Episode 8

Cela fait maintenant près de deux années qu'Angéline avait quitté le nid familiale. Elle avait pris sa décision lorsqu'elle vit son envie incessante de sang la contrôler. Elle avait toujours pensé qu'elle pourrait contrôler sa soif. Mais elle était plus faible qu'elle ne le croyait. Alors, enfin de protéger les êtres qui lui étaient chers, elle avait préféré partir.

Ses recherches étaient infructueuses, cloîtrée dans sa chambre et son lieu secret. Elle n'avançait pas et ne pouvait solliciter plus de personne qu'elle ne le faisait. Aslinn, Adam et Alix avait leur propre vie à mener. Cyprien commençait à être mal vu par ses employeurs et Azilis... Son âge l'avait rattrapé. Elle était décédée peu avant le départ de la jeune femme.

Elle trouva refuge à Dragon Valley. Il n'y avait personne. Tout le monde était mort depuis des centaines d'années. C'était un magnifique endroit pour venir y mourir lentement -même si elle se savait immortelle, elle n'était pas tentée, isolée de tout.

Enfin c'était ce qu'elle croyait lorsqu'elle se mit en marche vers la ville fantôme. Un virus qui aurait décimé une population entière en si peu de temps était un sujet qu'on évité de côtoyer. Sa propre arrière-grand-mère avait eu la folie de faire des recherches ici même. Peut être qu'en son for intérieur, Angéline espérait marcher sur les traces d'Aveline, et réussir là où elle avait échoué.

Mais elle s'était trompée sur toute la ligne. "Pas une âme qui vive " lui avait alors soutenu la plupart des rapports de ses recherches. Et bien, il s'avéra qu'au contraire, quelqu'un vivait dans la région. Et l'un de ses chiens de cessait de la suivre. Angéline soupira en apercevant la fourrure blanche de ce fidèle compagnon à quatre pattes, et l'appela.

- Sakari... Qu'est-ce que tu fais là ? Ton maître ne va pas être content.

La chienne trotta joyeusement jusqu'à elle, et lui huma la main. Etrangement, Angéline s'était attachée à la chienne, car chaque fois qu'elle se déplaçait dans la nature, elle la suivait, s'échappant de chez elle. Cela lui rappela son arrivée à Dragon Valley.

~Deux années plus tôt~

Il faisait frais pour un matin d'été. Certes, c'était bientôt l'automne mais il faisait d'ordinaire plus chaud. Angéline regarda l'écran de son téléphone portable, et vit qu'il était assez tôt. Le soleil était levé depuis deux petites heures, ce qui expliquait la fraîcheur. Plan en main, plan qu'Alix lui avait donné, elle s'engagea dans un petit chemin de terre peu attrayant. Elle soupira une paire de fois. Elle n'était pas peureuse, mais elle était dans un endroit totalement inconnu et dévasté.

Elle marcha un bon moment, à travers les arbres et aperçut enfin ce qu'elle recherchait : la maison du seul homme qu pouvait l'aider.

C'était une vieille bâtisse, une espèce de ferme qui se tenait là, seule au milieu de nulle part et miraculeusement debout et entretenue. Angéline s'approcha de la maison et pouvait entendre deux chiens japper alors qu'ils jouaient ensemble.

- Bon sang... quel trou ! Soupira t'elle, déçue.

Mais en même, à quoi s'attendait-elle ? Plus personne ne vivait à Dragon Valley. Enfin officiellement, il n'y avait plus aucun habitant. Elle regarda de nouveau son bout de papier et vérifia qu'elle ne s'était pas trompée d'endroit.

- Tu te fous de moi, Alix... Ca ne peut pas être ici ?!

Elle sursauta lorsqu'elle entendit l'un des chiens s'en prendre à elle. Ses aboiements étaient peu rassurant et malgré son air de peluche, il était menaçant et tout en muscle. L'autre chien, au pelage blanc était non loin, et fixait la jeune femme, tout simplement. Angéline n'était pas habituée aux animaux et encore moins au chien. Elle recula légèrement, puis se souvint de ce qu'elle était : une vampire. Comment pouvait-elle avoir peu d'un simple chien.

L'animal continuait d'aboyer, tandis qu'Angéline lui répondait avec hargne.

- Mais tais-toi, stupide cabot !

Elle était effrayée, vampire ou non, elle ne savait comment réagir devant cet animal qui semblait peu ravi de la voir pénétrer la propriété.

- Je peux savoir qui vous êtes ? Dit une voix grave.

Angéline détourna son attention un moment du chien et voulu répondre au nouveau venu mais l'animal s'avança vers elle.

- Du calme Tyree.

L'animal se tût mais resta sur la défensive. Angéline prit cela comme une invitation à rejoindre le nouveau venu, mais son pas lui coûta de nouveaux aboiements.

L'homme à la tignasse brune s'accroupit auprès de l'animal et lui murmura quelque chose à l'oreille. La bête se calma légèrement mais n'en resta pas moins agressif. Elle pouvait le voir dans son regard

- Qui êtes-vous ? Répéta le jeune homme, tandis que l'autre chien l'avait rejoint.

Il caressait nonchalamment ses animaux tandis qu'Angéline tenta de retrouver ses esprits.

- Je vous ai posé une question. Si vous n'avez rien à me dire, partez. Vous dérangez mes chiens.

Il se releva et manifesta son attention de partir. Angéline avança son pied et l'interpela. Lassé, il soupira puis reporta son attention sur l'intruse. Les chiens étaient tous deux assis aux pieds de l'homme, attendant patiemment le prochain ordre.

La tête basse, Angéline s'exprima dans un murmure incompréhensible. Ennuyé, il lâcha un nouveau soupire puis invita la jeune femme à l'intérieur.

Alors qu'elle voulut le suivre, le chien au pelage blanc, plus petit et moins menaçant que l'autre, commença à renifler l'intruse avec délicatesse. Embêtée, Angéline se laissa faire, ne sachant quoi faire d'autre.

- Oui, oui... Bon chien... Dis, ma douce... Je peux t'appeler ma Douce ? La chienne secoua la queue, heureuse. Tu veux bien me laisser passer ?

La bête lui lança un regard curieux puis fit demi-tour afin de suivre son maître à l'intérieur de la maison. Angéline la regarda partir en trottinant, un peu amusée. Cette chienne était amusante et douce, comparée à l'autre plus brutal et menaçant.

Elle entra timidement dans la maison tout de bois. Elle sentait le chêne et la lasure. Elle ne put s'empêcher ses yeux faire le tour de l'intérieur, mitigée entre l'admiration et le dégoût. Elle avait toujours vécu dans le confort et la modernité.

Elle se tenait là, dans l'entrée, ne sachant quoi faire. Elle n'était pas timide d'ordinaire, mais cet homme l'effrayait un peu. Il ne souriait pas et son ton était affable.

- Donc vous êtes ?

Il attendait toujours sa réponse, et cela l'agaçait au plus haut point. Cette femme prenait tout son temps pour lui répondre. Elle tremblait comme une feuille alors qu'il connaissait sa nature. Il l'avait sentit, tout comme son chien. Il serra légèrement le poing lorsqu'elle prit la parole.

- Je m'appelle Angéline Vauganne... Voilà... euh... Je suis désolée d'arriver sans prévenir mais comme il n'y a aucun moyen de vous joindre...

- Allez au fait !

Elle sursauta car il hurla presque. Sa lassitude s'était muée en exaspération. Angéline se mordit la lèvre et détourna le regard du jeune homme.

- Je vais vous paraître folle mais... Je ne suis pas ... normale.

- Normale ?

- Oui... Et j'ai besoin de votre aide. Mes recherches m'ont toutes amené ici, à Dragon Valley.

L'homme pouffa, chose qui fit relever la tête à Angéline qui se sentit insultée en plus d'être interloquée. Il se permettait de rire alors qu'il ne la connaissait pas. Mais son expression était loin d'être de l'amusement mais plus du dégoût. Elle recula d'un pas, choquée.

- Je sais ce que tu es, monstre. Et jamais tu n'obtiendras de l'aide de ma part.

- Mais... Pourquoi ?! Qu'est-ce que je vous ai fait, enfin ?!

- Ta sale engeance m'a tout pris ! Tout ! Maintenant, dehors saleté ! Dehors, Monstre ! je ne veux plus te voir chez moi.

- Mais vous êtes bien Jolan, non ?

Il la toisa du regard, et ne dit plus un mot. Elle sentit sa bravoure lui échapper. Elle tourna alors les talons et se planta devant la porte d'entrée.

- Je ne souhaite qu'une chose : vivre ma vie d'avant. Est-ce égoïste de ma part que d'aspirer à cela ?

- Les monstres de ton espèce n'ont pas le droit de rêver et d'espérer.

En entendant cela, la belle laissa ses épaules s'affaisser puis elle ouvrit la porte pour la franchir. Le bruit de la porte qui claque fit sursauter légèrement le jeune homme, qui souffla afin d'évacuer sa colère.

Il savait qu'il était allé trop loin, mais elle avait eu le culot de se pointer ici, comme si de rien n'était. Elle, une cette sale engeance qui lui arracha ce qu'il avait de plus précieux. Il s'appuya contre le rebord de la table et fixa l'endroit où se tenait Angéline quelques secondes auparavant. Il avait pourtant pu lire au fond de ses yeux troublés une gentillesse et une douceur qu'il n'avait vu il y a des années.

Il déglutit avec peine et sortit en trombe, ouvrant la porte en grand, mais la demoiselle était déjà loin. Sa chevelure étrangement blanche brillait sous les faibles rayons du soleil. Il se sentit fautif et mal à l'aise. Les jambes tremblantes, il se laissa retomber sur le banc extérieur et souffla longuement.

Il venait de rejeter une pauvre fille, victime d'une malédiction qu'elle n'avait nullement souhaité. Elle le portait sur elle, cette tristesse constante sur son visage, ses yeux qui pleuraient sans verser de larme. Elle était éteinte.

Il venait de la laisser partir, seule dans la nature, alors que des créatures inhumaines rôdées dans cette région de Dragon Valley. Il baissa le regard puis reporta son attention sur la direction qu'Angéline avait prise.

- Si elle découvre les ruines... Elle est fichue... Il se prit la tête entre les mains et souffla. Mais peut être qu'elle ne risque rien. Après tout, elle est comme eux.

Il ferma les yeux et pria fort pour que tout ailles bien pour elle. Mais il ne reviendrait jamais sur sa décision : il ne l'aiderait pas. La dernière cela lui avait coûté cher.

~Retour au présent~

Elle laissait ses mains parcourir la fourrure pelucheuse de la chienne avait délectation. Elle avait appris après deux années à apprécier la douceur de cette créature canine. Sakari était le contraire de son maître, Jolan. Elle l'avait revu car il rôdait près de son camp. Elle n'était pas sotte, il avait beau prétexté le hasard et qu'elle fut établie sur ses terres, elle savait qu'il venait la surveiller. En bien, en mal ? Elle ne le savait pas. Elle n'arrivait pas à sonder ses pensées. Il était totalement hermétique à ses pouvoirs.

Mais elle s'en fichait, car en venant ici, elle s'était faite une nouvelle amie qui l'écoutait toujours et jamais ne l'embêtait avec la fierté humaine.

- Je t'aime ma Douce.

Elle lui embrassa la truffe et la chienne jappa de plaisir avant de lui lécher le visage avec affection. Riant à gorgé déployée, la voix d'Angéline se répercuta sur les flancs des montagnes environnantes. Cela faisait des années qu'elle n'avait pas rit ainsi. Elle avait appris le bonheur auprès de cette chienne.

- Allez, c'est l'heure pour notre balade quotidienne.

Heureuse, la bête se mit à courir, dépassant rapidement la jeune femme. Amusée, Angéline la rejoignit et courut à son tour de toutes ses forces. Le soleil avait beau donner, elle ne ressentait aucune douleur ni aucune fatigue.

Les deux amies se retrouvèrent rapidement à leur destination : un tombe. Angéline était tombée dessus quelques jours auparavant et avait réussi à en déterminer l'origine. C'était une très vieille stèle dont les inscriptions étaient légèrement effacées. Un cercle élaboré décorait le haut de la pierre irrégulière et rectangulaire qui se tenait debout.

Comme à chaque fois, elle s'agenouillait devant. Elle ne voulait surtout pas vexer la personne qui reposait sous terre. Elle se sentait obligée d'être respectueuse et docile. Une espèce de force la contraignait à être docile.

- Tu as trouvé quelque chose, ma douce ?

La chienne tournait sur elle même en couinant. Entendant qu'elle avait l'attention de la jeune femme, elle aboya une fois et commença à gratter le seule. Angéline ne l'avait jamais vu ainsi. Intriguée, elle s'approcha de la chienne qui creusait avec frénésie. Angéline, agenouillée à ses côtés, commença à l'aider. Et ce qu'elle découvrit lui fit perdre ses sens. Elle n'en croyait pas ses yeux. Sakari gémissait et poussait du bout du museau un crâne. Ce crâne était de petite taille, comme celui d'un tout jeune enfant. Il était dans un état excellent. Le blanc d'origine avait légèrement passé au crème. Les mains d'Angéline tremblaient alors qu'elle tenait cette trouvaille. La colère était inscrite sur son visage.

- Tu peux me dire ce que ça veux dire !?

Des hurlements résonnaient dans la vallée, malgré les murs de la maison. Angéline avait couru de toutes ses forces jusqu'à la demeure de Jolan. A bout de souffle, Sakari sur ses traces, elle haletait, hors d'haleine, alors qu'elle alpaguait le brun qui se défilait, comme toujours.

- Il n'a rien à dire.

- Quoi ?!

Il soupira et tenta de retourner à ce qu'il était, soit à la cuisine. Mais Angéline ne l'entendit pas de cette oreille, et d'un mouvement plein de rage, elle lui saisit le bras, plantant ses courts ongles dans la peau mate de Jolan. Son indifférence la mettait hors d'elle. Elle n'arrivait pas à le comprendre et cela la peinait. Mais l'heure n'était pas à ses sentiments personnel mais plus à la découverte qu'elle venait de faire.

- Comment peux-tu dire cela ? Ce crâne que je viens de trouver...

A ce mot, elle put sentir le jeune homme tiquer. Les muscles de son bras tressautèrent légèrement. Il savait, c'était certain et il avait délibérément caché ces informations à Angéline pendant ces deux années.

- Tu savais... Dit-elle dans un souffle. Tu savais ce que j'allais trouver et tu ne m'as rien dit ? Pourquoi ?!

Son visage se crispa. Il serrait les dents. Il tentait depuis cinq maintenant de mettre son passé derrière lui. Il ne souhaitait, au grand jamais, parler de ce qu'il s'était passé. Et elle, de sa voix douce mais déterminée, le forçait à le dire. Il fronça les sourcils et se força à lui répondre.

- Ca ne te concerne pas.

- Tu plaisantes, j'espère ?! Cette Valley est étrange. Ici je peux vivre normalement. Le soleil ... les rayons du soleil, je n'avais pu y goûter depuis tant de temps. Je peux enfin dormir... Je peux de nouveau entendre mon cœur battre...

Elle était heureuse de se sentir de nouveau humaine, même si elle n'en comprenait pas la raison. Cette pulsation qui heurtait sa poitrine lui avait tant manqué. Elle sentit les larmes embuer ses yeux. Elle passa un bras dans le dos de Jolan. Elle pouvait sentir sa chaleur alors qu'elle était toujours aussi froide. Cette sensation la ramena à la réalité. Elle avait presque oublié sa véritable nature. Mais son cœur... ses battements, il était l'élément déclencheur de ce vacarme rassurant.

Jolan détourna les yeux d'elle. Il pouvait sentir le cœur d'Angéline résonner contre son bras. Elle avait, inconsciemment coller son sein contre lui. Il tenta de contrôler ses émotions. Il n'était pas une bête et il refusait de laisser son corps diriger. Le premier jour où elle apparut devant lui, il avait eu envie d'elle. Mais il savait que c'était dû à sa nature vampirique et la jeune femme l'ignorait. C'était là un de ses pouvoirs : une attraction sans faille qui subtiliser la volonté des gens qui l'entouraient.

- Je t'en supplie, Jolan. Regarde-moi...

Sa voix n'était qu'un murmure, comme une caresse mielleuse et douce dans son oreille. Il frissonna et tenta de s'arracher de son étreinte, mais elle l'encerclait désormais de ses bras et son visage n'était plus qu'à quelques centimètres du sien.

- Qu'est-ce que j'ai fait pour que tu me considères comme ton ennemie, Jolan ?

Rien et tout à la fois. Il aurait tant aimé lui répondre cela, mais il préféra conserver le silence. Ses grands yeux bleus le fixaient misérablement. Elle était à deux doigts de pleurer et cela lui brisa le cœur.

- Ce crâne... Jolan, raconte moi ce que tu sais, je t'en prie.

Il reprit ses esprits. Il avait faillit flancher. Tomber dans son piège. "Quel idiot !" se dit-il avec colère. Elle avait presque réussi à le berner.

Elle put voir la colère se peindre sur le visage du jeune homme. Elle commençait à avoir peur de nouveau, comme lorsqu'ils se rencontrèrent. Elle avait pourtant déceler en lui une part d'humanité, une sensibilité qui l'avait touché, mais elle s'était envolée. Evaporée.

Sans un mot, il lui saisit les poignets et la fit valser, mettant tout son poids en avant, afin de la dominer. Elle avait beau être une vampire, elle restait une femme, et dans un moment de surprise, elle restait plus faible que lui. Elle glapit comme un animal surpris et contrit. Il n'était pas fier d'agir ainsi mais elle l'avait provoqué. User ainsi de ses pouvoirs sur lui... Cela le mettait hors de lui !

- Jolan ?!

- Arrête avec tes "Jolan" ! Je connais parfaitement mon prénom et ta voix m'énerve !

- Jo...

- La ferme !

Elle hoqueta. Elle l'avait mis en colère et il s'étonnait lui même. Il n'avait jamais perdu son sang-froid, même il y a cinq ans.

- Qu'est-ce que tu n'arrives pas à comprendre dans " Tais-toi" ?! Je n'ai pas envie de parler, et surtout pas avec toi, Monstre !

- Je... Tu me fais mal !!

Une larme perla des yeux bleus d'Angéline qui couinait sous la douleur. Le jeune homme avait resserré son emprise sur ses poignets, la ceignant avec force. Il relâcha un peu son emprise et Angéline en profita pour dégager sa main droite. Elle l'avança vers le visage de Jolan qui se rembrunit.

- Ne me touche pas ! Assassin ! Combien de victime as-tu à ton actif ?! Combien de litre de sang ont coulé sur tes mains ?

Angéline ferma les yeux, refusant d'hurler face à la douleur que l'emprise de Jolan exerçait sur son poignet lui procurait. Elle ne voulait pas montrer sa faiblesse. Elle n'était pas en mesure de comprendre celle qui émanait du regard du jeune homme.

Elle porta un regard empli de pitié sur lui et cela le fit renâcler avec dégoût. Il la relâcha la faisant tomber sur le sol brutalement. Elle expira sous le choc tandis qu'il recula d'un pas, détournant son regard d'Angéline. Il tremblait. Il s'étonna lui même à trembler comme une feuille morte. Il commença à rire, comme un dément, se trouvant ridicule et pitoyable.

- Qu'est-ce qui ne va pas avec toi, Jolan ?!

- Aha... Ahahhaha ! Tout est de sa faute... Oui... Sa faute !

Elle papillonna des yeux, tentant de comprendre le sens des mots du jeune homme mais tout ce qu'il put lire sur son visage crispé par la tristesse fut le désarroi. Elle avança une main vers lui, tentant ainsi de lui prendre une main, mais il la rejeta avec violence.

- Ne me touche pas ! Hurla t'il.

Angéline se tenait la main, bien blessée par le geste et l'intention que par la force qui l'affecta. Elle commença à sentir les larmes lui prendre la gorge, elle refreina un sanglot qui piqua les nerfs de Jolan à vif.

- Vous êtes toutes pareilles ! Toujours à pleurer et à vous lamenter sur votre sort !

Elle fut incapable de faire quoique ce soit. Sa bouche s'ouvrait et se fermait, comme un poisson hors de l'eau. L'air lui manquait tout comme les mots. Jolan fixa sa main, puis ferma le poing avant de se détourner de la jeune femme et sortir de la maison d'un pas pressé.

- Si je pleure... Ce n'est pas pour moi, Jolan... Mais pour toi...

Mais le principal intéressé n'était plus là. La porte venait de refermer avec fracas derrière lui, laissant la jeune femme seule et en larme dans la maison. Elle se recroquevilla et laissa son désarroi l'habiter. Elle avait tant retenu ses larmes depuis des années qu'elle ressentait le besoin de les laisser s'échapper. La liberté pour sa tristesse, enfin...

Jolan trouva refuge dans sa cour. Il n'était en sécurité nulle part en dehors de ses barrières, et même en colère ou désespéré, il ne franchirait seul ces protections. Il était la proie d'un être cruel qui le pourchassait sans relâche depuis cinq ans.

- Pourquoi faut-il que je sois si faible...

Il soupira et se prit la tête dans la main alors qu'il était assis à même le sol. Il se sentait misérable et impuissant. Condamné à vivre seul avec ses chiens dans cette ville déserte où ses ancêtres avaient prospéré.

Des secrets, ils en avaient comme tout le monde. Mais il y en avait certains qui le pesaient plus que d'autre. Il soupira à nouveau et put sentir la douce fourrure de Sakari se glisser sous son bras. Il la flatta légèrement l'oreille, le regard toujours plongé dans l'herbe. Il n'arrivait plus à penser, ni à avancer. Il était loin d'être près à avouer à Angéline ce qui entourait le crâne de la tombe, ni à qui appartenait cette tombe. C'était bien trop tôt et surtout aller au devant du danger.

Tyee rejoignit son maître et sa compagne. A son tour, Jalon lui flatta l'échine avec affection. Heureusement qu'il avait ses chiens. Ils le ne trahiraient jamais, ils resteraient à jamais avec lui. C'étaient des amis fidèles et aimant qui ne lui demandaient rien en retour, si ce n'était qu'affection et nourriture.

- Que ferais-je sans vous, mes amis...

Les animaux couinèrent et jappèrent en signe d'approbation. Ils étaient là, il y a cinq, lorsque sa vie se déchira.