Episode 6

Le soleil venait de se lever et les cerfs avides se nourrissaient des plants de Kahei. Ce dernier s’affaissa en voyant le désastre. Si seulement il avait les moyens de se payer une serre, ou de quoi clore son jardin, cela sauverait ses pauvres plantes qui ne demandaient qu'à vivre. Mais il fallait bien que les cervidés se nourrissent également, alors Kahei prenait son mal en patience.

Alors que Kahei déplorait l’état de son jardin, Aimée profitait du festival de la journée de l’horreur. Divers concours étaient organisés. Et la posture de certains participants était risible, enfin selon Aimée qui riait aux éclats. Rire mit de côté, elle décida de se joindre à eux à la dégustation de tarte.   

Et le résultat restera gravé dans les annales. Enfin si l’on peut dire… En tout cas, Aimée s’était amusée.

Ce fut à ce moment que Kahei arriva et tomba nez à nez avec sa petite amie couverte de fruit.

- Dis-moi Aimée… Tu aurais pu m’attendre pour venir ici.

- Roh ça va, Kahei ! Je suis une adulte.

- Peut-être mais j’aurais pu vouloir partager ce moment avec toi. On est si peu ensemble que j’ai pas l’impression d’être avec toi. Aimée, on est vraiment un couple ou pas ?!

L'exaspération suintait de tout le corps de Kahei : sa voix, ses geste, son regard. Il aurait aimé passer du temps avec elle. Il avait beau travailler chez eux, Aimée passait énormément de temps au théâtre afin de gravir les échelons. Il ne pouvait blâmer son sérieux professionnel mais il se sentait délaissé, mis de côté. Comme un objet qu'on se serait approprié puis délaissé, lassé cette nouveauté.Mais les reproches qu'il lui fit, ne furent guère accueilli avec joie par la blonde. Aimée gonfla ses joues d'air, outrée par ses accusations éhontées ! Elle voulu protester, taper du pied, hurler à son tour. Son poing se desserra. Elle trouvait cette conversation futile et inutile. Et elle n'avait pas envie de s'engager dans une nouvelle dispute. Elle préféra s'éloigner de Kahei qui soupira devant son comportement. Elle était si enfantine ! Elle passait son temps à fuir les discussions sérieuses et les responsabilités. Il soupira avant de reprendre la route vers leur demeure, le cœur gros.

Aimée se consola avec sa guitare, étui à ses pieds, histoire de gagner un peu d’argent. Mais la foule n’avait d’yeux que pour la jeune demoiselle. Elle soupira à son tour, tout en rageant son instrument. Elle était pourtant meilleure et plus belle que cette gamine. Pff !

Leur escarmouche ne dura pas longtemps. On les retrouva dans leur salon à danser passionnément, amoureusement. Aimée avait songé aux réflexions qui lui avait faites Kahei. Elle dut se rendre à l'évidence, elle le négligeait et elle aussi réclamait sa présence et son attention. A son retour, elle se lança dans ses bras et se confondit en excuse, enfin tout en lui reprochant certaines choses -à la manière d'Aimée en somme. Cela avait fait sourire Kahei qui lui pardonna.

Au petit matin, on put retrouver Aimée et sa guitare entre les mains. A croire qu’elle lui était greffée au bout de celle-ci. Mais notre demoiselle était assez sérieuse et ambitieuse pour travailler assidûment son jeu.

Kahei, lui, profitait de la musique ainsi que de l’air frais du début de l’hiver. La nuit avait laissé un peu de givre de-ci, de-là, et avait convié de petits rongeurs sur le palier des Vauganne-Fujimika.

Il faisait bien froid dehors, et la bouille attendrissante de ce petit rongeur eut raison du cœur du jeune homme qui, d'une main fébrile, prit contre lui l'animal tout tremblant. Il lui caressant le haut de la tête de son pouce, tentant de le rassurer puis entra dans la pièce d'un pas décidé. Aimée était installée à table en train de prendre son petit-déjeuner. Sans un mot, il lui fourra la petite boule de poil entre les mains. Lorsqu'elle le vit, elle faillit hurler mais l'écureuil se cala contre son giron. Elle scruta alors Kahei qui s'était élancé dans une pièce, au sous-sol, puis les bras chargés, avait trainé un imposant meuble. La blonde caressait toujours la petite bête tandis que Kahei, une fois le matériel installé, se dirigea vers elle.

- Tu peux m'expliquer ? Lui demanda la jeune femme.

- Cette pauvre bête était dehors.

- Là où est sa place, Kahei. C'est un animal sauvage.

Kahei fixa la créature qui se lavait le pelage avec ses petites pattes avant. Aimée soupira et abdiqua. Il avait gagné, l'animal allait rester.

La petite bête installée, le couple s'extasiait devant leur nouvelle acquisition.

- Oooh ! Qu’il est mignon ! Coucou petit écureuil !

- J’étais sûr qu’il te plairait.

- Oui, mais es-tu convaincu que sa place est auprès des êtres humains ?

- Non pas vraiment, mais regardes le… Il est totalement gelé et amaigrie.

- C’est vrai… Pauvre chou…

- Ecoute, on va le garder un temps, juste le temps que ça se réchauffe et après on verra.

Aimée approuva cette décision. Ils passèrent le reste de leur matinée à se pâmer devant ce nouveau venu.

Kahei prit le reste de la journée à faire le tour du quartier et atterrit dans un étrange lieu où potion, crâne et livre se côtoyaient. Il s’arrêta devant une étrange machine que le gérant lui présenta comme "broyeuse de pierre précieuse" et ce dernier lui avait donné une pierre pour qu’il puisse s’y essayer.

Expérience réussi, le jeune homme sortit et découvrit un beau spécimen de papillon nocturne qu’il attrapa aisément. Il croisa également le chemin d’un oiseau au somptueux plumage rouge. L’animal ne se montra guère farouche et conquis rapidement le cœur du jardinier, qui décida de l’adopter sans attendre.

Aimée fut surprise de découvrir l’oiseau enchanteur dans leur chambre, une fois rentrée du travail. Mais en voyant le grand sourire orner les lèvres de Kahei alors que celui-ci dormait, elle soupira tout en souriant également, lui passant son caprice, telle une mère à son enfant.

La journée fut courte mais ces petits animaux avaient mis du baume à leur cœur. Et ce fut le sourire aux lèvres et l’amour dans les yeux, qu’elle se blottit contre Kahei, afin de rejoindre les bras de Morphée.