Episode 7

Un soir, alors que toute la famille se reposait autour d’un bon repas après une longue journée de labeur, la discussion dériva rapidement sur le cas Aveline.

- Tu ne trouves pas ta sœur étrange ces derniers temps ?

- Comment ça ?

- Et bien… Elle est comme absente. Encore plus renfermée qu’avant.

- C’est Aveline Papa ! Faut pas chercher ! Conclut simplement le cadet entre deux bouchées.

Mais Wyatt sentait bien que sa fille était différente, perdue voire dans le néant. La raison ? Il l’ignorait, concrètement. Mais le départ de sa femme fut déclencheur. Il était déçu par le comportement de son fils qui se fichait de l’état mental de sa sœur aîné. Il n’avait pas élevé Aldrick de cette manière.

Au petit matin, alors qu’il faisait encore nuit, Aveline se réveilla car son estomac  la faisant affreusement souffrir. Elle avait passé l’heure d’avant à se tourner et se retourner sans cesse sous les draps. Mais trop c’était trop… Elle n’en pouvait plus.

Il fallait qu’elle mange. Elle avait boudé le dîner, ne voulant pas affronter le regard inquiet de son père et l’indifférence de son frère. Aldrick n’avait qu’une idée en tête, en ce moment, son mariage avec Mathis. Et cela –sans trop comprendre pourquoi- dérangeait la brune. Elle était triste et furieuse à la fois.

Mais alors qu’elle franchissait le seuil de sa chambre, afin de commettre un quelconque méfait dans le frigo, elle se retrouva prise d’une effroyable envie de vomir. Elle se précipita alors dans la salle de bain du fond et à peine eut telle franchit la porte qu’elle déversa tripe et boyaux sur le sol, la cuvette et enfin l’intérieur des toilettes.

La pauvre scientifique était totalement honteuse et désemparée. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était si souffrante depuis quelques temps. Ses émotions étaient exacerbées, son humeur aussi changeante que l’automne et ses brûlures d’estomac…

Au petit déjeuner, Wyatt rejoignit sa fille qui dégustait sans trop de conviction un café serré. Il s’assit à ses côtés et la fixa.

- Quoi ? Fit-elle méfiante.

- Rien…

- Papa, tu ne me regarde pas sans raison.

- Tu as été malade cette nuit ?

- C’est rien ! Une simple indigestion.

Une autre gorgée, difficile à avaler qui plus est. Mais elle devait feindre l’indifférence et faire comme si tout allait bien. Mais intérieurement, elle était à deux doigts de craquer, prête à prendre ses affaires et disparaitre pour de bon.

- Aveline… je m’inquiète pour toi.

- Je sais Papa. Et je t’en remercie, mais il n’y a aucun souci à se faire.

- Je ne suis plus tout jeune, ma grande.

- Papa, je t’arrête tout de suite ! Ne me parle pas de mort ! S’emporta la jeune femme en frappant la table avec sa tasse.

Ce geste surpris le vieil homme qui sursauta et manqua de tomber de sa chaise. Aveline était debout, le dominant avec les sourcils froncés et les yeux larmoyants.

- Je t’interdis de partir, Papa ! Tu n’as pas le droit !

Puis elle disparut dans sa chambre en pleurant. Le vieil homme, atterré, fixa son sillage avec stupéfaction et horreur. Elle avait eu des coups de sang, plus jeune, mais celui-ci était impressionnant. Avec un soupir, il se leva à son tour, nettoya la table et fila se préparer. Car aujourd’hui était un grand jour.

Aldrick était prêt depuis longtemps, apprêté pour cette cérémonie importante. Il accueillait les invités, tandis que son fiancé se préparait. Le premier arrivé fut Maxance.

- Alors pas trop anxieux ?

- Non, ça va. Je sais où je vais. Répondit avec un immense sourire le blond.

Sourire qui ne manqua pas à l’autre jeune homme.

- C’est rare de voir un homme heureux de se marier.

- Et pourquoi ?

- Ben c’est des responsabilités quand même …

- Je vois pas ce que ça changera. Si on s’aime, il est important d’officialiser les choses non ?

Un autre couple qui n’avait pas fui les responsabilités : Adélaïde et Iorhaël. Ils profitaient du calme plat avant la cérémonie, se retrouva en tête à tête dans la voiture restaurée par Léonie, il y a quelques années déjà.

Et ils profitaient de façon particulière et bien à eux de cette voiture.

Sous le regard de Maxance, qui gêné, du s’enfuir dans la cour. Le pauvre garçon ne saurait plus comment regarder ce couple.

- Salut Aveline.

- C’est ça, salut… Maugréa la brune à son beau-frère.

- J’ai fait quelque chose de mal ? Demanda Iorhaël au jeune homme qui s’approchait.

- Elle est mal lunée.

Mal lunée ? Si seulement, se disait Aveline. Elle aurait préféré mais elle était dans une impasse émotionnelle, telle, qu’elle pouvait mordre n’importe quel indigent. Qui qu’il soit.

Sous l’arche, les futurs mariés attendaient patiemment que les invités les rejoignent. Si Aldrick était impatient, Mathis lui était un peu plus réservé et anxieux. Il aimait Aldrick, la dessus il n’avait aucun doute. Mais le mariage était un sérieux engagement. Certes, ça ne réduisait en rien ses libertés mais c’était une façon irréversible d’officialiser les choses.

Mais il n’était plus temps de reculer. Après tout, Aldrick était sa moitié et son âme sœur. Jamais il ne pourrait le trahir ni le détruire.

- Aldrick Vauganne, voulez-vous devenir mon époux ?

- Euh Mathis, tu oublies les vœux non ? Lui murmura Aldrick en serrant les dents.

S’apercevant de son erreur, le militaire se gratta le crâne un peu gêné, sous le rire gentillet de l’assemblée.

- Aldrick, je te jure fidélité et un amour indéfectible. L’éternité est à notre porte, jamais rien ne nous sépara, pas même la mort. Acceptes-tu de devenir mon époux, afin de partager joie, bonheur, tristesse et malheur, avec moi ?

- Sur cette alliance, Mathis, je te fais serment d’un amour éternel, que même la mort ne pourra défaire. Je te jure que je te serais fidèle et à jamais tien.

L’échange du baiser se fit sous les vivat et les pleurs de Iorhaël. Cela fit sourire les époux lorsqu’ils l’aperçurent dans les bras d’Adélaïde, en train de le consoler.

- Franchement, parfois tu me fais honte. Avait-elle dit avant de le prendre dans ses bras.

Le riz plut, accompagné d’encouragement, d’applaudissement et de félicitation.

Ils entamèrent rapidement la coupe de la pièce montée. Mathis était pressé, mais Aldrick, d’une main sur la sienne le tempéra.

- J’aurais souhaité dire deux mots. L’assemblée se tût et l’observa. Je sais qu’un mariage est censé être un jour heureux mais je ne peux m’empêcher de penser aux morts. Si nous sommes ici c’est grâce à eux. J’ai une pensée particulière pour Maman, qui nous a quittés trop tôt. J’aurais tant aimé qu’elle soit ici pour partager ce moment…

- Bien parlé mon fils ! Cria Wyatt.

- Bien ! Honneur au marié ! Plaisanta le blond en se saisissant du couteau.

Mathis lui décocha un regard en biais, mais il savait que son époux plaisantait. Et comme convenu, le couple trancha le gâteau dans un unique geste.

Les convives dévoraient avec appétit la pièce montée, discutant de chose courante. Aveline s’ennuyait ferme et Maxance n’arrêtait pas de la dévisager. Elle finit par soupirer et lui demander ce qu’il souhaitait. Sans un mot, le jeune homme l’attira à l’écart.

- Quoi ?! S’emportait-elle.

- Aveline… Tu sais j’ai pas mal réfléchis…

Il lui tendit un bouquet de fleurs blanches, cueillies dans le jardin des Vauganne.

- Mais qu’est-ce que tu fais ?! Commença-t-elle à paniquer.

- Je te donne ma réponse.

- Mais qu’elle réponse ?! Sa voix commençait à monter de volume.

- Et bien… Officialisons notre relation.

Le silence. Un long silence bien pesant s’installant entre deux, alors que les autres riaient. Pour elle, le temps c’était comme arrêté.

- Ecoute… Entama Aveline, après un petit moment de réflexion. Je t’aime bien Maxance. Sincèrement, mais je pense que je n’ai pas été honnête envers toi.

- Que veux-tu dire ?

- Que nous deux n’a pas lieu d’être.

Le jeune homme accusa le coup. Il baissa la tête, lâcha un « je vois » avant de partir, lentement de la propriété, sous le regard étonné des convives. Regards qui passaient sur Maxance et Aveline sans cesse. Vexée, la brune fila à son tour dans la maison, loin d’eux. Elle en avait assez qu’il la juge ainsi.

Mais ce départ précipité n’avait en rien entaché la bonne humeur ambiante des festivités. Ils s’étaient tous retrouvés à l’intérieur pour une session de danse. Les époux profitaient d’une danse lente et romantique pour se jurer de nouveau un amour sans faille.

Le retour d’Aveline passa même inaperçu. Elle avait réussi à tâcher sa belle robe et dû alors se changer. Enfin, ce fut ce qu’elle raconta à sa famille. Mais la vérité était tout autre. Elle avait fait une espèce de malaise car elle était trop serrée dans sa robe. Elle dû alors passer un autre vêtement, afin d’être plus à l’aise. Son ventre commençait déjà  à prendre l’ampleur.

- Alors heureux ? Questionna Aldrick avec un sourire.

- Très heureux, même si je trouve cette question très clichée.

- C’est fait pour ! Et puis, l’amour n’est pas un cliché à lui tout seul ?

- Je ne crois pas, sourit à son tour Mathis, car on aime de différente façon.

Aldrick ne pouvait que confirmer. Adélaïde menait la vie dure à Iorhaël qui passait pour un homme peu fiable et peu débrouillard, voire un peu idiot. Mais cet idiot avait un cœur d’or et aimait sa femme avec passion. Ils étaient très démonstratifs, à l’instar des jeunes mariés qui eux, s’aimaient avec passion mais n’étaient pas démonstratif.

- Au fait … Où est Aveline ? S’enquit Mathis en regardant autour d’eux.

- Laisse la vivre un peu, Mathis. Franchement on se demande qui est ton mari. Bougonna le blond.

Cela fit sourire Mathis qui l’embrassa furtivement.

Mais Aveline était épuisée, et s’était esquivée à l’extérieur. Elle avait besoin d’air pur et de tranquillité. Elle s’endormit rapidement dans un des fauteuils de la famille.

Plus tard, alors que tout le monde était parti, Mathis voulut discuter avec son beau-père.

- Merci encore pour avoir participé autant aux financements du mariage.

- Allons ! Allons ! C’était un plaisir. Et puis rien n’est trop beau pour mes enfants.

- Merci Wyatt. Vous faites de moi le plus heureux des hommes.

- Vil flatteur ! Répliqua le vieil avec humour.

- Félicitations mon fils.

- Merci P’pa. Mais tu sais, lors de mon discours… j’étais sincère.

- A propos de ta mère ? Il put sentir la tête d’Aldrick se balancer contre son épaule. Tu as eu raison de l’évoquer. Je suis sûre qu’elle était là, parmi nous et qu’elle est désormais très heureuse pour toi.

- Je l’espère… Murmura le blond.

- Crois-moi, mon fils, elle l’est. Dit simplement Wyatt, une main sur l’épaule d’Aldrick.

Ils se quittèrent sur ses mots, l’émotion enserrant leur gorge. Mais Aldrick fut vite interrompu car son téléphone sonna.

- Oui ?

- Aldrick ? C’est Adé’ ! Dis je sais qu’on vient juste de se séparer mais…

- Tu as oublié quelques choses ?

- Non, non, rassures toi ! Par contre… J’aimerais discuter un peu avec toi…

- Vas-y je t’écoute.

- Tu n’as pas remarqué qu’Aveline était étrange…

- Ah ! Non pas toi aussi ?! Se plaignit Aldrick.

- Comment ça "Pas toi aussi"?!

- Attends ! On me bassine avec ça depuis des jours, entre toi, Papa et Mathis…

- Justement ! Bougre d’idiot ! Ça t’es pas venu à l’idée que c’était sérieux pour que ça inquiète autant de gens ?

- On parle d’Aveline, là… Elle a toujours été comme ça. Quand ça va pas comme elle veut, elle fait son intéressante et est de mauvaise humeur. Je vois rien d’étrange là-dedans. Répliqua sèchement Aldrick. Il put entendre sa sœur soupirer. Quoi encore…

- Aldrick… Tu es vraiment aveugle…

- Je te permets pas !

- Tais-toi ! Même Iorhaël l’a remarqué ! Aveline est différente et pour une bonne raison…

- Je crois pas…

- Silence ! Raaah… mais que va-t-on faire de toi… Aveline est enceinte.

- En…Enceinte ? Impossible…

- Impossible n’est pas Aveline, apparemment. Tu ne connaîtrais pas le père ?

- On parle d’Aveline, quand même. Elle est secrète sous sa timidité. Je la vois mal fréquenter…

Adélaïde ne put que lui donner raison. Ils raccrochèrent dans un silence pensant, et Aldrick rejoignit son homme pour une nuit de noce un peu spéciale puisqu’ils passèrent la nuit à faire des déductions sur le père de l’enfant. Sans résultat…