• Episode 28 - En son sein

    Episode 28

    - Franchement, je trouve pas ça drôle !

    - Rooh ! Et pourquoi ? Demanda l'homme à la chemise rouge.

    La jeune femme gonfla ses joues, boudant. Kaelig était un homme étrange et à la langue bien pendue. Elle avait pu s'en rendre compte le temps du trajet de retour depuis le port. Cyprien avait invité cet homme - et ami de l'université- mais il fut pris par une urgence à l'hôpital et demanda donc à Aurélianne d'aller chercher Kaelig à sa place.

    - Vous êtes pareils, avec Cyprien ! Vous n'êtes pas jumeaux pour rien !

    - Ca na rien à voir, voyons ! C'est juste que ta blague est pas drôle ! Se défendit Aurélianne.

    Chose qui accentua le rire du jeune homme en rouge. Aurélianne soupira et le fit entrer dans la cour.

    - C'est cool chez vous, n'empêche.

    - C'est pas chez moi, mais chez mes parents.

    - T'es toujours comme ça ? Demanda t'il, à la fois amusé et agacé.

    - Comme quoi ?

    Et elle lui offrit son plus beau sourire. Kaelig était épuisant à toujours parler et à tenter d'être drôle mais au moins, elle ne s'ennuyait pas avec lui. Elle pouvait même être naturelle, chose qui était rare et très reposante.

    - Je retire ce que j'ai dit : Vous êtes pas pareils ! Cyprien n'a pas d'aussi beaux atouts ! Dit-il en fixant la poitrine d'Aurélianne.

    Elle prit un air outré et recula d'un pas avant de rejoindre leur invité dans le rire.

    - Bon, je vas chercher Cyprien, Rigolo ! Bouge pas !

    Kaelig lui fit signe et la belle Aurélianne disparut à l'intérieur de la maison. La jeune homme était nerveux. Sous ses airs bravaches et de plaisantin, son cœur battait la chamade et son sang était en ébullition. Il n'avait pas revu Cyprien depuis des mois et il était fébrile. La porte s'ouvrit de nouveau sur le brun, qui avait le visage fendu d'un immense sourire. Sourire que l'homme en rouge lui rendit avec émotion.

    Mais son sourire se crispa lorsqu'il voulu l'enlacer. Cyprien n'avait pas remarqué son geste et lui avait simplement tendu une main. Kaelig avala sa salive et prit son masque de jovial.

    - Hey ! Cyp' ! Ca fait plaisir !

    - Carrément ! Qu'est-ce que tu deviens ?

    - Oh, tu sais... Je bourlingue pas mal. Et toi ?

    Le visage du brun se fendit d'un immense sourire et l'invita à rentrer.

    - Je vis au rythme du boulot. Tu sais : métro-boulot-dodo et tout le toutime, quoi !

    - J'imagine... Ca doit pas être la joie.

    - Détrompe toi. Je m'éclate au boulot.

    - En compagnie des infirmières ?

    - Non des patients, Rigolo !

    La porte se referma derrière eux, et d'un geste ouvert, Cyprien lui présenta les quelques membres présents.

    - Je vous présente mon ami Kaelig ! Kaelig, voici mon père, ma sœur Aurélianne, que tu as eu l'honneur de rencontrer, et une autre de mes sœurs, Apolline.

    - Salut ! Répondit jovialement cette dernière.

    Une brune s'avança vers eux, et tout comme Cyprien, présenta sa main au nouveau venu. Voulant faire bonne figure, Kaelig la lui serra avec un sourire.

    - Bonjour, je m'appelle Ambre. Je suis la fiancée de Cyprien.

    Cela acheva Kaelig qui resta stupidement la main suspendue dans les airs tandis que la brune -enceinte de surcroît- le fixait avec inquiétude.

    - Je crois que tu es fatigué, Kaelig. Viens, suis-moi, je vais te montrer ta chambre. Tu la partegeras avec mon frère.

    Un peu amorphe, Kaelig suivit Cyprien, mais la rencontre avec Ambre lui avait fait le même effet qu'un sceau d'eau froide. Il ne s'attendait absolument pas à cela. Il avait espéré des retrouvailles affectueuse et pleine de baiser suave, comme ils en avaient l'habitude lorsque Cyprien était au campus. Mais non, la vie l'avait rattrapé, il fut assez fou pour croire que le beau brun l'aurait attendu.

    Il se mordit la lèvre, lorsque Cyprien lui présenta la chambre.

    - Tu peux prendre le lit du bas. C'est mon ancienne chambre, que je partageais avec Adam. Mais depuis qu'Aslinn est partie, j'ai récupéré sa chambre.

    Kaelig le regardait sans l'écouter. Aslinn, Adam, Ambre... Il n'en pouvait plus de tous ses prénoms en A. C'était à s'y perdre.

    - Je... Kaelig, il faut qu'on parle, je crois...

    - De ? Tu veux parler d'Ambre ? C'est un sacré petit lot ! Chanceux va ! Surjoua l'invité. Et avec ça, tu vas être papa ?! Tu fais pas les choses à moitié, dis-moi !

    Cyprien se gratta la tête, gêné mais heureux. Trop heureux pour voir la détresse et la peine dans le regard de son ami. Kaelig n'avait jamais osé l'avouer mais il était amoureux de cet homme.

    Deux jours passèrent et Cyprien était de plus en gaga devant le ventre rond de sa fiancée. Ambre était heureuse et le sourire ne la quittait jamais. Elle n'aurait jamais rêvé d'une meilleure grossesse. Elle passait le plus clair de son temps chez les Vauganne, jonglant entre son boulot de surveillante à l'école et sa grossesse.

    Mais si il y en avait qui étaient heureux, d'autres l'étaient moins. Aurélianne pianotait en silence sur le clavier de son synthétiseur, soupirant à chaque note. Kaelig passait la plupart de son temps avec elle, et entre eux c'était tissé une espèce d'amitié.

    - Allons ma belle ! Encore à soupirer.

    - Je suis chez moi, je fais ce que je veux.

    - Tûtûtût ! Tu es chez tes parents ! Tu me l'as dit toi même.

    Devant cette petite pique amicale, elle ne put s'empêcher de sourire. Elle arrêta sa mélodie triste et se tourna vers le jeune homme qui souriait.

    - C'est Jacob...

    - Jacob ?

    - Un garçon que j'ai rencontré, il y a quelques mois. Il me plait beaucoup mais... bien qu'on ai, disons, joué ensemble, il ne sera jamais à moi.

    - Une autre fille ?

    Aurélianne fit signe que oui. Sans hésiter, Kaelig encadra le visage troublé de sa nouvelle amie de ses mains et la força à le regarder. Elle avait les yeux humides. Elle aussi vivait un chagrin d'amour et elle ne s'en rendait pas compte.

    - Auri, t'es une fille géniale ! Qui pourrais te surpasser ?!

    - Ma cousine...

    - Mais vous êtes combien ma parole à vivre dans cette ville ?! S'étonna Kaelig, tentant un peu d'humour.

    - Trop... Trop de Vauganne pour trop peu d'homme de valeur.

    - A t'entendre, on dirait que tu as essayé chaque mec du coin.

    A ces mots, la belle se sentit rougir et elle détourna le regard. Kaelig avait dit cela sans réfléchir, juste histoire de plaisanter. Mais cela la blessa plus qu'elle ne l'aurait penser. Elle passait pour une fille facile alors que ce n'était pas le cas. Entre ses véritables conquêtes et les racontars... Être sur le devant de la scène, ce n'était jamais blanc, mais plus souvent noir.

    - Tu sais, Aurélianne. Moi, je m'en fiche de ta réputation. J'ai appris à connaître le véritable toi. Si les gens sont assez cons pour s'arrêter à ça, alors ils ne te méritent pas.

    Elle plongea alors son regard bleuté dans celui de Kaelig et il lui semblait briller. Il émettait une espèce d'aura qui l'attirait. Elle se sentit brûler de l'intérieur. Elle posa une main sur la sienne, comme pour voir si elle ne rêvait pas.

    Sans un mot, elle s'avança vers lui et lui captura les lèvres avec douceur. Elle savait que ce qu'elle faisait n'était pas des choses des plus intelligentes, mais elle avait envie de... de goûter sa peau, ses lèvres. De connaître sa façon d'embrasser, sa façon de toucher.

    - Tu vois... Tu fais tes propres choix, ma belle.

    Sans rien ajouter, elle le poussa et il tomba lourdement sur le sol. Avec un sourire, il feignit la douleur, mais elle stoppa son petit jeu en se plaçant au dessus de lui, faisant remonter sa petite jupe de jeans sur la jambe du jeune homme. Elle était provocante. Elle savait jouer de ses charmes, à croire qu'elle avait fait ça toute sa vie. D'ordinaire, elle n'avait plus grand chose à faire. Les hommes étaient fous de ce genre de comportement, elle n'avait plus qu'à se laisser guider.

    - Es-tu sûre de toi, la belle ?

    Sûre ? Non. Elle ne l'était jamais. Elle avait beau être pleine de confiance et bouffie d'égoïsme, elle cachait sous ce masque son manque de confiance et ses doutes. Elle posa une main sur la joue de Kaelig. Il était plein de chaleur. D'une chaleur douce et réconfortante. Elle savait qu'il avait le cœur brisé, tout comme elle.

    - Non, mais je suis certaine d'une chose : mes envies.

    Cette réponse fit sourire l'homme en rouge, qui laissa sa main parcourir l'arrière de la cuisse de la belle, allant jusqu'à ses fesses. Là, où une fille peu expérimentée aurait rougi. Auri ne réagit pas. Au contraire, elle resta simplement à le fixer droit dans les yeux. Il n'y avait pas de proie à cet instant. Juste deux chasseurs qui se convoitaient mutuellement. Tels des fauves, ils se jaugeaient.

    - Dois-je mener la danse ou bien...

    Le sourire en coin de Kaelig était plus parlant qu'un mot. Elle appuya sur son torse et le força à s'allonger. Charmé par sa gestuelle, le parfum qu'elle dégageait était envoûtant et sa voix enchanteresse. Il ne pouvait en douter : Aurélianne savait quels étaient ses atouts et ses faiblesses. Elle était loin d'être idiote et aussi cruche qu'elle paraissait aux premiers abords. Elle cachait bien son jeu. Son côté manipulatrice émoustillait l'homme qu'il était.

    - Une vraie lionne, ma parole !

    Sans rien ajouter de plus, elle se laissa couler contre lui, afin de mieux sentir ses muscles sous sa chemise et son parfum. Il était léger et la fois puissant. C'était une véritable drogue pour la faible femme qu'elle était, à ce moment-là. Totalement désarmée, elle sortit les crocs et les planta dans sa proie. Kaelig accepta son baiser, l'approfondissant avec appétit à chaque seconde qui passaient.

    Elle répondit à ses avances, jouant avec sa langue, comme avec ses nerfs. Il n'avait pour habitude d'être le dominé. Il ne sera jamais un faon mais éternellement un lion qui aimera sa lionne avec passion le temps d'une danse langoureuse et pleine d'amour.

    Alors que des amours s'épanouissaient, d'autres fleurissaient. Cyprien et Ambre profitaient de leur temps à deux pour se bécoter dès qu'ils le pouvaient, à la vue de tous. Mais sans choquer la vieille Anaïs, elle était plutôt heureuse de voir son fils le sourire aux lèvres dès le petit matin, comme au soir.

    - Comment se portent nos bébés, aujourd'hui ? Demanda le futur Papa en enlaçant sa belle par derrière.

    - Bien... C'est fou comme ils poussent vite.

    - C'est parce qu'ils sont nourris d'amour et de joie.

    Cela fit rire Ambre qui caressa son ventre avec affection. Cyprien se joignit à son geste. Ils avaient appris, dans la semaine, qu'Ambre attendait des jumeaux. Un garçon et une fille. Cyprien avait alors poussé un cri de joie chez le gynécologue, faisant sursauter le médecin. Il n'aurait jamais espéré avoir des jumeaux.

    - Je veux une petite fille qui ressemble à Maman. - Et moi je veux un garçon qui te ressemble, Cyprien.

    - Pourquoi ?

    Elle se tourna vers son amour et lui baisa le bout du nez. Cyprien était modeste, trop, pour voir ses propres qualités. Mais Ambre aimait cette partie de lui.

    - Je veux qu'il soit aussi généreux et chaleureux que toi.

    Leur souhait se réalisa plus rapidement qu'ils ne l'auraient souhaité, car cette même nuit, Ambre eut des contractions. Cyprien, paniqué, réveilla ses parents qui durent le calmer. Ambre, agacée et souffrante, se décida d'agir et le gifla. Cela laissa coit Anaïs et Eloi tandis que Cyprien se reprit. Roulant dans la petite voiture de la belle, les futurs parents se dirigèrent vers l'hôpital de la ville.

    Ce fut au petit matin qu'Ambre ressortit de la maternité, fatiguée mais heureuse, après avoir donné naissance à une petite fille nommée Maïwenn et un petit garçon prénommé Aedan. Cyprien ne put s'empêcher de pleurer en voyant les enfants s'agiter dans leur couffin. Des petits bouts de lui même vivaient et c'était une des plus belle chose qu'une femme pouvait offrir à un homme.

    Aurélianne était épuisée. Ses nuits étaient longues et désastreuses depuis quelques jours. La naissance des jumeaux avait pourtant amené la joie dans le foyer. Même elle, était heureuse pour son frère, malgré son comportement. Mais ce matin, ce fut le résultat de la pire nuit de la semaine. Elle avait eu chaud, et froid à la fois, son ventre la brûlait et une irrésistible envie de vomir la tenaillait. Alors elle avait erré toute la nuit dans le salon, s'allongeant sur le canapé et imitant un zombie devant l'émission Chasse et pêche.

    - Ca va ma chérie ?

    La voix de sa mère la fit relever la tête et elle tenta de sourire. Non, cela n'allait pas et elle en avait assez. Mais elle ne souhaitait pas inquiéter sa mère, alors elle mentit.

    - Tu es sûre ? Tu es bien pâle, quand même.

    - Ce n'est rien Maman. Juste de la fatigue. Le tournage est vraiment prenant.

    - N'en fais pas trop quand même. Dit la plus vieille en ouvrant le frigo.

    Et ce qu'Aurélianne redoutait arriva. Les odeurs de nourriture qui émanaient du frigo lui retourna les tripes. Sans un mot, elle fila dehors, sous le regard curieux de sa mère. Anaïs scruta alors sa fille à travers la fenêtre.

    Elle referma la porte derrière elle et respira profondément. Elle en avait assez, et c'était trop faible pour exprimer sa lassitude. Elle hurla laissant s'échapper sa frustration et sa fatigue.

    - Je vous en prie... rien qu'une nuit normale... juste une seule...

    Cyprien sortait du travail, il avait réussi à obtenir de ses supérieurs moins de dossier et de ce fait, il pouvait sortir à l'heure du travail voire légèrement plus tôt. Voilà un mois déjà qu'Ambre avait donné la vie à ses enfants : Maïwen et Aedan. La tout jeune papa était surexcité mais très triste de ne pas retrouver sa petite famille chez lui. Ambre avait refusé de venir vivre avec lui chez ses parents. Il comprenait les sentiments de sa fiancée mais cela l'attristé énormément.

    Alors il avait instauré un rituel, et chaque jour, après sa journée, il se rendait chez elle. Mais il n'avait jamais pu mettre les pieds dans la demeure de la belle, celle-ci préférant qu'ils se retrouvent en ville.

    Il en avait assez, soupçonnant quelque chose, il avait alors négocié une journée de congé et s'était rendu chez Ambre bien plus tôt. La demoiselle jouissait encore de son congé maternité et Cyprien la surprit, plus qu'il ne l'espérait. Mais, bien qu'elle tenait Aedan contre son sein, elle lui refusa l'accès à l'intérieur. Frustré, le jeune médecin lui fit savoir.

    - Ce ne sont pas tes affaires ! Lui répondit-elle.

    - Mes affaires ?! Ambre, mes enfants vivent ici, tu vis ici ! C'est une partie de ma vie, et j'ai pas le droit de venir te voir ?

    La brune soupira et lui fit que non. Alors qu'elle allait lui demander de partir, Cyprien la bouscula légèrement et pénétra dans la demeure, malgré les protestations d'Ambre.

    Et ce qu'il découvrit le laissa sans voix. La maison était vide, totalement dépourvu de meuble. Son regard, choqué, parcourait l'espace qui s'étendait devant lui. Son souffle lui était coupé. Il sentait son sang bouillir dans ses veines. La femme qu'il aimait vivait dans une misère inconsidérable, et lui jouissait du confort sans limite, que lui offrait Papa et Maman. Il serra le poing et ouvrit toutes les portes de la maison afin de voir l'état des autres pièces.

    Ce qu'il trouva n'était guère mieux. Certes les pièces étaient spacieuses et les murs propres, mais on n'offrait pas une maison dépourvue de meuble à une jeune mère de famille. L'aide de la ville était pitoyable. Sans attendre, après avoir pris contre lui sa fille qui gisait sur le sol, il dégaina son téléphone et composa avec rage le numéro de la mairie.

    - Allô ?

    - Oui, bonjour. Cyprien Vauganne à l'apareil, je souhaiterais parler à Yoric Vauganne.

    - Mr Vauganne est actuellement...

    - J'en ai rien à faire ! Passez moi mon oncle, ou alors je débarque et détruis vos locaux !

    Cyprien arriva très tard dans la nuit, après avoir longuement discuté avec Yoric. Son oncle fut épouvanté par ce que lui appris Cyprien sur l'état des maisons sociales que dispensait la ville aux plus nécessiteux. En tant que Maire de Meadow Glen, le dernier fils d'Ambrine et Lawrence, désormais âgé, ne cessait de répéter qu'il allait agir et changer les choses. Mais cela prendrait énormément de temps et Cyprien ne pouvait attendre. Son sens de l'honneur et son amour pour Ambre et les enfants ne le lui permettaient pas. Alors il décida d'emménager avec elle et de prendre soin de sa famille.

    Mais il n'allait pas partir ainsi, sur un coup de tête, sans l'annoncer à ses parents, alors il rentra chez lui et prit ses parents à part et leur annonça la nouvelle. Eloi et Anaïs ne fut guère étonné. Aslinn était déjà parti, il était logique que leur fils suive. Mais celle qui prit cette nouvelle avec difficulté fut sa propre jumelle.

    - Mais Auri...

    - Non Cyprien, tu nous abandonnes, comme Aslinn l'a fait.

    - Je croyais que tu détestais Aslinn.

    Aurélianne le foudroya du regard. A ses yeux, elle n'avait pas grandit ni même muri. Elle soupira et secoua la tête, dépitée.

    - J'ai passé l'âge d'être en colère pour un oui ou pour un non, mon très cher frère, insista t'elle, mais ce que tu fais est proche de la trahison.

    Ce fut au tour de Cyprien de soupirer. Aurélianne avait beau grandir, ses sentiments étaient toujours aussi brouillon et aléatoire. Mais ces derniers temps, ses sautes d'humeurs étaient presque ridicules et hasardeuses.

    - En quoi mon départ est une trahison. Je ne fais que déménager et vivre avec ma famille.

    "Sa famille"... Il avait résumé cela en un seul mot. "Sa"... Elle n'était plus sa famille, mais juste Aurélianne -parfois Auri- une fille qui fit parti de sa vie un moment donné. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle étaient bouleversée et détestait cette sensiblerie stupide digne d'une adolescente en mal d'amour. Cyprien remarqua ses larmes et posa une main sur son épaule.

    - Aurélianne, je ne quitte pas la ville et ma maison te sera toujours ouverte. Alors ne pleure pas.

    - Je ne pleure pas.

    - Si et je sais pertinemment que cela n'a rien à voir avec mon départ.

    Elle se tût et observa longuement son frère. Cyprien était son jumeau, et bien qu'ils ne furent pas aussi proche que la plupart des naissances gémélaires, il arrivait parfaitement à lire sa colère.

    - Je suis enceinte, Cyprien.

    - ... C'est Kaelig, c'est ça ?

    Après un moment de silence, Cyprien avait dévoilé le nom du géniteur. Aurélianne ne put que confirmer. Elle n'avait plus fréquenté d'homme depuis que Kaelig était venu passer quelques jours chez eux, et Cyprien avait remarqué la façon dont elle fixait le jeune homme.

    Il prit alors Aurélianne dans ses bras et la berça lentement, comme leur père le faisait lorsqu'ils n'étaient encore que des enfants. Elle qui paraissait forte et sans faille, tremblait dans ses bras.

    Cyprien était parti, comme ça, le lendemain matin. La vie continuait son cour et elle était bien cruelle avec Aurélianne. Elle était passée à l'hôpital, comme le lui avait demandé son frère, afin de surveiller l'état du bébé. La belle avait simplement fait un test de grossesse mais même si ces tests n'étaient fiables à 100%, au fond d'elle, elle en était convaincue. Et son instinct ne l'avait pas trompé. Cela ne faisait que deux mois et pourtant la vie se développait en elle.

    Elle soupira et se détourna de la fenêtre de sa chambre. Elle venait de terminer sa nouvelle décoration afin d'adopter quelque chose de plus mature que sa chambre d'enfant décorée de quelques poster puéril. Elle aimait le rendu qu'elle avait su offrir à la pièce. Le noir et le blanc, parfois gris la faisait se sentir plus sereine, plus mature.

    Mais pas cette nuit-là. Elle ne savait si elle devait être heureuse ou triste. Ou encore en colère contre elle même ou Kaelig. Après tout, ils étaient deux adultes consentants, et chacun n'avaient pris la peine de se protéger. Elle ne prenait pas la pilule, comptant sur le préservatif.

    Mais lors de l'acte de chair, homme comme femme, chacun est responsable de ses actes et de la vie de l'autre. Car un enfant était vite arrivé -ou une maladie. Mais comparer un enfant à une maladie était assez cruel, même pour Aurélianne. Elle n'avait pas réellement réfléchit à sa vie, vivant un peu au jour le jour. Elle ne voyait que sa vie professionnelle, sa carrière. Elle ne se voyait pas mère, pas à son âge.

    Selon le médecin, il était encore temps pour elle d'avorter, bien que le délai se faisait de plus en plus court. Mais c'était une décision extrêmement difficile à prendre, voire impossible. Car, même pour cette demoiselle à l'instinct maternel frôlant le néant, elle n'avait pas le courage d'abréger la vie d'un être qui croissait en elle, avec innocence. L'enfant n'avait rien demandé, si il était là, c'était dû à un partage entre elle et Kaelig. Ils se devaient de prendre leur responsabilité, ensemble.

    Et le véritable problème se trouvait là. Car Kaelig avait disparu de la surface de la terre, ou tout du moins de la vue d'Aurélianne. Après son séjour chez les Vauganne, le jeune homme aux cheveux rouge avait tout bonnement disparu, laissant une maigre note à ses hôtes.

    " Merci pour l'accueuil.

    Cyprien, je te souhaite tout le bonheur du monde avec ta femme et ton enfant.

    Ps : Aurélianne, que ta vie sois aussi heureuse que tu le souhaite."

    Elle avait froissé le dit papier tant et tant de fois que les mots étaient désormais illisibles. Elle n'arrivait pas à le reconnaitre, mais elle avait laissé ses barrière tomber et s'était laissée prendre dans les mailles du filet. Amoureuse, voilà ce qu'elle était. Elle avait longtemps refusé de pleurer, mais... voilà, cette nuit, elle craqua. Paumes contre ses paupières, elle laissa sa peine, sa déception et sa peur s'échapper, pleurant de tout son saoul, oubliant le monde qui l'entourait. Elle était seule, avec son enfant.


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