse.

Puis sans un autre mot, elle se détacha de lui, un sourire provoquant sur les lèvres. L'homme était muet puis la regarda partir. Il venait de se faire attraper. C'était là, l'un des jeux préférés de l'actrice : être une proie chasseuse. Les hommes étaient si prévisibles et si faciles à manipuler, selon elle.

- Hey la biche ?!

Elle tourna légèrement la tête vers lui à son interpellation.

- J'ai un nom : Aurélianne.

- Moi c'est Jacob ! Jacob Crofort ! N'oublie pas !

Sans se retourner, elle lui fit un signe de la main, puis disparut au coin de la rue. Sa journée était loin d'être terminée, malgré la nuit naissante.

Minuit approchait, et la ville était plongée dans le noir. Ses lampadaires quadrillaient le centre de ses lumières tamisées. Cyprien était au restaurant avec d'anciens contact. Des mois étaient passés depuis son retour de l'université et il prenait plaisir à revoir ses amis du lycée. La petite soirée se terminait joyeusement et Cyprien était le dernier a payer sa part. S'étant quitté à table, ses anciens camarades étaient déjà au parking ou sur le chemin du retour.

Franchissant le seuil de la porte, il trouva avec étonnement une demoiselle qui attendait. Il la regarda intensément. C'était Ambre. Il ne l'avait pas reconnu tout à l'heure. Elle qui était si discrète et effacée, arborait aujourd'hui un style très différent et sombre.

- Ambre ?

Elle se retourna au son de sa voix, un sourire aux lèvres. Cyprien la fixait de nouveau. Ses longs cheveux noirs avaient quitté les couettes et son appareil dentaire avait disparu. Ses lunettes n'étaient plus qu'un vestige du passé et ses formes étaient plus voluptueuses. Le cœur du brun avait fait un bond lorsqu'il la vit sourire pour la première fois de la soirée.

- Tu n'es pas encore rentrée ?

- Non, dit elle en secouant la tête. J'ai pensé qu'on pourrait encore discuter un peu.

- Et les autres ?

A ses mots, la jeune femme baissa le regard. Cyprien comprit alors qu'elle était nerveuse à sa présence. Cette réaction était typique d'Ambre. Malgré les années qui eurent passées, elle était toujours timide. Cela le fit sourire, et d'un geste de la main, il l'invita à s'asseoir sur le sol. C'était l'été et les nuits étaient agréables, bien que légèrement fraiche.

- Qu'est-ce que tu deviens alors ? Lui demanda t'il alors qu'elle s'asseyait avec précaution.

- Pas grand chose.

- Allons, je suis sûre que tu dis ça pour être modeste, Ambre.

- Non, je suis honnête. Répliqua avec douceur la jeune femme.

Elle posa son regard bleuté sur le firmament. Le ciel était dégagé et brillant d'étoile. Elle souriait paisiblement, devant le spectacle que lui offrait la nuit. Cyprien surprit à nouveau son coeur accélérer.

- Je sais que toi, tu es devenu médecin. Dit-elle sans quitter les cieux des yeux.

- C'est... c'est exact. Répondit Cyprien qui tentait de combattre son affolement.

- Sauver des vies... Ce doit être exaltant, non ? J'aurais aimé faire quelque chose comme ça.

- Tu peux le faire. Elle secoua la tête devant l'affirmation du jeune homme. Pourquoi non ?

- Je suis loin d'être brillante, comme toi.

- C'est pas une question d'intelligence Ambre, mais d'ambition.

Mais Ambre ne l'écoutait plus. Car dans le ciel, une étoile filante venait de passer. Excitée comme une puce, elle saisit la main de Cyprien.

- Regarde ! Une étoile filante !

Mais Cyprien était plus absorbé par sa gêne que par le miracle de la nature devant lequel s'extasiait la jeune femme. Le rouge au joue, il détourna le regard. Se rendait-elle compte qu'elle lui tenait la main.

Il sentit alors la fraîcheur de la nuit lui caresser la peau lorsqu'Ambre dégagea son emprise.

- Désolée...

Sa voix était ténue et faible, mais Cyprien l'empêcha de se dégager. Il se passait une chose étrange en lui. Ambre était une fille bien trop discrète pour lui. Habituée à l'exubérance de sa jumelle ou la petite autorité d'Aslinn, il aurait pensé avoir un faible pour des femmes de ce genre. Mais Ambre était différente : discrète, peu confiante et modeste.

Sans un mot, il se leva et aida la jeune femme à faire de même. L'obscurité les entourait et les lumières du restaurant s'étaient éteintes depuis longtemps. Le temps n'avait pas d'emprise sur des âmes charmées. Main dans la main, Cyprien s'approcha lentement vers elle, et sans un mot, l'entoura de ses bras. Elle était frêle contre lui. Aussi délicate qu'une poupée. L'avoir contre lui était une sensation de paix, d'assurance et chaleureuse. Lentement, il approcha son visage du sien et lui captura les lèvres avec douceur.

C'était un baiser doux. La caresse de ses lèvres éveilla en lui de douloureux souvenirs. Lors de ses études, il avait fricoté avec un homme : Kaelig, qui depuis son retour à Meadow, ne lui avait donné signe de vie. Cyprien s'était alors sentit trahi. La petite Ambre était la totale opposition de cet homme extravagant et intelligent. Elle ravivait des sentiments qu'il pensait enfoui au plus profond de lui même.

- Je suis... Je suis désolé, Ambre. Je n'aurais pas dû.

Mais le mutisme de la jeune femme l'obligea à relever les yeux. Elle avait les lèvres qui tremblantes et les yeux humides. Il tenta alors de poser une main sur son épaule, mais la jeune femme le repoussa, sans force.

- "Désolé"... C'est tout ce que vous dites toujours, vous, les hommes, lorsque vous obtenez ce que vous souhaitez.

- Ambre... Je...

- Non... Cyprien, je t'en prie. Ne m'humilie pas plus que tu ne viens de le faire. J'ai beau être pathétique, j'ai ma fierté, malgré tout. Dit-elle d'une petite voix tremblante.

Le cœur de Cyprien se déchira. Il n'avait aucune intention de la blesser. Au contraire, ce baiser lui avait fait comprendre énormément de chose.

- Ce n'est pas ce que tu crois ! Hurla Cyprien en la retenant pas le poignée.

Elle avait tenté de partir, mais il renforça son emprise. Il n'avait aucune envie qu'elle parte, qu'elle l'abandonne, elle aussi.

- Mais quoi ?! S'indigna la demoiselle, tout en lui décochant un regard assassin. Je ne suis pas une poupée, Cyprien !

- Je sais ! Je le sais parfaitement Ambre ! Je t'ai toujours observé, tu sais.

Cela fit taire la jeune femme, qui cessa de lutter et planta son regard dans celui du jeune homme.

- Tu mens.

- Je suis sérieux, Ambre. Je t'ai toujours regardé, même au lycée. Tu étais différente des autres. Là, où les filles préféraient se maquiller et parler de garçons, toi tu passais ton temps le regard fixé sur les pages de tes livres. Tu étais toujours toute seule et tu étais discrète.

Le regard de la jeune femme se fit plus tendre, et ses joues étaient en feu. Cyprien la regardait ? Elle ? La petite fille mal dans sa peau, le visage couvert de bouton et à l'appareil dentaire ? Yeux dans les yeux, ils ne cessèrent de se fixer. Lui, était sérieux et tendre, elle timide et enchantée. Avec délicatesse, elle prit l'une des mains de Cyprien dans la sienne puis le tira à sa suite jusqu'au parking. Sans un mot, elle se glissa dans sa voiture. Cyprien avait compris ce qu'elle souhaitait et tendrement, il captura ses lèvres à nouveau. Leur souffle se mêlant, les vitres de la voiture devinrent rapidement embuées d'amour.

Une autre journée avait commencé, et le vieux couple revenait de course. La voiture pleine de provision, ils décidèrent de faire un crochet par le centre-ville afin de faire un petit coucou à leur aînée. Aslinn ne passait guère les voir, trop occupée avec son travail. Chose que déplorait Anaïs, qui s'ennuyait chez elle depuis des années maintenant. Ses enfants étaient tous jeunes adultes ou presque et elle n'avait plus grand chose à faire.

Sachant cela, Eloi lui proposa une visite surprise chez leur blonde de fille. Anaïs en était enchantée et ce fut en chantonnant qu'elle pressa le bouton correspondant à l'appartement d'Aslinn. Une voix résonna sur le perron. C'était Théophile qui l'invita à monter.

Mais une fois l'escalier monté, et la porte franchie, le couple trouva leur fille derrière la porte qui les accueillit d'une grande embrassade. Le sourire qui ourlait ses lèvres était comme un rayon de soleil pour les deux parents.

- Maman ! Papa ! Qu'est ce qui vous amène ?

- On a plus le droit de te rendre visite ? Répondit son père, tandis qu'Anaïs lui offrit une tape sur l'épaule.

- Ce n'est pas ça ! Voyons, vous êtes toujours bienvenus ici, et vous le savez.

- Avec ta mère, on avait envie de faire un petit tour, après les courses. Et comme on se trouvait près de chez toi...

- C'est gentil Papa. C'est une chance qu'on soit rentré tôt alors.

- Oh ? Vous étiez sortis ? S'étonna le vieil homme.

- C'est à dire... Commença Aslinn en se grattant la tête.

Elle posa un regard sur son époux qui était non loin. D'un hochement de tête, il l'encouragea. Elle prit alors une grande inspiration et fixa son père droit dans les yeux.

- Papa, Maman... J'aurais aimé vous l'annoncer autrement mais... Je suis enceinte.

Un hurlement strident leur vrilla les tympans et avant qu'elle ne puisse réaliser ce qu'il venait de se passer, Aslinn fut submerger par une vieille femme en pleur. Dans les bras l'une de l'autre, mère et fille, pleurer de joie, tandis qu'Eloi félicitait son gendre. La famille allait s'agrandir.

Pendant ce temps, dans la cour de la maison familiale, les filles profitaient des derniers jours de l'été pour s'offrir une thérapie solaire. Aurélianne était paisiblement en train de savourer ce moment lorsque ses cadettes l'entourèrent. Elle ne détestait ses sœurs mais elle aimait être en paix.

- Aah ! C'est si bon ! S'extasiait Alix.

- Oh ca va ! C'est que le soleil ! Je sais pas comment vous pouvez supporter ça. Dit Apolline, joue contre sa serviette.

- Vous pouvez pas vous taire, toutes les deux... Ronchonna Aurélianne.

Adieu la paix, bonjour le cauchemar, se disait Aurélianne. Mais cela la faisait sourire malgré elle, car après tout, elles n'étaient que de jeunes adolescentes, et elles tentaient de créer des liens avec elle. Auri, menton sur sa paume, observait ses jeunes sœurs se taquiner gentiment. La relation des jumelles était totalement différente de la sienne. Avec Cyprien, ce n'était plus comme avant, lorsqu'ils étaient enfants. Et elle savait pertinemment que c'était de sa faute. A toujours être en colère, elle avait brisé le lien sacré qui les lié et qu'on leur avait offert bien avant leur naissance.

Mais le passé était le passé. Elle ne pouvait revenir en arrière. Et elle n'était pas de celle à restaurer les pots cassés. Une chose brisée était brisée, à jamais. Elle soupira puis se mit sur le dos. La chaleur était agréable mais elle n'était plus dedans. Ressasser le passé lui avait fait perdre le goût à lézarder. Elle se leva alors et rangea sa serviette.

- Où tu vas ? Lui demanda Alix.

- Je rentre, je commence à avoir chaud.

- Oh ! Je te suis !

Et la blonde s'exécuta avec précipitation, laissant Apolline seule sur la pelouse.

L'adolescente regarda ses sœurs disparaître dans la maison. Accoudée, elle soupira avec mépris. Elle était toujours celle qu'on laissait derrière. Alix commençait de plus en plus à prendre son indépendance et à se détacher d'elle. Bien que peinée, Apolline ne voulait pas s'en formaliser.

- Si elle part, c'est qu'elle ne me mérite pas. Se disait-elle à chaque fois.

Sans un mot, elle ouvrit son livre et continua sa lecture. Elle n'était pas comme ses sœurs. Là où Aslinn était une rêveuse naïve, Aurélianne était pragmatique et cynique. Alix était une jeune fille naïve qui tentait de prendre exemple sur leurs aînées, mais elle ? Qui était-elle réellement ?

Un autre week-end arriva rapidement, et Cyprien attendait fébrile devant la maison. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu Ambre, tous deux trop occupés. Mais ils correspondaient régulièrement. Adossé contre le mur de la maison, le visage de Cyprien s'illumina lorsqu'il reconnu la tignasse noire de la jeune femme.

- Ambre !

- Bonjour. Dit-elle simplement, tandis qu'il trottine jusqu'à son niveau.

- Tu es resplendissante.

- Oh ! Merci ! C'est pas facile de savoir comment s'habiller par cette chaleur.

Mais Cyprien ne parlait pas de la chaleur... Il secoua la tête en soupira, amusé. Elle ne changera jamais. Main dans le dos, il intriguait la demoiselle.

- Qu'est-ce que tu caches ?

- Une surprise !

- Vraiment ?

Sans un mot de plus, le jeune médecin dévoila un magnifique bouquet de fleurs rouge qu'il tendit à son invité. Elle s'extasia devant ce délice naturel puis sans un mot se jeta contre lui et le serra fort contre son cœur.

- Le bouquet ! Ambre, le bouquet !

Ambre se recula légèrement, tout en s'excusant. Cyprien aurait aimé lui râler après, mais la moue désolée de la belle l'attendrit. Il regarda avec dépit son cadeau. Il ne ressemblait plus à rien. Sans un mot, il le jeta au sol.

- Désolée...

- C'est pas grave. De toute façon, les fleurs sont éphémères.

Il avait tenté un trait d'humour mais Ambre n'avait pas même esquissé un sourire. Cela inquiéta le jeune homme qui tenta de croiser son regard du sien. Mais Ambre se dérobait à chaque fois. D'une main sous le menton, il la força à le regarder, et il put y voir une trace d'anxiété.

- Ambre, qu'est-ce qu'il y a ?

- Je dois te dire quelque chose, Cyprien.

- Quoi ? C'est les fleurs, c'est ça ? Tu n'aimes pas ? Je peux t'en prendre d'autre, si tu veux...

- Je suis sérieuse ! Hurla t'elle.

Cela le stoppa dans son élan, troublé par l'état émotionnel de la belle, il lui prit une main.

- Je suis enceinte.

La nouvelle tomba, tout de go, laissant un bon moment Cyprien plongeait dans le silence. Un sourire timide se dessinait sur les lèvres noires d'Ambre, qui attendait patiemment mais avec anxiosité, une réponse du jeune médecin. Alors qu'il allait ouvrir la bouche, Aurélianne débarqua.

- Qu'est-ce que j'ai entendu ?! Cyprien !!

La brun sursauta et recula légèrement devant l'air féroce de sa jumelle. Ambre fit de même, cherchant à se cacher derrière le jeune homme.

- Tu te rends compte de ce que tu as fait ?! Espèce de tordu !

- Aurélianne, ca va pas de me parler comme ça ? S'insurgea Cyprien.

- Je te parle comme j'en ai envie, d'abord ! Tu te rends compte qu'Ambre est la petite amie de Thomas ?

La nouvelle fit perdre toute la argue du jeune docteur, qui lança un regard confus à la belle derrière lui. Le sourire timide et désolé qui se dessinait sur son visage prouvait les dires de sa sœur.

- Je...

- Sale trainée ! Hurla alors Aurélianne à l'encontre d'Ambre. Te faire engrosser par mon frère alors que tu es en couple avec notre cousin !?

- Je...

- Va t'en, sale p*te ! Je ne veux pas te voir chez moi.

Alors qu'Ambre s'exécutait, Cyprien la retint par le poignée et lui demanda de rentrer.

- Mais qu'est-ce que tu fais ?! S'énerva la jumelle.

- Ce que j'ai à faire. Auri, calme toi.

- Non ! C'est complétement indécent !

- Et c'est toi qui me dit ça ? Toi, qui couche avec différents hommes chaque semaine.

- C'est différent ! Argumenta t'elle.

- Tu as raison, nos cas sont différents. Toi, tu passes pour la traînée du coin. Tandis qu'Ambre et moi, nous partageons nos sentiments.

- Que...

- Tu m'as bien entendu, Aurélianne. Grandis un peu, tu as beau être une adulte, tu es restée qu'une gamine.

Il la dépassa, la laissant stupéfaite.

- Où vas-tu... Souffla t'elle.

- Réparer tes bêtises et prendre mes responsabilités.

La porte claqua à la suite de Cyprien tandis qu'Aurélianne se laissa tomber au sol, les larmes inondant ses joues et faisant couler son maquillage. Cyprien avait raison, elle se complaisait dans la luxure, fréquentant homme sur homme, salissant son nom et sa réputation. On ne la choisissait pas pour son jeu d'acteur mais pour ses jambes et sa belle gueule. Outrée, peinée, affligée, elle laissa sa rage exploser.

Cyprien entra dans sa chambre et trouva Ambre assise sur le bord du lit. Elle fixait le sol de ses yeux bleus et mordait ses lèvres, honteuse.

- Tout va bien ? Lui demanda t'il.

Elle sursauta au son de sa voix. Elle s'attendait à ce qu'il lui hurle dessus, et non à cette voix douce.

- Ta sœur...

- Laisse Aurélianne, elle avait besoin d'entendre la vérité.

- Mais... Elle a raison, tu sais... Pour Thomas et moi.

Cyprien s'installa à ses côtés et l'invita contre lui. Il posa un main sur le ventre légèrement rond d'Ambre et avec émotion, se concentra sur la vie qui grandissait en son sein.

- J'aurais dû te dire la vérité... Commença Ambre.

- Est-il de moi ? Demanda le jeune médecin avec émotion.

- Oui... Je n'ai jamais eu ce genre de relation avec Thomas. Tu es...tu es mon premier Cyprien. Avoua t'elle, timidement. Et je n'ai jamais pu le laisser me toucher. C'est comme si mon corps savait qu'il n'y aurait qu'un homme dans ma vie.

- Je...

- Laisse moi parler, s'il te plaît. Si je suis avec ton cousin, c'est surtout par un concours de circonstance. Nous étions seuls, tous les deux. Je venais d'apprendre ton départ pour l'université, et je m'étais dit que jamais tu ne reviendrais ici.

- Mais ma famille vit ici.

- Je sais que c'était idiot mais... J'avais besoin de quelqu'un dans ma vie. Besoin de soutien, de réconfort... Et ton cousin était là, tout aussi perdu que moi.

Ils passèrent un long moment à discuter de leur vie respective. Ambre était fille unique, mal dans sa peau et complexée. Cela Cyprien l'avait toujours su, mais ce qu'il découvrit ce jour-là, l'ébranla. Elle était amoureuse de lui, depuis le lycée. En entendant cela, la jeune médecin la prit contre lui et la serra fort contre son cœur battant. Il n'avait jamais réellement aimé, avant leur retrouvaille. Son expérience avec Kaelig était une simple expérience, et ce qu'il avait prit pour de l'amour n'était rien que de l'attirance.

Le lendemain, Ambre avait passé la nuit chez les Vauganne, affrontant Anaïs et Eloi. Cyprien leur annonçant la grossesse de la belle. Bien que septique de prime abords, le couple prit la nouvelle avec le sourire. Il connaissait leur fils. Il était mature, responsable et bienveillant. Même si cette grossesse était une maladresse, ils avaient pu voir la passion qui vivait en lui.

- Hey Ambre !

- Oh Adam ! Dit la jeune femme. Bon anniversaire !

- Ahaha ! Merci, mais tu es un poil en avance ! Rit l'adolescent.

- Il n'est jamais trop tard ou trop tôt pour gratifier quelqu'un ! Intervint Apolline.

Etrangement, toute la famille avait adopté Ambre sans aucun soucis. Tous le monde sauf Aurélianne qui restait campée dans ses principes.

- Ca porte malheur de le souhaiter en avance. Répliqua le jeune garçon.

- Bah ! T'as plus à ca près, non ?

L'adolescente se mit à hauteur du ventre d'Ambre et commença à s'extasier devant l'enfant de Cyprien.

- C'est qui le bébé ? Surtout ne devient jamais comme Adam !

- Hey ! T'as fini de raconter n'importe quoi ?

L'échange des adolescents fit rire la future mère. Elle rêvait d'une famille aimante et vivante comme celle-ci. Elle passa une main affectueuse sur son ventre lorsqu'on sonna.

- J'y vais ! Hurla Anaïs qui était dans la cuisine.

La vie fourmillait dans chaque foyer. La grossesse d'Aslinn progressait au fil des semaines, annonçant la fin imminente. Anaïs était au comble du bonheur. Ses enfants grandissaient, sa famille prospérait. Elle comprenait ce que ressentaient alors ses propres parents en les voyant évoluer.

L'unique invité - Aslinn- étant là, Adam s'installa devant ses bougies. Il prit un moment avant de les souffler, réfléchissant à son avenir. Il n'avait pas de passion particulière, il aimait les voyages et les différentes cultures, ainsi que le sport. Son sens de la justice était aigu tout comme son sens du risque.

Il avait alors postulé auprès de l'armée locale. Travailler pour le bien commun, il avait envié son frère pour cela. Et contrairement à ses sœurs, il n'était pas un artiste dans l'âme. L'armée était donc la meilleure des options. Il souffla les flammes, un sourire satisfait sur les lèvres. Son adolescence fut douce et heureuse, malgré les frasques d'Aurélianne, il espérait donc que sa vie d'adulte serait la même : simple et joyeuse. Il regarda ses parents et leur offrit un regard reconnaissant. Sans eux, il ne serait pas ce qu'il était : un homme bien.